Cobiath - Preface - Table des matieres - Intro - Partie 1 - Partie 2 - Partie 3 - Partie 4 - Biblio |
TROISIEME PARTIE Etude
détaillée des chapelles |
Chapitre
I Chapelles simples |
L’appellation se prête à diverses interprétations. Est-ce un terme arabe?
Quel en est le sens? De provenance syriaque? Qu’est-ce qu’il peut signifier?
Certains ont voulu y voir le souvenir lointain de quelque famille franque
(Monguise)...
Mr. Hassan Sarkis, dans sa “Contribution” a eu l’idée, quoique d’une façon
évasive, de s’interroger si Menjez pouvait correspondre à la Maïza des textes assyriens.
Si la proposition correspondait à la réalité, le site appelé “Al Mahallat”, aux
confins occidentaux de Chouita, trouverait sa signification et l’énigme de
l’antique et immense nécropole de Ghozrata serait dévoilée.
D’autres ont rapproché Menjez de Némésis, la déesse de Maqam - er Rabb,
temple situé aux environs de Naba’ - Aj Jaalouk. La correspondance phonétique
est fort acceptable[1].
Le Felicium
Ø
Le nom
“Ego, Raimundus, Comes Tripoli... dedi... et Felitum et Lacum “, corrigé
dans la même charte de 1142 par “Felicium et Lacum”. Les deux châteaux et
toutes leurs dépendances ont été acquis, moyennant mille besants, de Gilbert de
Puy - Laurens[2].
Le Felicium, quel sens a-t-il? Le nom est-il latin? La langue classique
possède l’adjectif felix; (heureux), il n’y a pas de felicium. Revient-il,
alors, au bas latin, ou bien est-ce un nom propre antérieur adopté par les
Francs?
Le Felicium a été reconnu dans les restes du château dit “Qala’at el
Felis”. Dans ce cas, le Felicium (Folos, Felis) serait-il une rémanence grecque
ou bien doit-on penser à un souvenir des Ituréens? Ceux-ci, arabes romanisés,
ont dominé la région pendant deux siècles environ. D’ailleurs, El Fales dit
Yacout[3]
c’est le nom d’une divinité arabe de la période pré-islamique[4].
Ø
Le site
Trois Kilomètres de terrain plat séparent l’actuel villge de Menjez de
l’éperon ensoleillé où se dressait jadis le môle imposant du Felicium: le
château heureux.
En traversant la route poussiéreuse, voguant dans la plaine qui embrasse
l’étendue du plateau, le regard rencontre de temps en temps, à gauche comme à
droite, des amas de roches noires. Ce sont les débris des tombes mégalithiques
fouillées par le père Maurice Tallon au début des années cinquante du 20es.
Dépouillées de leur tumulus, elles sont aujourd’hui abandonnées aux
chasseurs d’hiver qui s’abritent derrière leurs blocs énormes contre le vent du
nord. Poussant la marche vers l’ouest, on pénètre dans un champ immense connu
des indigènes sous le nom de Meidane: l’hypodrome. Les anciens du village,
nostalgiques, parlent souvent des fêtes grandioses qu’on faisait de leur temps,
en l’honneur de Notre-Dame. Nous n’avions jamais réalisé que les jeunes
villageois qui évoluaient sur leurs chevaux, pour la circonstance, pouvaient
être les directs héritiers des superbes cavaliers francs et que les ébats
chevaleresques en l’honneur de Notre-Dame-du-Fort n’étaient qu’une faible
réminiscence des joutes somptueuses des anciens seigneurs du château.
”Omni die, Ludos, torneamenta, hastiludia et varias deductiones militares
ac omnia exercitionum genera ad militiam pertinentia continuabant”[5].
C’est surtout vers le printemps, à l’époque ou les chevaux étaient conduits
dans la campagne pour y être mis au vert que, campés près des tentes des
bédouins, les chevaliers latins même ceux des grands ordres militaires, se
livraient avec passion au jeu équestre du Djérid, considéré par certains
auteurs comme ayant été à l’origine des tournois[6].
L’ennui de la plaine, presque aride, est bientôt dissipé par l’apparition
de l’église de Notre-Dame-du-Fort. Construite par les Jésuites français vers le
milieu du XIX s., la chapelle est un véritable joyau de l’art baroque, rarement
employé en Syrie. La façade, blanche rayée de lignes noires, offre sa beauté
aux caresses du soleil levant[7].
Les pierres ont été empruntées aux ruines du château. L’appareil est souvent
conservé intact dans le remploi. L’encadrement des portes, les linteaux et
certaines colonnettes du château voisin ont été réutilisées, sans aucune
retouche, dans l’édifice religieux qui se dresse sur une étroite bande de
terrain, sur le versant oriental du fossé artificiel, juste sur l’emplacement
où devait s’appuyer le pont-levis qui reliait le sol ferme à la forteresse.
Pour atteindre la colline du château, on prend, à gauche de l’église, la
cour interne du couvent. Juste en face de la porte sud de l’église, il y a une
ancienne citerne surmontée d’une margelle. L’eau de puits verse dans le creux
d’un énorme rouleau d’ancrage antique transformé en vasque.
Quelques pas à l’ouest du service d’eau, trois marches exiguës conduisent
dans la cour d’une étable. La première de ces marches est une pierre basaltique
(70 x 20) qui porte, gravées en creux, quelques lettres grecques [8];
au témoignage d’un paysan établi sur les lieux, la pierre a été retrouvée par
lui, il n’y a pas longtemps, dans le sol du château. La dédicace à la déesse
Tyché-Fortuna témoigne incontestablement de l’ancienneté des lieux: antique
temple grec ou gréco-romain? La monnaie et la céramique retrouvées au cours des
labours remontent aux deux époques. Le site semble avoir été utilisé bien avant
la conquête d’Alexandre preuve en est la présence des tombes mégalithiques dans
la localité. Les Byzantins ont dû fortifier cette position bien avant les
Croisés: les pressoirs qu’on y retrouve encore doivent être reportés à cette
période[9].
Une descente lâche mène au fond du fossé avant de remonter la pente qui
conduit à la poterne encore discernable du château. Le fossé n’est pas naturel,
il a été creusé à main d’homme. Quarante mètres de longueur relient les deux
extrémités de la cavité aux pentes sud et nord de la colline. Vingt mètres de
largeur et quinze mètres de profondeur donnent une idée du travail réalisé par
la main-d’oeuvre franque pour compléter l’isolement de la forteresse entourée,
sur ces trois autres côtés de larges et profondes vallées: le Ouadi Menjez,
prenant naissance à l’est, contourne la colline au sud, avant de rejoindre, à
l’ouest, la vallée de Nahr-el Kébir qui, venant de l’est, passe au pied du
Felicium, formant ainsi, au nord du château, une barrière naturelle
infranchissable. Quelle pouvait être la valeur stratégique de cette position
dans le système défensif oriental du comté?
Elle devait jouer plutôt un rôle de surveillance que de défense.
Effectivement, le château devait garder les passages naturels qui relient
l’intérieur syrien à la côte libanaise en bloquant les chemins qui conduisent
de Homs à Tripoli par Achchaàra et le Cobiath le long du fleuve. Il devait être
plutôt une résidence seigneuriale qu’une forteresse.
« Dans les châteaux du XII s. que tenaient les seigneurs, affirme P.
Deschamps, ceux-ci vivaient avec leurs enfants et leurs femmes.[10] »
Malgré sa situation exceptionnelle au milieu de l’enchevêtrement des
vallées environnantes et bien qu’il fut inattaquable sur trois fronts, à partir
des collines avoisinantes, le château n’avait aucune chance de pouvoir résister
à une attaque massive venant de l’est puisqu’il n’y avait que les vingt mètres
du grand fossé à barrer l’accès au plateau de Menjez. Situé presque à
mi-distance entre le littoral et la Boqeia’ - à moins de 15 km à vol d’oiseau-
son importance se réduisait au rôle de poste- vigie sur l’Eleuthère.
Le Felicium est pauvre en terrains cultivables. Les tertres qui coupent le
relief assez plat sont arides et rocheux. L’eau est rare. les sources qui
suintent au sein des vallées sont inutilisables. Seul le Nab’a-el-Ja’alouk qui
surgit dans la montagne aux environs de l’ancien temple Maqam-er-Rabb suffit à
peine aux besoins des habitants et à arroser quelques maigres arpents de terre.
Neuf mois de sécheresse rendent impossibles les cultures maraîchères. Les
torrents d’hiver deviennent autant de pistes praticables durant la saison
chaude. Par contre le sol volcanique permet la plantation de la vigne[11]
de l’olivier et beaucoup de seigle, d’avoine et de blé. Ceci explique la
présence des huileries et de la meunerie dans la localité. Les pâturages,
étendus et fort gras en hiver-printemps, attirent de nombreux troupeaux.
Aussi, le fait, remarqué par Burchard de Mont Sion et Jacques de Vitry,
lors de leur passage dans la région (1ère. moitié du XIII s.) offre-t-il,
peut-être, une explication plausible à la présence des sépultures
mégalithiques, souvenirs certains de la civilisation nomade des bas plateaux du
pays. D’autre part, la vallée de l’Eleuthère, parfois étroite, s’élargit
cependant pour permettre souvent de larges bandes de terrains cultivables, tout
au long du fleuve, toute l’année. La canne à sucre, les orangers, les cultures
maraîchères, le riz et la pistache, y trouvent un terrain extrêmement fécond.
Le Felicium est inhabitable pendant l’été: la chaleur est étouffante. Les
Puy- Laurens avaient-ils l’habitude d’estiver au Lacum, selon la coutume du
pays?
Pour accéder au château, on prend, à gauche, le versant de Ouadi Menjez.
L’attention est immédiatement attirée par la pierre grise des murs. L’appareil,
assez grand, est d’une taille bien fine aux contours, mais le bossage est
souvent à peine équarri: C’est que le genre de basalte employé est dur à
travailler. Juste à l’entrée, on remarque, à gauche, les vestiges d’une tour
ronde. Elle est séparée de l’enceinte extérieure par un fossé étroit. Trois
mètres plus en avant, on relève, dans le mur de droite, une grande pierre dans
laquelle des trous sont creusés: deux séries verticales de sept cavités.
Horizontalement, une cavité de chaque côté. L’ensemble explique plus au moins
la forme d’une croix latine. Nous pensons que la pierre est de réemploi et que
la figure ainsi tracée, devait constituer une sorte de jeu pour hommes d’armes
oisifs (Manqalé). Dans le terrain adjacent, nous avons retrouvé de petites
billes, en pierre polie, de couleur blanche et noire, à la mesure des cavités.
On tourne à droite pour escalader un petit tertre. C’est un parfait tell
artificiel. Là, se dressait jadis le donjon franc, obstruant le front est, le
point le plus faible du château. De nombreux débris jonchent le sol, parmi les
ronces et la broussaille. Des pans de murs délabrés, percés de meurtrières
délimitent les différents appartements de cette partie du fort. Dans le sol du
donjon, on remarque une claire-voie. Celle ci s’ouvre sur un vaste souterrain,
présentement obstrué de remblai. Les structures du château englobent tout
l’éperon. Son étendue est sensiblement égale à celle du château d’Akkar.
Tâche grise dans l’horizon verdoyant des alentours, il devait faire une
belle impression ! De nombreuses citernes lui assuraient l’eau en
abondance. Un escalier à vis, semblable à celui du château de Saint-Gilles à
Tripoli, reliait le fort à la rive méridionale de Nahr-el Kébir. L’accès à cet
escalier est aujourd’hui obstrué et l’on risque fort de ne pas le retrouver
sans le concours des vieux paysans. Plusieurs des appartements intérieurs sont
jusqu’à présent décélables.
Les restes des murs dépassent parfois les deux mètres. Mais, de là à leur
assigner leur destination première, la chose est fort ardue, tant leur aspect a
été bouleversé par la végétation, les décombres et les paliers qui ont été
aménagés pour l’agriculture.
Ø
La Chapelle du Château:
Dressée, presque au centre du château, la chapelle semble complètement
détachée des autres bâtiments. Le terrain, sur lequel elle a été construite,
devait accuser une certaine inclinaison, et, le sol dut être remblayé le long
du mur nord dont le niveau des premières assises visibles est beaucoup plus bas
que celui du mur sud. Il n’est pas question de fouiller le terrain autour de la
chapelle, car le rocher-maître est parfois apparent à la surface du sol.
La chapelle est encore conservée jusqu’à la hauteur de trois assises, au
sud et à l’est, alors qu’elle garde une élévation variant entre un mètre et
demi et deux mètres, aux autres côtés.
L’appareil basaltique, moyen (55x35) dans l’hémicycle de l’abside,
L’oeuvre, en moellon noyé dans du mortier, et, couverte d’un double
parement, a l’épaisseur d’un mètre. Le parement extérieur, finement taillé aux
contours, n’offre pas, généralement de bossage, et, quand le bossage est
présent il est à peine visible. Malgré la finesse des contours, le liant, qui
raccordait les pierres, est toujours visible. L’appareil intérieur, par contre,
est moins soigné et devait être couvert d’un enduit dont on relève des vestiges
dans les recoins.
Avant de passer à l’étude du plan de la chapelle du château nous voudrions
évoquer les problèmes concernant la technique utilisée dans la construction des
différents éléments de l’édifice.
1/ Les Fondations :
Les fondations de la chapelle du Felicium tiennent généralement compte de
la nature du terrain. En effet, là où le rocher affleure le plus sur le côté
sud du monument, les fondations reposent directement sur le rocher. Par contre,
les fondements des murs est et ouest s’enfoncent plus profondément, surtout
ceux du mur nord, étant donné que la nature du terrain a obligé les architectes
à suivre la pente pour asseoir la construction sur des bases aussi solides que
profondes. L’on constate, d’ailleurs, que ces fondements présentent deux sortes
de matériaux. Dans le côté nord et dans les parties les plus profondes, les constructeurs
ont utilisé des pierres à peine dégrossies, jointes, au moyen d’un mortier
composé de gravier très finement pilé, d’une sorte de sable d’extraction locale
et de chaux. La présence d’une forte
proportion de petits fragments de charbon de bois dans ce ciment permet de
penser que de la cendre a été mélangée aux autres composantes du mortier. La
profondeur de ce lit varie selon l’affleurement du rocher de base.
Immédiatement au-dessus de ce premier lit, on trouve, en général, une à
trois assises de pierres plus régulièrement taillées et équarries au moyen du
poinçon ou du ciseau. Toutefois leur surface est plate, sans avoir été l’objet
d’un soin particulier. Ces assises devaient-elles être enfouies dans les
tranchées de fondation, ou bien, recouvertes d’un glacis quelconque et par
conséquent, elles ne devaient point être visibles?
La chose paraît possible, car le terre-plein qui forme un passage au nord,
entre la chapelle et le ravin est visiblement crevassé et balayé par les
écoulements des pluies torrentielles dans la région. Le même ciment à base de
chaux, de gravier et de cendre a servi pour lier les blocs de ces assises, les
uns aux autres. C’est, par ailleurs, au niveau de ces assises que se fait le
rattrapage du niveau, de sorte que les défauts d’horizontalité, dus à la
configuration du sol, ne soient plus visibles dans les assises régulières,
finement taillées, qui constituent les parements extérieurs des murs.
2/ Les Murs :
Il ne semble pas que les murs de la chapelle aient été destinés à être
recouverts d’un enduit quelconque, tant leur parement extérieur est finement
taillé. Les joints des pierres qui les constituent sont ajustés de sorte qu’il
est difficile parfois de voir le ciment qui les unit. Sur le plan technique,
ces murs, relativement épais (un mètre) ont été construits selon un mode que
l’on rencontre souvent dans les constructions franques de Syrie. Les deux faces
sont, en effet, faites de pierres de taille, à l’intérieur desquelles un
blocage, en pierres sèches noyées dans du ciment, forme une sorte de bourrage.
Les pierres du parement extérieur présentent généralement un mélange de pierres
lisses et de bossage à peine saillant. Celles du parement intérieur sont plus
petites et à surface plate. Quelques- unes portent encore des vestiges
d’enduit.
Quel instrument a-t-il été employé dans la taille? Il serait hasardeux de
le dire, tant la pierre est rongée par les intempéries. La hauteur des assises
varie souvent, et si l’on examine les assises encore conservées dans le
parement intérieur, on rencontre les hauteurs suivantes, respectivement de bas
en haut, 0.25, 0.35 et 0.30 m.
D’autre part, si l’on met de côté quelques blocs que l’on peut qualifier de
petits, avec leur longueur de 0.45m. pour une hauteur de 0.35m. et quelques
grands blocs exceptionnels, l’on constate que la moyenne générale des blocs
utilisés pour le parement extérieur des murs, tourne autour de 0.75m. de
longueur, pour 0.35 de hauteur.
3/ Etude du plan :
Dans les châteaux que tenaient les seigneurs, affirme P. Deschamps[12]
les chapelles étaient de petites dimensions.
Le Felicium des Puy-Laurens ne déroge pas à cette constatation. La chapelle
est effectivement de petites dimensions. Sa longueur intérieure ne dépasse pas
les 12,55 abside comprise, alors que la largeur est exactement de 7,45 à
l’ouest et de 7,05 à l’est. La chapelle, à nef unique, dessine un rectangle
terminé à l’est par une abside en cul de four, saillante.
a) La Nef:
De forme rectangulaire, elle ne devait avoir qu’une seule travée, car, dans
ce qui reste des murs longitudinaux, nous n’avons pu découvrir aucune trace de
pilier ou bien de base de colonne engagée, pas même la moindre semelle qui pût
faire supposer l’existence possible d’une division virtuelle quelconque ou bien
d’un arc doubleau. La paroi des deux murs est tout à fait unie et, dans ce qui
reste debout, elle ne présente aucune aspérité ou la moindre pierre saillante
qui fasse penser au départ d’un arc possible.
b) La porte nord:
Les chapelles des châteaux francs de Syrie ont, en général, deux entrées,
l’une à l’ouest et l’autre au nord ou bien au sud: Rappelons à ce sujet, celle
du Crac et de Margat. La chapelle-donjon de Safitha, possède un beau portail à
l’ouest et un escalier, qui donne à l’étage supérieur, situé dans l’angle sud
de l’édifice.
Les murs sud et ouest de la chapelle du Felicium, conservés jusqu’à la
hauteur d’un mètre, n’offrent aucune trace de porte ou de seuil. Les assises
sont toujours nivelées et parfaitement unies. Leurs pierres n’offrent aucune
faille, même bouchée, qui fasse penser à un accès quelconque.
Par contre, le mur nord, et, à la distance d’environ deux mètres de l’angle
nord- ouest, offre, à l’oeil attentif, un certain espace dont les matériaux et
la construction contrastent nettement avec le reste du mur. Ce dernier est
assez bouleversé dans ce côté du monument, mais il se tient toujours debout.
Les blocs se maintiennent à leur place bien qu’ils accusent parfois un
affaissement dans leurs niveaux d’horizontalité. L’espace que nous venons de
signaler en contraste avec le reste, est sûrement de construction récente. Ses
assises ne coïncident point avec les autres, et les pierres, dont elles sont
faites sont sèches et irrégulières. L’espace est large de 0,90 mètre, juste la
largeur normale d’une porte régulière dans ce genre d’édifice.
On remarque, par ailleurs, la présence d’un bloc de 120 cm. de longueur par
30 cm. de hauteur qui jonche le sol, tout près de là, et, qui probablement
devait constituer le linteau originel de cette porte. Malheureusement, le
linteau est tellement maltraité que nous n’avons pu y découvrir aucune trace
d’inscription ou de sculpture, si jamais il en fut.
c) La Porte est:
A l’extrémité nord-est du rectangle de la nef, l’angle semble conserver,
lui aussi, les traces d’une autre porte.
Le mur est de la chapelle qui sous-tend l’arc de l’abside, garde dans sa
partie nord, au delà du point de décrochement de l’abside, une entaille dans la
construction restante.
Des structures, toujours visibles, reçoivent, en vertical, le pied-droit de
l’arc de l’abside et se dirigent perpendiculaires sur le mur nord. Elles
s’arrêtent brusquement pour s’orienter parallèles au mur nord fermant ainsi une
sorte de contrefort à l’abside. Le vide ainsi créé dans cette partie des
fondements est assez large pour constituer une porte régulière (0,82 mètres),
livrant passage vers l’est, à gauche de l’abside.
d) L’abside:
L’édifice rectangulaire est terminé par une abside saillante. Nous n’avons
relevé aucune trace d’ouvrage extérieur qui eût dû habiller le demi-cercle de l’abside.
Celle-ci, dessinant un arc sensiblement surhaussé, se conserve jusqu’à la
hauteur d’un peu plus d’un mètre. Son parement extérieur est pareil à celui des
autres murs, alors que le parement intérieur, d’une facture mieux soignée, est
composé de blocs plus petits et à surfaces lisses destinées à être recouvertes
d’enduit comme les autres parois intérieures du monument. La paroi nord de
l’abside est percée d’un passage dont elle garde les vestiges, juste quelques
cinquante centimètres à l’est de l’arc triomphal. Ce passage nord-sud, à
travers la courbe de l’abside, rencontrait, sans doute, l’autre passage
est-ouest dont nous venons de parler plus haut.
L’arc de l’abside n’est pas raccordé au centre du mur oriental de la
chapelle. Il accuse un net écart vers le sud.
Les distances, en effet, qui séparent les pieds-droits de l’arc triomphal,
des murs latéraux, ne sont pas égales. Celle du sud est sensiblement plus
courte que celle du nord dans laquelle est percé l’accès vers l’est.
Ce décalage de l’abside dévie nettement l’axe central du monument. Est-ce
un effet de correction dans l’orientation survenue plus tard ou bien, ce
désaxement a été voulu pour laisser place au passage décrit plus haut?
Ce désaxement absidial se rencontre souvent ailleurs, soit dans la chapelle
de Saïdet-er Rih à Nephin, soit dans nos chapelles du Cobiath, comme nous
aurons l’occasion de l’étudier plus loin.
e) La Sacristie :
Notre connaissance du Felicium ne date pas d’hier, notre amitié étant fort
ancienne. Chaque recoin du vieux site nous est familier. Nous avions souvent
erré parmi les buissons et les décombres, toujours à la recherche d’une
nouvelle découverte ou bien d’une nouvelle impression. Mais malgré l’ancienneté
de cette amitié, nous n’avions jamais eu l’occasion de remarquer sous les amas
de débris et le cumulus de terre apportée par les alluvions, les vestiges d’une
petite sacristie qui flanque le côté nord de l’abside. Les pluies torrentielles
de la dernière saison ont mis à découvert une pierre à bossage, juste quelques
mètres plus à l’est de l’angle nord du monument. Grattant autour de la pierre,
celle-ci s’est révélée faire partie d’une infrastructure entière qu’une fouille
superficielle a mise à nu. C’est la sacristie qui flanque normalement la
plupart des monuments religieux des Croisés en Syrie[13].
La sacristie forme une petite salle de 2,60 x 3,20. La façade nord, la plus
longue semble continuer le mur nord de la nef, alors que la façade est s’appuie
perpendiculaire sur la courbe saillante de l’abside.
Les deux portes dont nous venons de constater l’existence débouchaient
effectivement dans la sacristie, l’une reliant cette dernière à la nef de la
chapelle, l’autre communiquant directement avec le maître-autel. Chapelle de
château seigneurial, le monument est relativement petit par rapport aux
chapelles du Crac, de Safitha et de Margat, mais il devait être plus que
suffisant aux besoins liturgiques de ses seigneurs.
Avant de quitter définitivement nos souvenirs, arrêtons-nous un instant
sous les arbres qui ont jadis ombragé les lieux: une noce sortant de l’église
Notre-Dame s’égrène sur la grande place:
“La mariée est splendidement parée et porte une robe de soie magnifique
tissée d’or et dont la queue traînante balaye le sol. Sur son front brille un
diadème en or recouvert par un filet tissé d’or et sa poitrine est ornée de
même. Ainsi parée, elle s’avance en se balançant à petits pas comptés semblable
à la tourterelle. Elle est précédée des principaux d’entre les chrétiens,
revêtus d’habits somptueux à queues traînantes et suivies de chrétiennes, ses
paires et ses égales, qui, également couvertes de leurs plus belles robes,
s’avançaient en se dandinant et traînant après elles leurs plus beaux
ornements. L’ensemble se met en marche vers (le Meidane) où aura lieu le jeu équestre
du Djérid, l’orchestre en tête, tandis que les spectateurs musulmans et
chrétiens assistent au défilé”.
Pour décrire la noce à laquelle nous venions d’assister, nous nous sommes
permis d’emprunter la description à Ibn-Jobeir[14] car rien n’a changé depuis le XII s. sous ce
ciel d’Orient où presque jamais rien ne change.
“L’Orient, note en effet le marquis de Vogué, est la terre classique de la
tradition. Nulle part n’existe à un aussi haut degré la religion des souvenirs
locaux.”[15]
A un peu plus d’une heure de marche,
au sud-est du Felicium, une chaîne de collines, d’origine volcanique, s’étire
de l’est vers l’ouest, cachant à la vue, la petite ville de Cobiath. Ce sont
les ”Tilals de Mart-Moura”. Au pied de leur versant septentrional il y a un
ancien temple de la période romaine tombé en ruines. Il était tenu en grands
soins par le service des antiquités, juste à cause de son originalité. Il est
le seul temple, construit au Liban en blocs de basalte. La région du Hauran en
Syrie du sud, est réputée par les édifices de ce genre et les archéologues
pensent que les constructeurs du temple dûrent avoir recours aux maîtres et à
la main d’oeuvre de cette contrée pour élever le célèbre temple de Menjez[16].
Le temple est à environ 200 mètres à l’ouest d’une source connue sous le
nom de Naba’-ej Jaa’Iouk. Y eut-il jamais un sanctuaire chrétien dans les
ruines du temple? Les archéologues l’affirment. Le Père Goudard, qui l’a visité
au début du siècle, l’affirme aussi. Actuellement rien ne le laisse paraître[17].
Les indigènes nous ont indiqué une ruine dans les parages immédiats de la
source, 200 m. au nord. C’est un ancien lieu de culte dédié à la Ste. Vierge.
- Le Sanctuaire de la
Ste. Vierge Saïdet-el Mouîn: Chapelle d’hôtellerie?
Nous avons retrouvé les ruines de l’ancienne chapelle reposant à l’ombre
d’un vieux chêne, maltraité par le temps et les intempéries aussi bien que les
vestiges du sanctuaire.
L’édifice, assez petit (6x4 m) était formé d’une nef presque carrée et d’une
abside demi-circulaire emboitée dans un ouvrage carré. Il en reste peu de
chose. Seule l’abside, enfoncée dans la terre accumulée tout autour, garde
quelques assises de son appareil fort soigné, alors que la nef, complètement
rasée laisse à peine entrevoir son dessin antique. Placée sur le bord d’un
précipice, l’éboulement du terrain a emporté la façade ouest et une partie de
la nef, surtout l’angle sud dont les pierres de fondement sont encore
éparpillées le long de la pente. La chapelle appartient sans aucun doute à la
période franque. Le plan, la taille de la pierre, la composition du mortier,
établissent une similitude frappante avec la chapelle du Felicium.
Elle devait, cependant, faire partie d’un ensemble dont on peut relever le
tracé au sud du monument. Peut-on penser à la chapelle d’un hôpital ou d’une
hôtellerie comme Saidet-er Rih de Nephin[18].
Les mêmes dispositions régissent les deux monuments. La chapelle semble
avoir été construite sur les débris d’une église plus ancienne.
Kfarnoun ou Qariat-es-samak est à moins de 3 km. à l’est du Felicium.
Peut-on parler d’un ancien ou d’un moderne Kfarnoun? Le petit hameau semble à
peine sortir du passé; il n’a pas encore quitté sa parure moyen-ageuse. Dévasté
et brûlé lors des événements douloureux de 1975, Il est en train de se repeupler.
Abandon, misère et tristesse, ce n’est pas de trop pour qualifier une ambiance,
jadis prospère, coquette et brillante. Nous menons notre enquête; la pauvreté
est frappante, mais l’hospitalité est à toute épreuve. Le maire -Cheikh Nejib-
raconte calme, digne et cultivé, il mesure ses paroles. L’enquête est
archéologique, donc objectivité oblige. Les documents manquent, tout a été
brûlé, mais la tradition bien jaugée, est fort riche. Le casal franc était d’une
prospérité exceptionnelle: quatre églises, sept huileries, des sources et des citernes,
des moulins à vent, des moulins à eau, des moulins à mains, des croix antiques,
une ancienne épigraphie perdue. Kfarnoun semble un véritable musée. Notre
imagination ou plutôt notre connaissance intuitive s’envole au loin à travers
les dédales du passé. Essayons de nous y retrouver.
Les Croisés, partout les Croisés dans la région. Pourquoi leur souvenir
est-il toujours vivant dans l’esprit et les traditions du peuple? Est-ce que
son bon sens se rapprocherait de la connaissance plus que notre savoir
rationnel? Ou bien c’est un effet de compensation nostalgique chez le peuple
maronite autant qu’une réaction de rancune chez les autres? Nous pensons que
les deux cas sont vrais et c’est une première réalité, c’est que le site est
beaucoup plus ancien que ne le laisse entendre le nom syriaque, preuves en sont
toujours les tombes mégalithiques nombreuses dans les parages. Quel serait donc
son vrai nom! Peut- être n’était-ce alors qu’un quartier de Menjez, l’ensemble
constituant la Maïza des documents assyriens dont nous aurons l’occasion de
parler au chapitre suivant.
Les chapelles:
Elles sont là bien vivantes, mais malheureusement, aucune d’elles n’a gardé
son vrai visage. Le remaniement est tel qu’il est presque impossible de relever
les traits caractéristiques de chaque édifice. Les monuments forment deux
groupes, de deux chapelles chacun, situés à moins de 300m l’un de l’autre.
1/ Le premier ensemble est formé des chapelles dédiées à Notre-Dame et à
Saint Elie. Les chapelles se trouvent à l’est du village, tout près du
cimetière. Totalement indépendantes, la distance entre les deux est de moins de
dix mètres par ordre progressif de l’ouest vers l’est.
La première, celle de l’est, dédiée à saint Elie, se conserve en partie.
D’après les témoignages recueillis sur les lieux mêmes, elle devait avoir une
nef voûtée sur croisées d’ogives avec une abside en cul-de-four, emboitée dans
un ouvrage carre de façon a ce que l’ensemble prit la forme extérieure d’un
rectangle compact. Deux portes, toujours debout, l’une a l’ouest et l’autre au
nord, donnaient accès à l’intérieur de l’édifice. Les seuils et les
pieds-droits conservés jusqu’à un mètre et demi sont toujours visibles. Les linteaux
gisent à côté. La chapelle, remaniée à plusieurs reprises, a été allongée vers
l’est, d’une manière barbare[19].
La seconde, celle de l’ouest, patronnée par Notre-Dame s’est évanouie sous
les tombes. Mais là, nous pensons reconnaître l’existence d’une église plus
ancienne que la période franque. L’enceinte du cimetière actuel, ainsi que les
paliers contigus, gardent à l’ouest du cimetière les restes d’un mur antique
conservé jusqu’à la hauteur de trois et parfois quatre assises. Les dimensions
de l’appareil (0.75 x 0.45 en moyenne) et la taille de la pierre dénotent avec
les croix relevées sur les lieux, l’existence d’un ancien lieu de culte
syriaque, remontant probablement à la première période chrétienne (4ème - 5ème
siècle).
2/ Le second ensemble est situé au nord-est du village à moins de 300 m. du
premier. Les édifices de ce second groupe accusent une distance supérieure à
celle du premier: environ trente mètres.
La chapelle sud, dédiée à Saint Elie est une construction récente et fort-
grossière. Nous n’y avons pu découvrir aucun élément ancien. Ni dans le remploi
de l’appareil, ni dans les fondations, et nous pensons qu’elle fut construite
de toutes pièces vers la 2de moitié du XIXéme siècle, puis restaurée vers les
années cinquante du XXème siècle. Son titre devait être porté par un autre
sanctuaire dont nous croyons avoir reconnu les vestiges dans une Khirbé, au
voisinage immédiat de la seconde chapelle, celle du nord. Cette dernière, au
titre de Mar Doumit, est, elle aussi, de facture récente, pourtant le nouvel
édifice ne couvre pas complètement le plan de l’ancien monument dont les
fondements occidentaux, toujours visibles, dépassent largement la nouvelle
église. A moins de dix mètres, au sud de cette chapelle, nous avons reconnu
parmi les décombres d’une ruine antique, les fondements d’une abside. Nous
pensons que cette abside appartenait à l’antique chapelle dédiée à Saint
Georges. Ainsi, la proximité des monuments de ce second groupe, établirait une
similitude parfaite avec les édifices du premier ensemble décrit plus haut.
Ces chapelles ne sont point jumelles, comme les autres du Cobiath, pourtant
leur proximité et leur fabrique nous induisent à conclure à leur appartenance
au même peuple. Sont-elles destinées au même programme cultuel expliqué dans
les autres monuments du pays?
A mi-chemin, entre les deux ensembles cultuels, il y a le ”Bir”.C’est une
citerne, semblable à tout point de vue, à celles du Felicium. Elle est toujours
en service. Nous avons relevé plusieurs croix, du type paléo-chrétien, au
village même et dans les parages. Elles sont incises en creux et manquent
parfois de régularité. C’est qu’elles ne semblent pas avoir été faites, toutes,
de mains de maîtres, ou bien, destinées à surmonter les linteaux d’églises. Il
est de tradition chez les Maronites de signer de la croix, les objets d’usage.
Les aliments, surtout la pâte à pain et leurs demeures. C’est la ”Baraka”,
requête, à la fois, d’abondance et protection contre le Mauvais. Nous avons
repéré plusieurs emplacements d’huilerie, et des vestiges de moulins à eau, le
long de Nahr-el Kébir; mais notre attention a été, surtout, attirée par un
petit moulin exposé dans la cour de la vieille maison du vénérable Moukhtar, de
type fort particulier: moulin à olives ou servait-il à triturer autres
matériaux? (Voir atlas)
Le DEIR-Monastère antique et chapelle médiévale
Ø
Le site:
Une route éventrée permet, dans les conditions actuelles, aux seules
voitures élevées, de transporter le passager curieux du passé ou bien le
studieux passionné, du centre-ville Cobiatin jusqu’à Qinia à travers la partie
nord-ouest du Akroum[20].
Les collines rocheuses et les côtes à l’herbe rare où paissaient jusqu’à
quelques années de maigres troupeaux de chèvres, sont aujourd’hui parsemées de
petits hameaux reliés par des pistes récemment tracées. Le haut plateau souffre
la sécheresse et la seule pièce d’eau naturelle de Qinia et ses environs se
trouve dans une profonde grotte, située à un kilomètre environ à l’ouest du
Deir. A trois mètres au-dessous du sol, les eaux, ruisselant le long de la
paroi rocheuse, sont recueillies dans une vasque souterraine. A tour de rôle,
les femmes du pays y descendent quêter leur plein- jarre d’eau. C’est la grotte
Notre-Dame les vestiges d’un sanctuaire dédié à la Vierge Marie y sont toujours
ténus en vénération. Le site, objet de notre étude, est à moins de deux
kilomètres de l’actuel Qinia et d’un autre hameau du nom de Mrah-elKhokh, sur
un éperon rocheux aplati au sein d’une large et longue vallée reliant le
village d’Akroum à Germnayia et Awadé. A quel saint patron appartenait-il? Les
gens du pays ne l’ayant pas encore baptisé ou mieux ”purifié”, il est connu
dans toute la région, sous le nom général de ” DEIR Qinia”.
Ø
2- Le nom :
Qinia, dans le sens de propriété est vraisemblablement d’origine syriaque.
= Qnaya et Qinyana, indiquent la propriété, le terrain, le domaine.
Populairement, il est souvent appelé Qnouté ou Qnité. Nous pensons que le mot
et ses différentes variations appartiennent à la même racine sémitique (qna)
dans le sens d’avoir. Qnouté n’est qu’un diminutif familier qui n’ajoute ou ne
retire rien à la signification première du nom qui indique la grande propriété,
le grand domaine, chose qui pouvait coller parfaitement au site, vu l’immense
territoire cultivable qui entoure le Deir et la fertilité du sol, terre
d’apport alluvional. Les vestiges archéologiques nous parleront mieux du passé
agricole du pays.
Ø
3- Les citernes :
L’eau étant rare dans le Akroum, la seule source, presque, du précieux
liquide, était celle des citernes auxquelles on confiait la vie des gens et
animaux. Ces citernes étaient de trois sortes: celles aménagées dans les cours
ou bien en proximité de l’édifice et qu’on remplissait en y orientant l’eau des
terrasses, celles qui, creusées au sein d’un banc rocheux, étaient remplies par
l’eau de pluie recueillie dans des cavités et canalisée dans des rigoles, le
tout aménagé à main d’homme dans l’étendue de la roche. Quant au troisième
genre c’est la citerne- source. Il s’agit, en réalité d’une cavité rocheuse
naturelle où l’eau, ruisselant le long des parois, vient déverser dans la
vasque de fond ou bien c’est un mince filet d’eau qui a trouvé son chemin vers
le jour dans le fond de la grotte. La cavité réaménagée et souvent emmurée et
couverte de crépi étanche, devient alors la citerne désirée.
Le site comprend trois citernes et chacune d’elles répond parfaitement aux
caractéristiques particulières à chaque genre de citerne.
La citerne du nord-ouest, située à l’extérieur du monument et à une dizaine
de mètres de son mur occidental, semble être une large fissure naturelle,
réaménagée. De forme irrégulière et à large ouverture, elle est de facture
tardive, facture ne dépassant guère la période franque, preuve en est la
composition de l’enduit employé. Cette citerne reçoit les eaux recueillies sur
l’étendue de la roche environnante.
Une autre citerne, un peu plus grande, celle- là, se trouve au milieu de la
cour centrale. Elle, aussi, est une cavité naturelle réaménagée. Elle devait
recueillir l’eau des terrasses environnantes. Quant à la troisième, la plus
grande, on ne pourrait pas la qualifier de citerne; c’est plutôt une petite
écluse, en partie naturelle presque remplie de remblai, elle devait, jadis
recueillir les eaux provenant de l’entourage rocheux en plus de la présence
d’une petite source naturelle.
Ø
4- L’installation huilière :
Des fouilles, plus ou moins clandestines dans les temps qui courent, menées
à grande échelle, ont mis à jour une installation huilière encore intacte.
Placée dans un coin de la cour intérieure, elle est située entre la grande
entrée du sud à l’est de la chapelle, et le mur ouest de la tour de garde.
Entrant par le portail sud, on rencontre, presque au centre, une pièce d’eau.
Passant à côté d’elle, on pénètre dans l’huilerie. Aucune porte ou trace
d’accès n’indique que cette partie de l’huilerie était fermée.
Aussi pensons- nous qu’il s’agit plutôt d’un portique que d’une salle
fermée.
L’installation est mobile dans ce sens qu’elle n’est pas creusée dans le
rocher comme celles de Chouita ou de Ghozrata. Faite plutôt de plusieurs
pièces, celles-ci ont été taillées ailleurs et portées sur la place. La cuve du
moulin a un rayon de 0,50 mètres sur une profondeur de 0,05 mètres, entourée
d’une bordure de 0,25 mètres de largeur. Les rouleaux, - on en a mis à jour un
seul jusqu’à présent -, ont un diamètre de 0,80 mètres sur 0,45 mètres
d’épaisseur. L’arbre qui reliait les fûts devait être un carré de 0,20 mètres
de côté.
A côté du moulin, le long du mur méridional, on peut toujours observer la
présence d’un réservoir à huile, creusé dans le rocher du sol. Il a 1,20 mètres
de diamètre sur 0,40 mètres de profondeur. Remarquons, enfin, que tous les
éléments composant l’huilerie, ont été taillés dans une roche, blanchâtre et dure
à la fois d’extraction locale. Le moulin est encore en place, il ne demande
qu’à être mis en fonction. Il lui manque, pourtant, une seule chose: l’olive
dont la présence est fort désirable dans le Akroum.
On commence à replanter l’olivier qui pousse à merveille, signe qu’il
devait être prospère dans le pays d’où l’abondance des moulins et des pressoirs
à olive.
Ø
5- La chapelle :
L’église est faite d’un vaisseau unique de (12 x 5,20) y compris l’abside
en hémicycle, empâtée dans un ouvrage carré. Le tout devait former,
extérieurement, un bloc rectangulaire compact et homogène. Parfaitement
orientée, la chapelle est placée à l’angle sud du site, quelques mètres plus en
saillie vers l’ouest, par rapport au bloc du monastère. Elle est reliée, à ce
dernier, par une série de salles qui ferment le côté occidental de la cour. La
façade ouest de la chapelle n’accuse aucune trace de porte dans ce qu’elle
conserve comme vestige jusqu’à présent (un mètre de hauteur de l’intérieur, et,
presque deux mètres à l’extérieur).
L’entrée principale se trouve dans le mur nord, à 1,60 mètre de l’angle
nord -ouest; on y parvient en traversant, soit un portique à ciel ouvert, soit
un nartex placé à cet angle, car les restes d’un mur ceinturent la place avec
un large portail dans le côté nord, les fouilles, mentionnées plus haut,
viennent de déblayer une autre porte, celle-là beaucoup plus petite(0,70 m)
percée dans l’angle nord est de l’abside et reliant celle-ci à la série de
salles qui séparent l’église du monastère.
Ø
6- Le Deir :
C’est une bâtisse de forme trapézoïdale dont la base la plus large est
celle du sud. Le Deir est formé de plusieurs salles, orientées nord sud et
reliées par un corridor méridional qui traverse, d’est en ouest, toute la
largeur de l’édifice. L’entrée principale est placée à l’angle sud-est dans le
côté oriental. Y a-t-il d’autres portes? Quelle était la destination première
des différentes salles? Y avait-il plus d’un étage? L’état actuel des vestiges,
encombrés de débris, ne nous permet point d’y répondre.
Ø
7- La tour :
Sur la même ligne que l’église et l’huilerie et, formant à l’est, un angle
de l’ensemble, l’angle sud-est, on relève les vestiges d’un petit édifice de
forme légèrement trapézoïdale. Les murs sont plus épais que les autres, avec
des ouvertures en meurtrières. Il s’agit vraisemblablement d’une tour de garde,
tour dont l’existence est normale à l’angle des monastères ou bien des fermes
antiques. Rappelons, enfin, que l’ensemble est entouré d’un espace qui
s’élargit ou se rétrécit selon les possibilités laissées par la forme du
terrain, car le Deir et ses annexes, aussi bien que la chapelle, sont installés
comme d’habitude, sur la plate-bande d’un éperon rocheux, ceinturé du mur
d’enceinte traditionnel.
Peut-on savoir à quelle date remonte la construction du monument? Un
silence total de la part de la documentation plane sur la pierre abandonnée:
aucune inscription, aucune chronique ou tradition. Seul, le témoignage
archéologique reste un peu plus généreux:
Le Deir et la chapelle ne remontent pas à la même époque. La différence est
nette entre l’appareil du monastère et celui de la chapelle. Le Deir emploie
une pierre de grandeur moyenne (75 x 45 cm) alors que celle de la chapelle est
plus petite (55 x 35 cm).
L’appareil de la chapelle, de taille assez fine à rayures obliques et
parallèles, (taillant droit à dents) et relié au moyen d’un mortier de
composition normalement employée dans la construction du XIIe siècle: du sable
d’extraction locale, de la chaux, de la poterie finement triturée, quelques
infiltrations de pierre concassée avec beaucoup de cendre et de charbon, alors
que l’appareil du monastère, taillé au poinçon et rendu avarié par le temps,
semble avoir été raccordé sans aucun liant. Le parement intérieur des deux
monuments est recouvert d’enduit. Le crépi de la chapelle est formée de deux
couches différentes et superposées. La couche intérieure (1 cm. d’épaisseur
environ) et de couleur grisâtre contenant une forte portion de cendre et de
charbon, alors que l’enduit extérieur (0,03 cm. d’épaisseur) est totalement
composé de gypse blanche, pareil, en tout point au crépi, employé dans la
chapelle de Margat pour recevoir les peintures qui décorent l’abside et l’une
au moins de ses deux annexes: l’enduit cependant, qui recouvre le parement intérieur
du monastère est formé d’un amalgame moisi qui s’effrite comme de la boue
sèche.
Si l’on croyait, enfin, le témoignage des croix pattées incises en creux
sur les vieilles pierres du monastère, le Deir remonterait à la première
période chrétienne, c’est-à-dire à la période qui précède le septième siècle
chrétien. Nous pensons, par contre que la chapelle, à rapprocher dans ses
structures actuelles de celles de la chapelle du Felicium, ne remonte pas plus
loin que le XIIe siècle.
Situé à peu de distance à l’est de Deir-Jannine sur la voie secondaire qui
relie Halba à Homs par le Cobiath, jusqu’à quelque temps, Fsaqine n’avait
d’existence que nominalement sur la carte militaire. Le seul signe de vie
sensible était comme l’est toujours, sa célèbre source( Ain-ed delbé) à
laquelle avaient l’habitude de se rafraîchir les paysans, les caravaniers et
les pieux pèlerins du pays. Le village est en train de se relever de ses
cendres et de belles maisons poussent, sans ordre à la place des anciennes
demeures tombées en ruines[21].
Ø
Le nom[22]
D’origine latine, Fsaqine, piscina, a le sens de bassin d’eau, mare,
abreuvoir, bassin de purification:
Il semble être aussi d’origine perse, passé à la langue arabe. Fsaqine est
un nom pluriel, il fait, au singulier, Fisqia, dans le sens de bassin d’eau.
L’emploi du pluriel est, ici, fort compréhensible, car les petites sources avec
leurs bassins respectifs sont assez nombreuses, servant, soit à abreuver les
animaux domestiques, soit à arroser les rares lopins de terre destinés à la
culture maraîchère.
Si notre lecture se révèle exacte, nous aurons rencontré, pour la première
fois, un souvenir perse dans la toponymie du pays.
Ø
2- Structures et vestiges antiques.
a- Le sarcophage.
Emporté, il y a quelque temps, et, disparu, le sarcophage était en pierre
noire, long de deux mètres et dix centimètres. Il portait, sur l’un de ses
flancs, une sculpture en relief, dessinant une femme assise sur un trône avec
buste à moitié nu et seins proéminents. Un homme barbu, debout, devant le
trône, tend les bras chargés d’offrandes. La scène est encadrée, comme il se
doit, de la guirlande d’usage. Est-ce une scène d’adoration?
b- Le Linteau.
Monolithe, en pierre noire, il n’en reste, après son morcellement actuel,
qu’un tronçon de 80 cm. de longueur. La pierre porte une croix du type dit
paléochrétien, sculptée en relief et entourée d’un cercle de 23 cm. de
diamètre, les bras ont 7 cm. de largeur à leur extrémité et 2 cm. à leur point
de départ.
c- Constructions
antiques.
Le village devait, probablement, se trouver sur une large rampe à flanc de
la montagne qui domine le sanctuaire. A 500 mètres, environ, de la chapelle, on
peut toujours observer les amas de détritus informes de deux welis distants,
l’un de l’autre, de 20 mètres à peine. Certaines parties des structures
inférieures sont encore observables, elles ne nous permettent point d’en fixer,
avec certitude, la destination première, mais, on y peut distinguer deux genres
de liant, l’un est un blanc de chaux avec de rares infiltrations de charbon.
Liant très résistant et compact, il semble être le plus ancien. Le second est
d’une couleur rosâtre. Il est composé d’un gravier trituré, d’origine locale,
avec ajoût de chaux et beaucoup de fines infiltrations de charbon de bois et de
la poterie finement concassée. Ce ciment, plus friable que le premier se
retrouve dans une construction superposée, toujours dans le weli du nord-ouest.
Le village antique semble être enfoui sous les décombres puisque à chaque
creux de sillon, le soc de charrue se heurte à un tas de pierres de taille.
La montagne, qui barre l’horizon au sud, est formée de deux genres de
terrain: la partie basse de la contrée, là où se trouve, justement, le
sanctuaire, est une terre volcanique avec une roche basaltique: elle constitue,
par ailleurs, la partie cultivée du site. La partie supérieure de la colline
est à sol blanchâtre avec une pierre crayeuse assez tendre et friable. Cette
partie de la montagne abrite la nécropole antique, une présent, en plus de
multiples tombes individuelles et populaires que le labourage ou bien les
travaux de terrassement, mettent, de temps en temps, en lumière.
d- Mar Nouhra.
L’église, aujourd’hui weli musulman, sous le vocable de cheikh Mahmoud,
était dédiée autrefois, à Mar Nouhra-Lucius. Formée d’un vaisseau unique à
sanctuaire rond et abside saillante, elle devait avoir, probablement, un
narthex dont on peut, jusqu’à présent, deviner les infrastructures, malgré
l’état de vétusté dans lequel se trouve le monument. Faisant toujours partie
d’un ensemble cultuel, l’édifice, église et annexes comprises, atteste une
nette originalité, soit par rapport aux monuments à deux nefs ou à double
chapelle, soit relativement aux monuments à chapelle unique, étudiés jusqu’à
présent.
e- Le sanctuaire.
Il est toujours debout, jusqu’à la hauteur d’un peu plus d’un mètre,
conservant l’abside et une partie de la nef, le reste étant complètement rasé.
L’abside devait être saillante, à l’origine, car actuellement, il est
impossible de ne relever aucune trace de chevet ou d’ouvrage accolé à la partie
orientale. L’hémicycle du sanctuaire ne révèle aucune présence d’accès ou de
porte de communication avec l’environ qui révèle, pourtant, une nette présence
d’infrastructures qui pourraient constituer l’ensemble dont paraît faire partie
la chapelle.
f- La nef.
Cinq mètres et quarante centimètres de largeur entre deux murs de rive
d’une épaisseur de 1,15 mètres, la nef est conservée sur une longueur de 1,95
mètres, le reste étant totalement effacé. La civilisation qui pensa y planter
les restes vénérables d’un weli (homme de Dieu) eut soin de fermer les vestiges
de la nef en élevant un muret transversal, mur de fortune, naturellement, avec
un accès approprié. Quand au reste du vaisseau, aujourd’hui disparu, nous
pensons qu’il devait avoir une longueur ne dépassant pas les douze mètres pour
une largeur de 6 mètres environ. Quelle en était la limite vers l’ouest? Les
infrastructures qui, de temps en temps ressortent du sol, donnent une longueur
de 15 mètres, mesure prise à partir de la fin du mur restant de la nef.
Remarquons que les infrastructures semblent continuer plus ou moins exactement
les murs de rive de l’église.
Dans le cas où les infrastructures n’appartiennent pas à une construction
plus ancienne, chose selon nous à écarter, à quoi peut-elle correspondre une
longueur de 17 mètres pour une largeur de 6 mètres, mesures non constatées,
dans tous les monuments du pays? Il reste alors à envisager dans le cas de
cette lecture, une variante beaucoup plus logique: La nef, plus courte, serait
d’une longueur normale de 13 mètres et les quatre mètres supplémentaires dont
on peut remarquer la présence sur le sol, ne sont autre que les vestiges d’un
portique ou narthex de 4 x 5 mètres. Si notre façon de voir est juste, nous aurons
un plan d’église tout à fait original par rapport aux autres monuments du pays,
voire le dessin d’une chapelle simple, à sanctuaire saillant et à nef unique
allongée d’un narthex, le tout encastré dans un ensemble cultuel aux multiples
fonctions.
g- Les annexes.
Nous venons de signaler que l’église faisait partie d’un ensemble cultuel.
Au nord et perpendiculaire au mur de rive du sanctuaire, nous avons relevé les
traces d’une construction ancienne faisant deux salles assez grandes (5 x 4,50)
alors que le côté méridional est flanqué d’une série de salles qui s’allongent
dans le sens du sud.
A quoi pouvaient servir toutes ces salles? Etait-ce un monastère? Il n’en a
pas l’air bien qu’il porte le nom de Deir. Nous pensons plutôt à une simple
église paroissiale de village avec ses annexes traditionnelles: c’est-à-dire:
école, logement de clergé, salles de réunion ou chambres à provision[23].
Chapitre II Eglises doubles |
Trois kilomètres de route, à peine, mènent du centre-ville, à travers le
quartier populeux de Dahr, jusqu’au haut plateau de Chouita. Belle perspective
sur la ville de Cobiath.
Le regard embrasse, à l’entour, la totalité, presque, de la région. Le
plateau est vaste: plusieurs dizaines de kilomètres carrés coiffent les sommets
de leur plate étendue, d’où le nom de Chouita ou la terre plate. A l’orée du
plateau, laissant la ville en arrière, le regard entrevoit à l’ouest, deux
taches obscures. L’une, assez proche: les Saints Georges et Daniel; et l’autre
plus loin, c’est Notre-Dame de Ghozrata. Plus loin encore et aux confins
occidentaux du plateau, l’horizon est bloqué par les montagnes du Akkar et leur
célèbre castel franc. A droite, le Ouadi Cham’aa, premier noyau d’habitation à
Cobiath, s’étire de l’est vers l’ouest, séparant, très probablement, au nord,
le plateau de Chouita de l’antique casal de Sindiané. Au sud, une ligne
montagneuse se dresse comme un rempart, face au Qammou’à. C’est Jabal-el Blat,
la ”montagne rocheuse”, couronné d’un bouquet verdoyant, alors que les flancs
et le reste de la montagne gênent la vue par leur étendue rocheuse, brillant au
soleil, de toute leur blancheur tachetée de quelques rares buissons de sapin.
Qassre Mriq, Qassre Kleib, Mar Gergès, Saidet Ghozrata, quatre noms aux
résonnances antiques: il y en a assez à fouiller sur ce vieux plateau araméen
de Chouita.
Les châteaux de Chouita |
Les ruines de Qassre Mriq et Kleb, occupent le centre de la partie
orientale du plateau. La route actuelle, passant entre les deux fortins, ronge
une bonne partie du côté méridional de Qassre Mriq.
Ø
Qassre Mriq:
Le vieux monument occupe une large bande de terrain entre deux légères
éminences, évidée du sud au nord. C’est une construction carrée de 40 mètres
environ de côté.
Son plan ressemble, globalement, à celui du monastère de Qinia. L’enceinte
extérieure, dont il reste peu de choses, devait être flanquée de tours aux
coins de l’enceinte méridionale. On peut repérer, jusqu’à présent, les
structures inférieures de deux tours. Celle du sud-est, garde encore quelques
assises en place. On remarque un large fossé au centre du carré restant de la
tour. Celle-ci vient d’être éventrée par des fouilleurs clandestins induits en
erreur par une méprise populaire qui confond le tombeau du célèbre général
byzantin Marcien avec les vestiges de la tour de garde. La tour de l’angle
sud-ouest est totalement rasée, et, il est à peine possible d’en retrouver
l’emplacement. On remarque, cependant, quelques pierres dispersées dans les
parages immédiats.
A midi et à l’intérieur de l’enceinte, il y a une citerne qui peut être
mise en service jusqu’à présent.
Des pans de mur, encore debout, délimitent les divers compartiments. On
peut même observer à l’est du bâtiment l’extrados d’une cave encore conservée
sous les amas de débris.
Les bâtiments sont groupés dans la partie est du Qassre alors que l’entrée
principale devait se trouver au sud.
L’accès donnait sur une cour intérieure de forme carrée dont on peut
relever clairement les limites. La cour devait contourner, au moyen d’une large
allée, à ciel ouvert, la partie sud de l’ensemble, car on ne peut imaginer la
citerne creusée à l’intérieur des logements.
L’appareil, enfin, du vieux Qassre, est grand, d’une taille assez fine et
régulière. La pierre a dû être délitée sur les lieux mêmes. Le banc rocheux qui
s’étale à cent mètres, environ, à l’ouest du monument, conserve, encore
intacts, les vestiges d’une ancienne carrière. La roche est du type dit
”Malaké”, un calcaire blanc, à la fois, résistant et facile à tailler. La
carrière se trouve placée à un niveau supérieur par rapport à celui du lit de
pose des fondations, ce qui a dû faciliter le transport des pierres. Le choix
de tels emplacements des carrières est, par ailleurs, fort commun a la Syrie
antique[24].
Plus encore, le choix du site, était souvent conditionné, entre autres, par la
présence du matériau nécessaire à la construction.
En effet, on remarque, souvent, à travers le pays, que certains anciens
édifices ont été élevés sur les esplanades créées par le délitement de la
roche. Rappelons, enfin, que certaines pierres du Qassre, ont été démontées
pour être remployées ailleurs[25].
On vient de déterrer des tombes accolées, de l’intérieur, au mur nord du
Qassre. L’opération s’étant faite clandestinement, nous n’avons pu,
malheureusement, examiner les tombes, avant leur destruction. Nous avons
retrouvé un couvercle resté intact et quelques fragments d’os effrité. Le
couvercle est fait d’une dalle unique (2 m x 0,90) à rebords biseautés. Dans la
terre qui recouvrait les sépultures, nous avons repéré plusieurs morceaux de
tuile d’un rouge délavé: Doit-on conclure, de là, que l’édifice était couvert,
à l’origine, d’une toiture à tuiles surtout que ”I posti più ambiti di un’area
cimiteriale furono quelli situati presso il recinto che spesso era munito di
una tettoia” ( protectum teglata)[26].
Les tombes sont-elles de la période byzantine ou bien antérieure? Il n’est
pas aisé de répondre vu l’état auquel elles sont réduites. Une page de Pasquale
Testini pourrait jeter quelque lumière. ”Le spoglie del martire come quelle di
tutti i defunti; vengono deposte in una semplice tomba, ma ben presto si
contorna di sepolcri e diventa centro di un santuario, intorno al quale si
raccoglie talvolta una popolazione stabile”[27].
Le cas décrit par l’auteur à propos des martyrs pourrait trouver ici une
application judicieuse. Le fameux général, blessé à Koura, fut enterré à
Chouita. Le fait est rapporté par le patriarche Douaihi: “Marcien fut blessé
dans ce combat, les soldats l’ont emporté au village de Chouita dans le pays du
Akkar. Il y mourut. On le fête dans l’église élevée à son nom”[28]
Les habitants vénérant sa sépulture, célébrèrent dès lors l’anniversaire de sa
mort. Ainsi ces Tombes seraient-elles les sépultures de ceux qui voulurent
avoir leur dernier repos aux côtés du martyr? Les tombes se trouvaient
encastrées dans une sorte de mastaba, laquelle, vue à plus d’une reprise, nous
a toujours donné l’impression de constituer le parement intérieur de mur. Une
fois, la fouille réalisée, un examen attentif du lieu nous a révélé que les
tombes se trouvaient, effectivement, encastrées dans le mur exceptionnellement
large sur ce côté du monument. La mastaba et le mur d’enceinte ne faisaient, en
réalité, qu’un seul mur. Le second fait à observer, c’est que le couvercle de
ces tombes est du type employé dans le ”sepulcrurn su divo” ”... Un monolito a
foggia di coperchio di sarcofago con duplice spiovente”. Cette description du
Testini peut s’appliquer parfaitement au couvercle sus-mentionné et le cas échéant,
les tombes reviendraient à la période paléo-chrétienne du pays. Dans ce cas
comment expliquer le fait rapporté par Douaihi? La tradition appelle le
monument ”Qassre Mriq”. D’abord, le général s’appelait Marcien (Mouriqien) et
non pas Marc (Mriq) Mouriq a été enterré à Amioun. D’autre part, dans le
monument actuel, aucun indice ne laisse présumer de l’existence d”une église.
Serait-il alors, le cas d’envisager la pré-existence d’un monastère syriaque
avec ses tours habituelles, -abraj-[29]
? L’isolement du site est d’ailleurs significatif. La faction des Malakiés qui
s’étaient ralliés à l’empereur, en profitèrent pour enterrer leur martyr et
dresser sur sa tombe un ”haikal” dans le sens d’autel plutôt qu’église?[30]
Il est vraiment hasardeux de reprendre les deux grands savants, pourtant
l’énigme y est toujours.
Une petite enclave: qui sont ces chrétiens qui ont vénéré le byzantin
Marcien? Sont-ce les Jacobites? Sûrement non! D’abord les textes disent
clairement Malakiés et les Jacobites ne l’étaient pas. Par contre, ces derniers
menaient un front extrémiste, adversaire de Byzance[31].
Etaient- ils Grecs? Nous avons prouvé plus haut que parmi le peuple il n’y
avait ni grec ni maronite avant le huitième siècle. Tous les orthodoxes romains
étaient ”Malkaniins”. L’évènement de 694 fut l’un des points de départ des
divergences survenues plus tard[32].
Ø
Qassre Kleib :
Trois cents mètres environ, à vol d’oiseau, en face et au sud-est du
monument byzantin, un éperon se projette au sein d’une large conque aux rebords
relevés et arrondis. L’impression est étrange le mamelon semble surgir, du fond
d’un large fossé ou bien, être planté au sein d’une plate étendue. L’entaille
naturelle qui entoure le château paraît avoir été creusée pour l’isoler du
reste du plateau. Il est fort probable que le site fut jadis entouré d’un
bassin artificiel. Le ramassis d’eau hivernale trouve à s’évacuer sous la route
actuelle juste à côté de la tour sud-ouest de Qassre Mriq.
A l’est, le tell est relié au reste du plateau par une sorte d’isthme. C’est,
d’ailleurs, le seul accès naturel au sommet du plateau. De l’aire centrale, le
tell se dégrade en minces bandeaux jusqu’au fond de la cuve. Des ruines
bouleversées parsèment les divers paliers et il est totalement impossible de
s’y reconnaître. Les tessons de poterie disséminés un peu partout révèlent une
habitation antique. On nous a parlé de la présence sur les lieux d’une pierre
portant une inscription ancienne, notre recherche minutieuse n’a pas abouti.
La tradition témoigne de l’existence d’un castrum d’un château fort le
Qassre Kleib. Le tell est aujourd’hui connu sous ce nom. Rappelons que les
Ituréens maîtres de Chalcis (Anjar) étendaient leur impact sur le littoral
phénicien avec Tripoli pour centre de ralliement et ce au moins jusqu’au règne
de Domitien (fin 1 er siècle). Peut-on penser retrouver dans ces débris les
restes de l’un de leurs nombreux repaires montagnards? Les vestiges actuels
sont peu significatifs pour un tel fortin.
Parmi ceux qui se sont attelés à l’étude de Chouita certains ont fait
remonter le site à la 1 ère moitié du onzième siècle à quelque émir de l’une
des deux tribus arabes,les banou kalb ou les banou kilàb, Mirdasides ou
Taghlibites: les deux opinions peuvent être vraisemblables. Nous pensons, par
contre, que le site a pu servir de résidence à quelque moqaddam Kalbite, fameux
clan nosairi[33] طائفة الكلبية
النصيرية. Ces derniers, écrit Kamal
Salibi, formaient la majorité des habitants au Akkar et à Dinnyé[34].
”Les montagnes d’Akkar et les environs d’Arkas étaient habités par des
musulmans d’une secte qu’il nomme ”Voumi” et qui ont, dit il, de grandes
affinités avec les Bathéniens, mais dans lesquels il faut voir, je crois, des
Ansariés.”[35] Le P. Lammens, reprenant
Jacques de vitry pèlerin de la première moitié du 13ème s. affirme leur
présence au Akkar et leur extension ”descendus de la région de Akkar” vers le
centre du pays[36].
Quand même, les ruines actuelles ne disent rien, les documents non plus, la
recherche est ouverte...
Ø
Le Site.
L’ensemble cultuel des Saints Georges et Daniel est à moins de deux
Kilomètres à l’ouest de la région des châteaux.
Les chapelles se dressent dans un bosquet de chênes verts, abritées par
deux légères éminences. Elles sont à cheval entre deux versants de colline qui
s’étagent en paliers cultivables jusqu’au fond des ouèds. Le versant sud s’ouvre
sur un vallonnement assez large qui, prenant naissance quelques centaines de
mètres à l’est de la colline, se dirige vers l’ouest en s’approfondissant. Le
versant nord descend en paliers assez réguliers longtemps avant de s’ouvrir en
un large éventail sur la trouée de Cham’aa qui relie, entre deux lignes de
crêtes, le Cobiath à la plaine de Halba.
De l’une des deux éminences qui protègent les chapelles, celle de l’ouest,
le regard embrasse un vaste horizon. Au nord, on peut voir, sur le versant des
collines d’en face, à moins d’un km. à vol d’oiseau, les vestiges du fortin de
Tybo et le village de Majdal. Par temps clair, le château du Felicium est
visible à l’oeil nu, alors que, dans le lointain se profile, comme un point
blanc, le château de Safitha. Au sud, on peut entrevoir le môle rosâtre du
château d’Akkar tandis que, au nord-est, s’étale la masse claire du Crac des
Chevaliers sur le vert sombre des montagnes de Nsayriés.
Le site est, sans doute, fort antique. Nombreuses sont les civilisations
qui s’y sont succédées. Des vestiges de poterie, d’origines différentes, se
retrouvent mélangés sur le terrain adjacent aux chapelles. A partir de la
qualité de la pâte, de la cuisson et des couleurs, nous avons pu reconnaître
des échantillons de céramique de la période gréco-romaine 1appelée communément
classique, et, de la période médiévale, surtout d’époque franque.
Ø
2- La Céramique Médiévale:
L’absence de poterie intacte et l’état d’effritement dans lequel se
trouvent les fragments dispersés à ras de sol, empêchent, faute de fouille, une
étude sérieuse de la céramique du site. Des tessons nombreux témoignent,
cependant, de l’emploi courant d’une catégorie de céramique dite glacée”[37].
Un lot de fragments recueillis sur le terrain et un examen, même sommaire, de
cette céramique, nous permettent, de distinguer deux groupes à partir du décor.
a- le premier groupe est à décor essentiellement géométrique, utilisant des
motifs en guirlande et des lignes ondulées.
La pâte est rouge, de texture granuleuse fine, comportant de fines
inclusions blanches; elle est très bien cuite. Un engobe blanc, parfois brun
pâle ou même rose, couvre l’intérieur de ces tessons. La glaçure qui les couvre
intérieurement est d’un jaune verdâtre.
Deux traits caractérisent ce groupe: le décor négligé et la surcharge.
b- Le second groupe est, lui aussi, à décor géométrique, mais il utilise
les cercles concentriques, les spirales et les médaillons. Les fragments de ce
groupe sont tournés dans une pâte granuleuse fine, comprenant des inclusions
grises, blanches et noires. Bien cuite, la pâte varie de couleur entre le gris
pâle, le rouge clair et le jaune - orange.
A l’intérieur, les tessons sont recouverts d’un engobe blanc ou rosâtre et
d’une glaçure de couleur jaune pâle. Deux motifs semblent s’y répéter d’une
façon frappante le premier est constitué
d’un médaillon décoré de traits horizontaux surmontés de trois motifs en forme
de V imbriqués, le second est un cercle coupé de lignes parallèles et légèrement
ovales, entrecroisées deux par deux. Les angles extérieurs jouxtant le cercle
sont surchargés de traits ondulés et superposés.
Autour de quelle date peut-on situer cette poterie médiévale? A suivre
l’opinion de Mr. Sarkis, elle doit se situer aux alentours du Xllls.[38]
L’utilisation du site comme centre d’habitation remonte sans nul doute à
une haute antiquité. Mais y eut-il jamais un lieu de culte païen ou bien
fut-il, tout simplement un centre rural? Nous penchons pour la seconde opinion
et ceci pour deux raisons. Nous n’avons réussi à découvrir aucun témoin de ce
qui a pû être un temple, ou le moindre objet qui pût être au service du culte
païen. La chose est, par ailleurs, confirmée par la tradition locale qui garde
un silence total à cet égard. Les vestiges rémanents remontent certainement à
la période paléochrétienne. Par contre, les coordonnées d’une ancienne
installation agricole sont bien vivantes.
Ø
3- Installations agricoles:
Chouita fut un centre rural d’importance. A côté du site des Saints Georges
et Daniel, s’élevait une installation industrielle prospère. Nous pensons
qu’une importante agglomération humaine vivait sur le plateau, agglomération du
genre appelé par G. Tchalenko un ”village antique de la Syrie ”.
Le village est toujours répérable. Il couvrait le versant méridional de la
colline coiffée par les chapelles. Des maisons, par groupes, s’étalaient en
paliers descendant jusqu’au bas du mamelon. D’autres s’élevaient au delà des
chapelles, grimpant vers la colline septentrionale. Des chapitaux en pierre, à
bras ouverts gisaient sur le sol. Nous en avons transporté quelques-uns au
collège des Carmes à Cobiath où ils sont toujours exposés parmi d’autres, dans
les jardins de l’établissement.
Qu’il y eut, cependant, une installation industrielle dans le voisinage
immédiat des chapelles, le fait, comme nous le verrons, n’est sujet à aucun doute
il s’agit, en réalité, d’une huilerie assez vaste et bien organisée. et d’un
fouloir à raisin.
A- Fouloir à raisin :
A cent mètres, environ, des chapelles, le mamelon oriental est fait d’une vaste
lame rocheuse qui, s’allongeant de l’est,’s’abaisse, à l’ouest, en pente douce
vers l’entaille où le site des chapelles est encastré.
Les divers éléments constitutifs du fouloir ont été taillés, graduellement,
à même le rocher. Tout là-haut, vers la crête, nous distinguons le broyeur.
Celui-ci est formé d’une large assiette adossée, vers l’est, au rocher. Le
madrier était encastré dans une mortaise creusée dans le flanc nord du rocher.
La meule, enfilée dans un arbre horizontal, devait ainsi tourner sur elle-même
pareille aux roues d’une voiture. Les grains, ainsi écrasés par la meule
glissaient avec leur jus dans une recette large et peu profonde qui, à son
tour, versait son contenu dans une cuve identique, au goulot évasé.
Ainsi, de vasque en vasque, le raisin écrasé et pressé par d’autres meules
dont on voit encore plusieurs sur le terrain abandonnait son résidu. Le jus
clarifié et filtré était transvasé dans d’autres petites vasques aménagées dans
le blanc rocheux aux cotes du fouloir.[39]
B- Installation huilière
La plate-bande rocheuse qui s’étend au pied de la presse à raisin s’allonge
bien en avant vers l’ouest. La totalité du sol rocheux était presque couverte
d’une couche de terre drainée de la colline par les eaux pluviales. Comme
d’habitude, les fouilleurs de nuit, leurrés par le trou en forme de croix,
taillé dans le fût d’ancrage ont mis à jour une installation huilière complète.
A l’extrémité du terrain, tout près du muret occidental on voit le bout du
rouleau qui se dresse encore dans son assiette. La vasque et les broyeurs n’ont
pas encore été déterrés, mais la maie sur laquelle, les scourtins contenant la
pâte d’olive étaient empilés pour être pressés et le bassin où l’on reposait
l’huile, existent toujours, juste à la lisière nord du terrain. L’olivier est
aujourd’hui presque absent du haut plateau mais sa culture devait, autrefois,
être fort prospère surtout sur les pentes des collines avoisinantes puisque
certaines d’entre elles, en portent encore le nom (Mrah-Ezzeitoun).
L’eau:
L’eau est rare à Chouita, la grande eau d’irrigation n’existe pas. Une
petite source au sud du plateau, surgit au creux d’un ravin peu profond à
quelque certaines de mètres des chapelles. L’été, il n’en reste qu’un mince
filet. Une autre, ”Ain Chouita”, se trouve encore à cent mètres environ au nord
du plateau: la source était aménagée en
- qabou -, voûte en arêtes - elle vient d’être rasée au sol. Ceci
explique le grand nombre de puits creusés un peu partout. Nous en avons
dénombré sept, dans le voisinage de la seule huilerie. Des rainures canalisant
l’eau de pluie vers les citernes, à partir d’assiettes aménagées sur les
hauteurs, sillonnent les pentes du banc rocheux.
Ø
4- Constructions Anciennes:
Entre deux éminences rocheuses, un espace rectangulaire (100 x 30 m.)
s’allonge d’est en ouest.
Actuellement c’est un champ cultivé. En réalité, il doit s’agir d’une dalle
rocheuse compacte, et la terre, qui constitue le sol cultivable, n’est qu’un
cumulus d’apport alluvional. On remarque, en effet, des saillants rocheux
pointer à travers le champ et plus d’une citerne ouvre sa gueule béante dans le
sol. Les deux pentes, sud et nord, s’affaissent d’une manière abrupte. La
falaise sud s’ouvre sur l’esplanade ombragée qui porte le lit des chapelles. En
contrebas de l’esplanade, toujours au sud, et à deux mètres de décalage, un
long ruban de terrain plat conserve encore de vastes ruines. Celles-ci
alignent, d’est en ouest, une série de salles rectangulaires tombées en ruine.
Les salles, juxtaposées et appuyées au mur de l’esplanade, ouvrent leurs portes
sur une même allée.
Nous avons déjà signalé la présence de cette série de salles aux côtés
d’autres églises, comme l’église Mar Mama à Eddé - Batroun; elles devaient
servir soit à enseigner les enfants du village, soit à loger le clergé, soit à
recevoir les récoltes du domaine.
Les lambeaux des murs, couverts de décombres, sont faits d’assises à gros
appareil mais de taille fine et régulière. Les structures de ces ruines
semblent beaucoup plus anciennes que celles des chapelles voisines et d’une
facture différente (= taille, forme et matériaux). Plusieurs légendes
populaires ont mythifié le passé du site. Nous en retenons un trait qui
pourrait constituer le point de départ d’une réalité, l’existence d’une crypte
sous le lit actuel des chapelles.
Un vieux campagnard, affirmant avoir
participé à une fouille clandestine, nous a indiqué l’emplacement de l’accès
qui doit conduire à la crypte.
D’après le même témoin, il faut rechercher cet accès au pied d’un vieux
chêne, à quelques mètres à l’ouest de la façade actuelle de la chapelle de
Saint Georges[40]. A l’est de l’abside,
d’autres ”chasseurs aux trésors” viennent d’exécuter une profonde excavation.
Le détritus noir mêlé de fragments de poterie diverse et de pierres de taille,
démontre une terre d’accumulation.
Ø
5- La Nécropole:
La nécropole du site creuse ses hypogées dans la paroi de la falaise nord à
30 mètres des chapelles. Les tombes semblent être nombreuses, mais la plupart
sont ensevelies sous une accumulation de terre alluvionale.
Ø
6- La Tombe Ovale:
L’une de ces tombes, qui dut être fouillée autrefois, se présentait à
l’extérieur sous un aspect particulier. Croyant à une fontaine antique, nous
dépouillâmes le lieu, de la broussaille et des détritus accumulés. Ce n’était
qu’une tombe mais d’un type original, en forme d’oeuf. Une courte et large
allée mène à une sorte de mastaba. Le tout, aménagé dans le même banc rocheux,
prend l’aspect d’une cavité hémisphérique évasée vers l’extérieur. Au milieu de
l’entaille, une surface lisse, faite verticalement à main d’homme, s’ouvre
béante sur l’esplanade: Ce n’est que la porte de la tombe. Cette porte de forme
rectangulaire (0,85 x 0,60 m.) est surélevée de vingt centimètres du niveau de
l’esplanade. Elle est surmontée d’un tympan de style grec sans pied-droit.
Prenant à l’extérieur l’aspect d’un ”Ioculurn cum centina arcuata”, la tombe se
présente à l’intérieur sous la forme parfaite d’un oeuf géant dressé sur sa
pointe la plus étroite.
Au rapport de P. Testini ”il sepolcro ad arcosoglio” ou mieux, ”il loculo
con centina arcuata” est d’origine orientale. Des tombes semblables ont été
étudiées par le même professeur, au cimetière de san Pancrazio à Rome. La date
de l’une d’elles, affirme l’auteur, doit être située aux alentours du III s.
”In un cubicolo del terzo secolo detto di Botrys da una iscrizione greca, si
notano caratteristici loculi con centinatura superiore a forma di arcosolio”.[41]
A l’exception, cependant, de l’arcosolio, nous n’avons pu rapprocher la
tombe ovale de Chouita de nul autre exemplaire dans le pays. Une chose,
pourtant, paraît être vraie: cette tombe est de forme typiquement chrétienne si
l’on se base simplement sur le thème de l’oeuf symbole christique par
excellence.
Ø
7- L’Eglise
Elle se compose de deux chapelles contigües. De dimensions presque égales,
les chapelles sont en retrait l’une par rapport à l’autre: la chapelle sud,
légèrement plus grande, devance largement celle du nord.
Les chapelles ont un plan semblable. Ce plan comporte un vaisseau unique
couvert d’une voûte en berceau légèrement brisé et terminé par un sanctuaire à
abside unique de forme semi-circulaire couverte d’une calotte en cul-de-four.
Deux ressauts raccordent la nef et l’abside.
Les chapelles sont régulièrement orientées, Le décalage entre elles, laisse
un vaste espace soit entre les absides, celle de la chapelle sud n’a que deux
mètres à peine de recul par rapport à la façade ouest de la chapelle nord, soit
entre les corps mêmes des chapelles. Une esplanade, relativement large, s’étale
entre le côté ouest de la chapelle nord et le flanc de la chapelle sud.
La Chapelle Nord: Mar
Daniel (ST. Daniel):
Les dimensions intérieures de cette chapelle sont de (5,50 x 4,50) mesures
n’englobant pas la profondeur de l’abside. Le rayon intérieur de celle-ci est
de (2,20m).
Le sol actuel de l’abside est légèrement surélevé par rapport à celui de la
nef. L’intérieur de l’église vient d’être refait. Le mortier enlevé a mis à
jour la paroi pierreuse. L’appareil n’est pas fin, il est parfois informe et
porte les traces d’un ancien incendie. Ce dernier, serait-il celui de 1271
causé par l’invasion de l’armée du Sultan Baibars?
L’intérieur ne semble jamais avoir été retouché.
Tout au plus, on refaisait, de temps en temps, le badigeon bleu délavé
qu’on apercevait avant la restauration de l’église. La façade ouest, écroulée
en partie, il y a quelque temps, vient d’être restaurée, (mais quelle horreur!)
avec les dalles couvercles des tombes déterrées à Qassre-Mriq de Chouita.
L’intérieur était éclairé par la seule porte, aujourd’hui agrandie, surmontée
d’une petite baie rectangulaire.
L’abside, à présent complètement aveugle, devait avoir eu, jadis, la baie
réglementaire qui desservait normalement les sanctuaires maronites. Cette baie,
en principe symbolique - elle indique l’Orient, source de lumière - servait à
aérer plutôt qu’à éclairer cette partie reculée de l’église.
Des niches évidées dans les murs de rive recevaient autrefois les qandiles
(lampes à huile) et les livres sacrés. Les murs ont une épaisseur raisonnable,
sensée supporter le poids de la voûte en berceau brisé et de la terrasse en
terre battue qui la couvre. L’abside saillante ne possède aucun élément de
décor à l’extérieur. Le seul décor intérieur est la moulure en biseau qui court
le long de l’abside seulement, et, à la hauteur de la naissance de la calotte
absidale. La paroi, jadis enduite, devait porter des peintures dont on
relevait, autrefois, quelque trace. A l’extérieur, l’appareil des murs de rive
est assez ordinaire sauf où l’on a renouvelé la pierre. Autrefois, aussi, on
accédait à l’intérieur de l’église en descendant les trois marches d’un
escalier de fortune fait de pierres informes. Des travaux de terrassement,
exécutés dernièrement (mars / Avril 1985) ont abaissé le niveau du sol précédant
la façade ouest. Ceci permit une entrée plus normale, mais le remblai enlevé
mit à jour deux choses nouvelles: d’abord, les infrastructures d’une
construction ancienne qui dépassent au nord et à l’ouest le mur de rive nord de
la chapelle sud. On découvrit, en outre, plusieurs tombes de type très courant
dans le comté de Tripoli[42]
Le corps, placé à même le sol, entouré d’une série de pierres dessinant un
tracé de forme oblongue, était couvert de petites dalles. Parmi les os, on a
relevé des boucles de ceinturon et une pièce de monnaie frappée aux armes des
Lusignan. Peut-on penser à des sépultures de la période franque, ou bien, doit-
on, tout simplement, faire remonter les tombes à la guerre de 1914 - 1918 :
D’après le témoignage des anciens de Cobiath, le choléra, appelée populairement
”l’air jaune”, faucha alors tellement du monde que, pour éviter les séquelles
d’une sépulture normale dans les cimetières citadins, on enterra les dépouilles
loin des centres habités.
La chapelle Sud: Mar
Gergés (ST. Georges):
De dimensions, sensiblement, égales à celle du nord cette chapelle
s’allonge dans le sens de l’ouest, bien en avant, par rapport à sa voisine.
Ceci fait que le mur mitoyen est assez court et prend naissance juste au point
de départ de l’arc triomphal de la chapelle sud. L’église n’est pas
rectangulaire dans le sens strict du mot. Elle accuse plutôt une forme
légèrement trapézoïdale dont la base la plus courte est formée par la façade
ouest. Celle-ci a été refaite, il y a quelque temps. Le mur de rive sud accuse
une triple superposition de constructions. La plus basse, le socle du mur, est
certainement beaucoup plus ancienne, elle atteint la hauteur de deux et parfois
trois assises, seulement. La seconde, a un recul, nettement sensible, vers
l’intérieur, les dernières assises avant la terrasse appartiennent à une
construction, visiblement, plus récente. Comment peut-on, alors expliquer la
présence d’un mur de rive construit à plusieurs reprises et par paliers
successifs à côté d’une voûte multi-séculaire? Le fait n’est pas
extraordinaire... l’effondrement du parement extérieur du mur n’implique point
l’écroulement de la voûte, preuve en est l’âme des murs de Qalaat Tybo toujours
debout. (Voir atlas).
Le mur a dû être refait, mais d’une façon tellement maladroite que, écroulé
une seconde fois, il a été refait à nouveau. Les traces de ces réfections
toujours lisibles, sont fort normales si l’on admet que la région n’a pas été
épargnée par les tremblements de terre.
La nef est raccordée au sanctuaire par un simple ressaut, l’espace laissé
entre l’extrados de l’arc triomphal et le cintre de la voûte est bien large. La
calotte absidale, rabaissée d’une façon frappante, trace le dessin d’un demi -
oeuf écrasé.
La moulure en biseau grossier probablement préparé pour un stucage qui
marque le point de naissance de la calotte absidale dessine une frise trop
basse (environ un mètre ) comparée aux moulures des autres églises de la
région, moulures dont le niveau dépasse, généralement, la hauteur d’un mètre et
demi. Le fait doit trouver son explication dans un surhaussement postérieur du
sol.
Une sorte de mastaba, formée d’un ramassis de pierres informes, noyées dans
un mortier quelconque, était collée à la paroi intérieure de l’abside à
quelques centimètres de la moulure. Lors des derniers travaux exécutés dans
l’église (Mars 1985), cet autel de fortune fut démonté. On y trouva une tombe
accolée à l’abside, très probablement la sépulture de quelque prêtre, coutume
appliquée depuis une longue date chez les Maronites.[43]
Le déblayage mit aussi à nu la partie intérieure de l’abside jusqu’alors
voilée par la mastaba. L’appareil de cette paroi est d’un travail très fin qui
contraste avec le reste de l’église. Il semble, en outre, continuer, de la
sorte, au sein du sol, preuve que les basses assises de l’abside sont toujours
couvertes par un remblai du sol.
Dans le bourrage de l’ancien mastaba-autel on a retrouvé les morceaux d’une
table d’autel antique. C’est une dalle de pierre rectangulaire (1 m x 0,80 m)
elle est creusée, à ses quatre coins, de quatre entailles carrées. Le centre de
la dalle porte une petite excavation qui contenait, généralement, les saintes
reliques. (Voir atlas)
Quatre croix pattées, tracées en creux, forment le dessin d’un carré autour
du trou central placé lui aussi dans une cinquième croix.
Les quatre entailles des angles étaient destinées à porter les colonnettes
qui soutenaient le baldaquin, couverture traditionnelle des autels maronites.
Ce baldaquin avait, généralement, l’aspect d’une belle coupole de pierres.[44]
L’autel est surmonté de la baie habituelle. Cette baie est, aujourd’hui,
aveugle bien qu’elle soit ouverte à ses deux extrémités.
La nef reçoit son éclairage par la porte d’accès et par plusieurs baies.
L’ancienne porte était exiguë, basse et étroite surmontée d’une petite
fenêtre rectangulaire. Toute la façade ayant été rénovée, la porte a été
agrandie.
Deux autres fentes, situées au niveau du point de raccord de la nef avec
l’abside, éclairent et aèrent l’église. L’une, placé dans le mur sud, à 1,50 m.
du niveau du sol, forme une véritable meurtrière.
L’autre, placée, juste en face, dans le mur nord, à même le sol, pose un
grand point d’interrogation autour de sa fonction. Elle n’est ni fenêtre, ni
baie, ni meurtrière.
A quoi pouvait-elle servir? Probablement, c’était une porte latérale qui
donnait sur l’esplanade précédant l’autre chapelle, avec un escalier percé à
l’est, dans le mur mitoyen (actuellement aveugle). Cette porte possède un
linteau monolithe basaltique, d’apport, décoré d’une belle croix antique
pattée. (Voir croquis page 130 et atlas)
Il serait inutile de chercher le site sur la carte du Liban. Le village
moderne est mentionné sous le nom de Mrahat (bercails). Une petite croix
signale à peine l’emplacement d’une église: notre Dame de Ghozrata. Placée
presque à mi-chemin entre la citadelle du Gibelacar et la région des châteaux à
Chouita, quatre kilomètres à pied séparent à peine les trois sites.
Pour y aller de Saint-Georges, on suit un tronçon de route vers le sud-est,
on contourne un large vallonnement au nom de Mahallat, on traverse le plateau
au pied d’une colline rocheuse dont le flanc nord, fort large, berce dans ses
pentes ensoleillées le dernier repos des anciens habitants de Ghozrata. Les
chapelles de Notre-Dame, quelques centaines de mètres plus loin, à droite du
chemin, s’effondrent à l’ombre du vieux bosquet de chênes verts traditionnel.
Ø
Le Site:
L’emplacement de Ghozrata se situe sur l’un des passages obligatoires entre
le Akkar et le Cobiath. La muraille montagneuse qui sépare les deux régions
abaisse brusquement sa ligne de crêtes pour devenir un plateau facile à
traverser. Le site enfourche le dos d’un éperon, qui s’élance vers le
nord-ouest, bordé de deux ouèds.
Le Nahr Essinn, formé des eaux descendant de Qammou’a, dans la haute
montagne, draine dans sa course tortueuse les sources de Akkar-el Atiqa. La
vallée, large et profonde, aux charmes saisissants, s’évase à son début au sud,
pour devenir profonde et étroite à son point de jonction avec le fleuve de Cobiath
et le Nahr Oustouène au niveau de qalaat Tybo vers le nord. Cette vallée,
connue communément sous le nom de Akkar el Atiqa, Akkar l’ancienne, n’est pas
trop étendue, mais à travers sa longue histoire, elle a eu des pages fort
glorieuses. Son renom ne provient pas seulement du célèbre château fort, datant
seulement du Moyen-Age, il s’enracine bien profondément dans l’histoire. Son
ancien temple dédié au soleil - l’identification du monument reste, cependant,
aléatoire-berça les premiers balbutiements des empereurs syriens, à l’avis d’un
courant actuel d’historiens qui tendent à placer la naissance des Sévère, non
plus à Arqa comme on l’a cru longtemps, mais bien dans le temple du soleil à
Akkar-el Atiqa.
La passe Saint-Simon à Daoura, dominant à l’ouest la dernière rampe avant
le début de la descente vers la vallée, conservait intact, jusqu’à quelque
temps, un tronçon de route romaine, route qui devait, tout naturellement,
relier Arqa à Homs par Akkar-el Atiqa et le Cobiath.
Ghozrata, juché sur son éperon, regarde à l’ouest le bas de la vallée au
niveau de Sinn tandis que son territoire étale ses champs jadis prospères en
oliveraies, bordé au nord-est par la profonde vallée de Mahallat. Notons au
passage la présence des pressoirs et moulins à olives épars ça et là aux
alentours des chapelles.
Ø
2- La Nécropole:
Si la croyance en la divinité constitue le chaînon de solidarité historique
entre les hommes, cette solidarité se révèle aussi constante à travers sa foi
inébranlable en l’immortalité de l’âme humaine ”parcelle de divinité déchue”
ayant tout droit à être réhabilitée dans une seconde vie plus ou moins
transcendantale. Cette expectative innée dans l’homme a porté celui-ci à
prendre soin de sa dernière demeure comme l’attention qu’il porta à la demeure des
dieux. Cette attention s’explique d’une façon particulière dans le champ
funéraire de Ghozrata. Les sépultures hypogéales sont disséminées un peu
partout dans les vieux centres de la région. Elles sont appelées ”Naous” par
les uns et ” tombes Juives” par les autres. Mais la présence massive, soit des
sépulcres soit des hypogées sur un même lieu de façon à former une véritable
nécropole paraît un phénomène sans second dans le pays. Le champ funéraire
couvre toute une dalle rocheuse sur le flanc de la colline, soit une plaque de
forme allongée (500 x 300 m. environ), délimitée à son point culminant par la
forêt. Vers le bas, la pointe ouest est endiguée par les champs cultivables. La
nécropole ne semble pas organisée selon un plan d’ensemble. Les tombes individuelles
et les hypogées, pêle-mêle, se plient aux vicissitudes de la dalle rocheuse et
au hasard des circonstances.
Ø
3- Les tombes individuelles:
Les tombes individuelles découvertes jusqu’à présent dépassent la centaine.
Plusieurs autres se laissent facilement deviner soit sous une couche de terre
d’accumulation soit sous les buissons et la broussaille. Leur localisation
n’est soumise à aucun plan d’ensemble. Parfois
elles se rangent en ligne horizontale sur un même banc rocheux. Souvent c’est
un espace incliné qui en est littéralement couvert sans aucun ordre. D’autres
fois c’est une tombe isolée qui semble rechercher le recueillement de la
solitude.
Les tombes individuelles appartiennent au même type de sépulture, le type
appelé ”sepulcrurn sub divo”. Le couvercle est fait d’une dalle de 70 cm.
d’épaisseur. La dalle est taillée de manière à être encastrée par le bas dans
un lit de pose coupé sur les rebords de la fosse rectangulaire tandis que la
partie supérieure du couvercle dépasse de 20 cm, généralement, la bordure de la
cavité, alors qu’elle s’élève de 40 cm, au-dessus du niveau du sol. Les dalles
parfaitement encadrées ont, toutes, des surfaces lisses. Nous n’avons pu
relever aucun signe, inscription ou symbole qui puisse jeter des lumières sur leurs
hôtes. Les cavités ne sont pas toutes identiques.
Taillées en creux dans les surfaces plates du rocher, elles ont
généralement la forme d’une caisse longue et profonde. Certaines cavités
comportent parfois une entaille creusée sur le côté oriental et qui semble
devoir être destiné à recevoir la tête du mort. Les tombes sont généralement
orientées. Quelques-unes, cependant, s’allongent dans le sens nord-sud,
orientation due probablement à la configuration du rocher.
Ø
4- les hypogées:
Ils sont beaucoup moins nombreux. Deux, cependant, soumis préalablement à
des fouilles clandestines, constituent deux types exceptionnels, comparés aux
autres sépulcres semblables du pays. Le premier, creusé dans le flanc d’une
vaste dalle rocheuse, prend à l’intérieur l’aspect d’un trèfle, type appelé ”
sepolcro a tricore”. La porte rectangulaire, ornée d’une moulure grecque et
précédée d’une entrée triomphale donne sur le sépulcre par un court escalier
aujourd’hui remblayé. A l’intérieur, la chambre funéraire englobe trois niches
de dimensions égales avec le même genre de Loculi. L’ensemble explique
parfaitement la forme d’une croix stylisée. Ce premier hypogée cruciforme est
placé au centre de la première moitié de la nécropole en remontant la pente de
la colline funéraire. Un large espace vide isole l’hypogée du reste des
sépulcres. La terrasse de l’hypogée porte jusqu’à présent une khirbé informe.
La pierre des assises est fort soignée et deux absides informes pourraient
donner l’impression de deux chapelles jumelées et parfaitement orientées.
Serait-ce le reste d’une église double, semblable aux autres chapelles du pays,
ou bien, le vestige d’un martyrium comme on en rencontre ailleurs en Syrie, ou
mieux une partie de l’ensemble appelé, “monumentum cum hypogeo”. Seule, une
fouille, faite toujours à temps, pourrait répondre à nos questions.
Le second hypogée, situé assez loin du premier, presque au sommet de la
colline, est creusé dans un banc rocheux de fortes proportions. L’allée
précédant l’accès est spectaculaire. Une porte relativement petite donne au
moyen d’une pente à l’intérieur d’une salle presque carrée (4 x 5 m.) on doit
se plier en deux pour pénétrer dans la chambre obscure. Mais, une fois que l’on
est dedans, l’intérieur est fort reposant malgré l’humidité provoquée par l’eau
qui, suintant du rocher, vient se déposer dans les loculi. Les bergers de la
région en sont familiers pour y avoir souvent fait boire leurs chèvres à cette
eau maintenant fétide. Le plafond est assez élevé pour permettre à un homme de
s’y tenir debout malgré l’épaisseur de la couche de détritus qui comblent le
fond. Six niches de dimensions inégales se trouvent encastrées dans trois des
quatre parois de l’hypogée. L’une de ces niches comprend une double rangée. Les
niches sont en forme d’arcosolium dont le centre repose sur des colonnettes, en
pied-droit, sculptées en relief dans un cadre
De style grec et de facture assez
soignée. Un tronçon de dalle couvercle, les loculi ayant dû être couverts de
dalles épaisses dont on voit les fragments sur le sol , porte une inscription
en lettres grecques. L’état tourmenté de la pierre nous a empêché de relever
l’inscription in situ.
Un passage présumé, à la droite de l’entrée, relie, preuve lumineuse à
l’appui, l’hypogée en question à un autre hypogée situé à une dizaine de mètres
plus bas.
La liaison entre les deux chambres funéraires ne peut pas être expliquée
par une anfractuosité naturelle puisque le passage offre, sans aucun doute tous
les symptômes d’une exécution artificielle. Pourtant l’espace est tellement
étroit qu’un chat réussirait difficilement à s’y faufiler.
Comment fut-il taillé au sein du même bloc rocheux? A quoi pouvait-il,
surtout, correspondre?
Notons la présence d’une installation huilière semblable à celle décrite
plus haut et parfaitement conservée dans le voisinage immédiat du premier
hypogée. Tout près de la maie du pressoir, des sièges sont taillés dans le mur
rocheux qui présente aussi une petite niche fort originale destiné
probablement, soit à garder au frais une gargoulette d’eau, soit à abriter une
lampe à huile (Sirage), usages jusqu’à présent en vigueur parmi les villageois
de la contrée. Ce type d’huilerie, comprend une série de bassins en gradins
taillés dans le roc, de lourds montants destinés à l’arbre et des citernes actuellement
remblayées. Sur le terrain adjacent on trouve des rouleaux en pierre pareils à
des fûts de colonne fortement galbés.
Disons enfin que si notre version à propos de la nécropole est exacte, la
superposition de différentes civilisations se révèle être vraie et nous ne
sommes pas loin de retrouver l’empreinte médiévale dans la khirbé qui surmonte
le premier hypogée, vestige d’une double chapelle antique.
Ø
5- L’église Notre-Dame de Ghozrata:
Situées à un demi-kilomètre environ à l’ouest de la nécropole, les ruines
de l’église, dite Notre-Dame de Ghozrata vivotent à l’ombre d’un bosquet de
vieux chênes témoins d’une civilisation en train de s’effacer sous l’effet des
éléments et l’oubli des hommes. Ghozrata, remplacé aujourd’hui par le hameau de
Mrahat, assista tristement au départ de son denier habitant chrétien chassé par
les événements meurtriers de 1958. Peuplé, aujourd’hui, de musulmans sunnites,
ceux-ci vouent un grand respect à la ”demeure de Mariam”. Mais, hors service,
le vieux sanctuaire s’effondra et une ruine galopante effrite, sans pitié, ce
qui reste du vénérable Mazar.[45]
a- Le plan:
L’église Notre-Dame de Ghozrata se compose de deux chapelles juxtaposées,
de dimensions presque égales, la chapelle sud, légèrement plus petite (6,90 =
6,85 m) devance largement celle du nord.
Les deux chapelles ont un plan semblable. Il comporte un vaisseau unique
qui, à l’origine, devait être couvert par un berceau légèrement brisé et
terminé par une abside coiffée d’un cul-de-four. Deux ressauts raccordent ces
deux éléments. Les chapelles sont dûment orientées. Le décalage entre elles
laisse un large espace entre les deux absides. Le sanctuaire de la chapelle sud
a deux mètres à peine de recul par rapport à la façade ouest de la chapelle
nord. L’espace, laissé libre par le décalage entre les deux absides, est comblé
de ruines antiques rendues informes par les débris accumulés. Ces ruines,
s’étendant du sud au nord, constituent, très probablement, les vestiges de
l’ancienne église paléochrétienne dont on peut admirer le beau linteau conservé
jusqu’à présent. Nous pensons que le décalage si grand entre les chapelles
peut-être effet de la présence de cette antique église à laquelle elles ont été
ultérieurement accolées[46].
b- La chapelle nord:
Les dimensions intérieures de cette chapelle sont de (5,60 x 3,40 m)
mesures ne comprenant pas la profondeur de l’abside. Le rayon intérieur de
celle-ci est de 1,50 m. et son sol se trouve surélevé par rapport à celui de la
nef, malgré le bouleversement causé par le récent effondrement de la terrasse.
Le mur méridional de la nef est évidé en son milieu d’une arcature longue
environ deux mètres. Nous n’avons pu en déterminer l’élévation à cause du
remblai qui jonche le sol. Cette arcature, aujourd’hui aveugle, devait, à notre
avis, donner accès à l’intérieur de la construction paléochrétienne. L’abside
est, elle aussi, aveugle et la chapelle n’est éclairée que par le moyen de la
porte et d’une baie rectangulaire qui la surplombe.
c- La Construction :
Elle est simple et faite de pierres de taille du type dit malaké, extraites
de la colline voisine qui abrite la nécropole et où l’on peut remarquer les
carrières jusqu’a présent. La pierre, assez
grande, est convenablement appareillée. L’abside est encastrée dans un
ouvrage carré ce qui donne au monument entier I’aspect d’un parfait rectangle
(7.70 x 5.l5 m). L’unique entrée, formée d’une porte fort simple, constitue,
dans la façade ouest, un rectangle sans décor, surmonté d’un arc de décharge
qui enveloppe le linteau monolithe qui en franchit l’ouverture sans consoles.
Une baie placée au-dessus de la porte, constitue le seul éclairage visible de
la nef. Elle est faite d’un rectangle intérieur, restreint vers l’extérieur en
forme de meurtrière. La voûte n’est pas extra-dossée mais couverte d’une
terrasse en terre battue dont on voit quelque reste encore en place. La
chapelle n’est soutenue de nul contrefort, les murs de rive, larges de 1.08m se
sont avérés suffisamment résistants pour supporter les poids et pression de la
surcharge résultant de la terrasse.
d- Le Décor:
Il ne se manifeste à l’intérieur que par l’imposte moulurée qui court à la
hauteur de la naissance de la voûte de l’abside, à 1,40 m, du niveau du sol. Le
reste de la nef n’offre aucun élément de décor, mais les surfaces devaient être
couvertes d’une couche d’enduit dont on observe quelques traces fort délavées. A
l’extérieur, aucun élément de décor architectural ne distingue les murs simples
mais bien appareillés.
Il faut noter, cependant, dans le parement extérieur de la façade ouest, la
présence d’une pierre monolithe (2,05 x 0,40 x 0,30) insérée dans le mur.
Partant de l’angle nord-ouest, elle se dirige vers le sud dans le sens de la
porte d’entrée à 1,50 m d’élévation du niveau du sol. Il s’agit probablement,
comme nous l’avons déjà signifié, du linteau de l’antique église réemployé. Il
ne porte pas d’inscription mais l’une de ses faces est gravée de trois lignes
horizontales et ondulées qui embrassent une croix, du type paléo chrétien,
nimbée d’un cercle de 0,23 m de diamètre. Nous avons relevé la même croix sur
un linteau appartenant à l’église de Trèz près Machta el Helou à 25 km au
nord-est de Safita en Syrie. D’après une inscription grecque, cette église-là
porte la date de l’an 245 après J.C. Serions- nous, à Ghozrata, en présence
d’un lieu de culte chrétien construit autour de cette date?
e- La Chapelle sud:
De dimensions sensiblement égales à celle du nord, cette chapelle est
placée fort avant par rapport à sa jumelle. De ce fait le mur mitoyen, assez
court, prend naissance quelques centimètres (0,45 m) à peine avant le point de
départ des ressauts de l’abside, seul élément toujours conservé du monument
écroulé. Le vaisseau unique devait être voûté en berceau légèrement brisé
surmonté d’une terrasse en terre battue, ceci est déductible de la forme des
murs de rive en partie debout. Le rectangle de la nef mesure (5,05 x 3,40 m).
Pourtant, il a permis aux architectes d’y placer deux portes d’entrée. L’une
(0,60 m) dans la façade ouest, est conservée jusqu’à la hauteur de trois
assises seulement, et, permettait l’accès à l’intérieur de l’édifice à partir
d’un escalier dont on peut discerner les gradins bouleversés.
L’autre (0,85 m) est percée dans le mur nord, juste à l’angle nord-ouest,
et débouche directement sur l’esplanade qui précède la chapelle nord permettant
une communication plus facile entre les deux chapelles.
La construction de l’abside semble poser un dilemme. En réalité, nous nous
trouvons face à deux absides imbriquées l’une dans l’autre tout en gardant un
espace vide de 0,50 m de distance entre leurs hémicycles respectifs et de 0,30
m entre les calottes de coiffe. Ces dernières sont posées l’une au-dessus de
l’autre sans aucun lien apparent. Le mur du premier cul-de-four est percé en
son milieu d’une baie rectangulaire assez grande. Elle apparaît, de prime
abord, une fenêtre obstruée; en réalité elle forme le premier cadre détaché
d’une porte qui enveloppe la seconde abside. L’escalier est obstrué par
l’éboulement, mais la lumière d’une torche projetée à l’intérieur laisse
entrevoir le dessin initial qui, après avoir pris la direction de l’est, dévie
vers la gauche pour aboutir sur la terrasse de l’autre édifice. Les murs de
cette chapelle emploient les mêmes matériaux et la même taille de pierre que la
chapelle précédente, pourtant le parement intérieur de la première abside
semble mieux appareillé. La pierre, plus petite, présente des surfaces très
polies, et, un soin tout particulier semble avoir été donné à l’équarrure des
joints. Le pied-droit méridional de l’arc triomphal de la première abside
montre sur certaines assises des caractères isolés qui, sans aucun doute, sont
de simples marques de tâcheron déjà relevées sur d’autres ouvrages de la
période franque.
Disons, enfin, que cet ensemble cultuel de Notre-Dame n’est pas au centre
de Ghozrata. L’ancienne ville devait couvrir le plateau qui projette ses
éperons sur le Nahr-Essinn face au fortin de Tybo et du château d’Akkar.
Certain quartier devait vraisemblablement s’élever aux environs de l’actuel hameau
de Mrahat. Nous avons pu relever la présence de tombes anciennes et suivre les
traces oblitérées d’une église double dite de Hadia, dans le même site.
Le site est aujourd’hui un weli, et, à l’ombre d’un vétuste bosquet, des
sépultures musulmanes couvrent peu à peu le sol de l’antique sanctuaire
chrétien. Quelle fantaisie du hasard ! Sur ce vieux sol du Akkar, les hommes,
victimes d’une haine confessionnelle implacable se retrouvent.
Hilsban, Aïn-Essit, Mar Challita, Betouège, Mar Sarkis, une série de noms
aux résonances antiques. Des noms qui disent peu aux profanes et beaucoup aux
chasseurs de mythes et aux amoureux du passé. Le temple de Hilsban enfoui sous
un cumul de détritus et d’oubli laisse planer le mystère autour de ses origines
et de sa destination première dans l’attente que le voile soit un jour, enlevé.
La photographie ou l’inspection aérienne pourrait, peut-être, permettre de
retracer la route romaine qui, à travers la vallée, reliait la Boqeiaa et Homs
à Arqa par le biais du Akkar, route utilisée sans doute par la belle chevalerie
franque de l’époque, empruntée très probablement par Baibars montant à l’assaut
du château d’Akkar et suivie au XVII s. par le redoutable Emir du Liban
Fakhreddine à la poursuite de son coriace rival, Ibn Saïfa, retranché au Crac
des Chevaliers.
A-
Aïn Essit |
Ø
Le nom
”La source de la Dame”; que peut signifier le nom?
Très probablement, un ancien culte de source comme Ain-el Qabou de Oudîn
dans la vallée homonyme et tant d’autres sources du pays. Les qualités
curatives de cette eau ne sont pas ignorées de la population locale qui en
raconte des merveilles. Nous ne doutons point de leur bonne foi, mais pourquoi
le nom? Doit-on traduire le ”Ain” par ”oeil” et non par ”source” ce qui
reviendrait à dire l’oeil de la dame” vu que le mot arabe ” Aïn” peut signifier
indifféremment oeil et source. Le thème de l’oeil est fondamental dans
l’ancienne poésie amoureuse arabe où la pudeur réduit les poètes à ne chanter,
de la femme aimée, que l’oeil et la chevelure, les deux thèmes aquatiques par
excellence. Dans ce cas on doit conclure que la source ne fut appelée que
comparativement ”oeil de la dame” et l’archéologue n’a plus qu’à se rafraîchir
le corps et l’esprit à l’ombre de son immense platane. La version paraissant
quelque peu poétique, nous pensons que le nom ne peut trouver sa véritable
explication qu’à la lumière de la présence du temple voisin.
Ø
2-
Le temple
Situé à deux kilomètres à l’ouest de Aïn-Essit au sein d’une conque
naturelle créée par un brusque retrait de la montagne, le temple est placé sur
une plate bande surplombant le torrent qui, l’hiver, serpente au sein de la
vallée. Le monument est enfoui dans le sol. Seuls, le mur oriental et une
partie du mur nord se conservent jusqu'à la hauteur de deux mètres, etalant
leurs immenses monolithes, témoins impassibles d’une gloire évanouie. ”Le
vestige le plus important qu’on trouve à Cobiath est celui de wadi Hilsban. Ses
grandes pierres le font ressembler à Qalaat Miàrab dans le Kesrouan et au
temple de Afqa, près des sources de Nahr lbrahim...[47]
Ø
3- Origine du nom:
La vallée porte aujourd’hui le nom de Hilsban , les anciens de Cobiath
affirment qu’elle s’appelait autrefois Hiçn albal (حسن البال). La dénomination est poétique, le lieu est effectivement d’un
charme frappant pour ceux qui recherchent le calme de la solitude, preuve en
est la mansaké (ermitage) de Bethouèj. Mais il semble plus logique de reporter
le nom à la langue araméenne et à une période antérieure.
Hilsban (Hilsbal ou Hilsbêl) du syriaque ”hilso” peut signifier la
forteresse ou la demeure (maqam) de l’une des trois divinités syro-romaines le
Baal phénicien, Bêl d’Emèse ou le Pan grec[48].
Nous pensons qu’une légère dérivation se trouverait mieux placée pour jeter
un nouvel éclairage sur cette appellation problématique. Le mot syriaque ”Hils”
signifiant, aussi, fort dans le sens de force, de maîtrise, Hilsbal serait-il,
Bêl, Baal, ou Pan, le fort, le vaillant ou mieux le seigneur, le maître? Cette
opinion est corroborée par l’imposition du nom Challita au sanctuaire chrétien
superposé, le syriaque ” Challita” signifiant, en effet, le chef, ou celui qui
détient l’autorité. Si l’explication est viable, Hilsbal serait Baal le
seigneur et le temple aurait porté le nom de Bêl, Adonis-Apollon, le dieu
soleil et de sa soeur la déesse lunaire Achtarouth-Artémis. Comme résultat
direct de cette version, Aïn Essit devrait être traduit par ”la source de la
Dame” avec un D majuscule, indiquant Achtarté, ”la Dame” phénicienne, déesse
soeur du Baal, Adonis. Le haut de la même vallée, appelé Betouège, ne serait
alors que Bet el Wajh” demeure du chef ou demeure de dieu.
Presque à mi-chemin entre Aïn-Essit et Mar Sarkis au sein de la vallée
s’élevait jadis le beau temple blanc de Hilsban. L’habituel vieux bosquet de
chênes verts en ombrage les restes décadents. Mar Challita s’est superposé au
grand Baal et le lieu de culte païen s’est bientôt christianisé.[49]
La vallée est ici large et des champs à cultures variées en couvrent le
fond. L’eau coulant à quelques centaines de mètres nous a donné l’impression
que les citernes aménagées dans le rocher au sud-est du temple fussent plutôt
destinées à la conservation de liquides précieux tels, huile et vin plutôt qu’à
l’eau. Plusieurs tombes hypogées existent encore sur les deux flancs de la
montagne, à 200 m environ et au sud du temple. Notons qu’ici, le rocher est
fait d’une sorte de tuf blanchâtre et par conséquent très facile à évider.
Ø
La chapelle:
Adossée aux murs sud et est du temple, l’église, apparemment composée d’une
chapelle à nef unique, est encastrée à l’intérieur de l’enceinte jusqu’au point
de naissance de la calotte absidiale. Pour parvenir à l’intérieur, on descend
les degrés d’un escalier d’environ deux mètres de profondeur au-dessous du
niveau du sol environnant. La chapelle étant à nef unique, seule une fouille du
vaste amas de pierres voisin permettrait de rendre compte de l’existence d’une
chapelle contiguë. La chapelle actuelle, au rapport de son intendant de bonne
mémoire, n’était, elle aussi, qu’un tas de remblai.
Elle en fut dépouillée par les gens du pays au début des années trente du
xxe siècle. Couverte d’une simple charpente en tôle, elle fut aménagée pour le
service des paysans durant la saison des récoltes. Aujourd’hui, le toit
n’existe plus et la chapelle désaffectée est rendue à la voracité de la
broussaille. Nous avons dû nous y frayer un chemin, aussi nous excusons-nous de
l’inexactitude de certaines mesures par crainte de déranger quelque hôte
ombrageux.
Ø
2- Le Plan:
La chapelle est formée d’un vaisseau unique allongé d’une abside en cul-de-
four. La nef qui conserve ses murs jusqu’à la hauteur de deux mètres environ,
est un rectangle de 7,90 x 5,75. Elle est reliée à l’abside par un ressaut
unique. Une sorte de transept plus élevé d’un degré (25 cm) du niveau du sol de
la nef, s’intercale sur une largeur de 1,40 mètre entre la corde de l’abside et
le terre plein de la nef. Trois pierres, installées sur cet espace et de chaque
côté latéral forment autant de sièges de 0,40 mètre de largeur et de 0,30 mètre
de hauteur. Une banquette, formée de pierres de mêmes dimensions, circule le
long des murs de rive. Il faut noter cependant à ce point le déplacement du
diamètre de l’abside par rapport à l’axe central de la nef. Le ressaut du sud
est en effet supérieur à celui du nord, ce qui donne à la chapelle un
désaxement nettement apparent.
L’étude extérieure de la construction est impossible à réaliser dans l’état
actuel étant donné que l’édifice est complètement enterré dans le sol
environnant. Tout ce qu’on peut dire c’est que les murs sud et est de l’église
sont faits d’un parement unique relié directement aux murs du temple par le
moyen d’un mortier fait de sable, de poterie finement triturée, de chaux et de
cendre, alors que les deux autres côtés possèdent des murs à double parement
dont celui de l’extérieur a emprunté ses grandes pierres aux ruines du temple.
A l’intérieur, la construction, fort simple comme plan, est bien soignée.
L’appareil petit mais bien taillé semble avoir été pris, lui aussi, aux
monolithes du temple. Il devait être couvert d’enduit dont on peut remarquer
quelque reste dans les recoins de l’édifice.
Ø
3- Le décor
Le décor est réduit à une mouluration du type roman habituel. Celle-ci
parcourt l’arc de l’abside à 1,40 mètre du niveau actuel du sol. L’abside est
aveugle étant donné que sa rotonde extérieure est encastrée dans l’oeuvre du
temple. Une petite niche rectangulaire (0,35 x 0,25) perce à moitié le mur de
fond au-dessus de la moulure. Plusieurs de ces niches sont aménagées à travers
les espaces plans des murs: plus ou moins petites, placées à des niveaux
différents, les unes devaient recevoir les livres saints, les autres étaient,
peut-être, destinées à abriter les ”qandiles” ou lampes d’éclairage.
L’illumination de l’église se faisait apparemment par le biais d’une porte et
d’une fenêtre unique. La porte, placée à l’angle sud- ouest, est composée de
deux blocs monolithes franchie d’un troisième, le tout puisé dans les vestiges
du temple. La fenêtre, simple fente rectangulaire à l’intérieur, plus étroite
vers l’extérieur, est placée au centre de la façade ouest, au niveau même du
sol voisin. Le pied-droit nord de cette fenêtre réutilise une pierre assez
grande chargée d’un décor géométrique et contrastant par sa couleur
pain-de-sucre, avec le reste du mur blanchâtre. Nous pensons,
vraisemblablement, à un chapiteau de facture archaïque et à décor en corbeille
du type dit syriaque. A travers la vallée aux multiples sources, ombragée de
noyers, de sapins et de platanes, nous apercevons déjà Mar Sarkis sur la crête
de la montagne.
Ø
4- La tombe du silence:
Au sud-ouest du temple et à quelques mètres des hypogées un sépulcre a
toujours attiré notre attention.
Le tombeau est creusé dans la plate-bande d’un promontoire rocheux qui, en
falaise, domine la plaine d’une hauteur de vingt mètres. Superbe orgueil ou
dignité de son hôte, la tombe a des dimensions pareilles à certains sépulcres
de Ghozrata. Nous pensions avoir retrouvé une tombe de vestale et rencontré,
par conséquent, la réponse à nos questions à propos de la destination du
temple. L’ouverture remblayée faisait présumer de l’existence d’une chambre
sépulcrale sous l’entaille apparente. Les buissons nous avaient induit en
erreur. Les chasseurs aux trésors ont résolu l’énigme. C’est une tombe du type
appelé ”sub divo ” faite avec grand soin. Aucun symbole, aucune inscription
n’ont répondu à notre soif de savoir. Nous l’avons appelée: la tombe du
silence.
Ø
Le site
Des raies blanchâtres parsèment le vert sombre de l’horizon. C’est la
montagne crayeuse de mar Sarkis au village de Beit Gharib. Celui-ci formé de
deux masures et d’enclos éparpillés il y a une vingtaine d’années, est
aujourd’hui un hameau moderne desservi par une piste récemment tracée à partir
de Akkar-el Atiqua. L’eau suinte de partout, mais le sommet de la montagne,
d’où l’église surplombe le village, est parfaitement à sec, d’où la présence
des citernes creusées dans les rochers aux alentours du vieux sanctuaire. Le
site est presque semblable à ceux des autres monuments du pays. Une plate-bande
aménagée sur le dos d’un éperon entre deux vallonnements. Les côteaux du
mamelon semblent avoir été cultivés, car ses terrasses en palier plus ou moins
étroites, aujourd’hui couvertes de gros sapins, sont épaulées de murs en
maçonnerie. Du sanctuaire presque camouflé par la verdure, le regard suit, à
l’est, la vallée de Hilsban et bute plus loin contre la chaîne du Akroum. Au
nord-est, on entrevoit, à l’horizon et en temps clair le profil blanc du Crac
des Chevaliers. Est-ce la vallée suivie par Baibars montant à l’assaut du
château d’Akkar, en 1271? Si la traversée de la vallée paraît agréable,
l’escalade de la passe saint-Serge est réellement difficile pour une armée
surchargée surtout en temps pluvieux où même ” une fourmi glisserait sur le sol
détrempé ...” A l’ouest, l’église est presque adossée contre une falaise
rocheuse dont les parois révèlent des travaux exécutés à main d’homme.
Ø
2- Le Plan:
L’église des saints Serge et Bakhos est composée, elle aussi, d’une double
chapelle. Toutes les apparences font dépendre cette église d’un ensemble
cultuel. Les chapelles jumelles sont, en effet, adossées à une grande salle
qui, orientée nord-sud, dépasse d’une mesure la façade ouest de l’église. Le
sol, en outre, présente, au-delà de la façade est, des vestiges de maçonnerie
dont les assises saillantes semblent faire partie d’un plan d’ensemble. Cette
opinion est par ailleurs confirmée par un témoin oculaire du XIX s. énumérant
les anciens lieux de culte de Cobiath.
Monseigneur Zraiby écrit à ce propos: ”l’église Mar Sarkis et Bakhos
devait être un couvent, vu les nombreuses chambres qui existent jusqu’à
présent...”[50] La même idée est exprimée
par la tradition locale qui applique à ce lieu de culte le nom de Deir
(couvent).
Le plan est celui d’une église à deux chapelles jumelles. Parfaitement
orientées, elles donnent, extérieurement, l’impression d’un rectangle complet.
En réalité, elles n’ont qu’une façade commune tandis que leurs absides accusent
un net retrait l’une par rapport à l’autre. La façade commune est celle de
l’ouest. Elle est adossée à une longue salle dirigée sud-nord. Plutôt que de
façade, on devrait parler d’un mur commun puisque ce côté de l’église est à
peine visible étant donné que le faîte du mur ne dépasse que d’un mètre la
terrasse de la salle longue. L’entrée principale est placée au nord, une autre
porte établit la communication intérieure entre les deux chapelles. La chapelle
sud, presque aveugle, communique, par une entrée basse et étroite avec la salle
longue. Une fenêtre, placée assez haut dans le mur ouest ne semble avoir
d’autre fonction que celle de communiquer avec une cellule qui devait surmonter
le coin sud de la salle longue mais il n’en reste plus aucune trace
significative.
Ø
3- La Chapelle nord:
Le plan de cette chapelle est différent des autres monuments décrits
jusqu’à présent. Orientée d’ouest en est selon l’usage, l’église consiste en
une nef unique à deux travées. Terminée par une abside en cul-de-four aménagée
dans un chevet droit, elle s’ouvre sous un grand arc. Les murs de rive,
développant une ligne continue, englobent dans un même rectangle nef et abside.
La chapelle semble constituer la partie principale de cet ensemble cultuel.
Elle mesure (9,90 m) de longueur sans oeuvre, abside comprise, et (4,20m) de
largeur. Si nous nous tenons uniquement à la nef, nous constatons que celle-ci
dessine un vaisseau rectangulaire divisé par des pilastres en deux travées
approximativement carrées. Le dessin permet de restituer, sans doute, une
toiture en voûte d’arête reposant sur des pilastres. Les piliers médians ont
été l’objet d’un soin particulier. Construits en pierre calcaire dure, ils
offrent une taille fine et un galbe puissant et délicat. Les pierres
présentent, toutes, des stries fines et parallèles disposées obliquement par
rapport au lit de pose, ce qui indique l’emploi du taillant droit à dents,
technique assez fréquemment utilisée dans les constructions des Croisés.
Une moulure, faiblement saillante encadre l’entablement, ce qui met
légèrement en retrait la ligne de décrochement de l’imposte qui forme la
retombée des arceaux de la voûte d’arête. Pourtant et malgré le poli de leurs
joints les assises sont accordées, les unes aux autres, au moyen d’un ciment,
composé de gravier d’extraction locale très finement tamisé, de poterie pilée
et de chaux. La présence d’une grande proportion de petits fragments de charbon
de bois, dans ce ciment, permet de penser que de la cendre a été mélangée aux
autres composantes du mortier. Les pilastres des angles et l’appareil du
parement intérieur des murs sont moins soignés et semblent avoir été
expressément faits pour être couverts. On peut, par ailleurs, constater, un peu
partout dans la chapelle, la présence de grands espaces couverts d’enduit. Le
même ciment à base de chaux, de gravier et de cendre, a servi pour lier les
blocs irréguliers des assises. Les pilastres médians sont, à moitié, engagés
dans les murs et présentent des façades plates alors que ceux des angles se
présentent sous une forme anguleuse pour recevoir la retombée de l’arête de
l’arc croisé. Ceux des angles sud-ouest, nord-ouest et nord-est se conservent
jusqu’au point de départ du tétracorne, celui-ci est conservé jusqu’à la
hauteur d’un mètre environ. Outre les arcs de la voûte d’arête, les pilastres
reçoivent les retombées des arcades latérales ce qui donne une sensation de
robustesse aux appuis et une stabilité évidente à la toiture aujourd’hui
effondrée. L’arc triomphal, reliant l’abside évidée en arc surhaussé, retombe
en berceau légèrement brisé sur les entablements des pilastres d’angle et
dessine une double voussure avec la demi-sphère de la calotte. Celle-ci
n’existe plus, ainsi que les arcs de support.
Nous pouvons, cependant, supposer que la toiture reposait directement sur
le ressaut du doubleau supérieur puisque les impostes, toujours en place,
impliquent une arcature semblable à celle du mur occidental,
Ø
4- Le décor:
Le décor de la chapelle se réduit, actuellement, à la disposition des
portes et des baies. Une mouluration du type commun aux autres chapelles se
développe le long de l’abside, à la hauteur du point de départ de l’imposte.
Une ébauche de mouluration se répète aussi sur l’entablement des pilastres du
centre. Le dallage originel n’est pas visible puisque l’effondrement a remblayé
l’intérieur. Une fouille clandestine faite à côté du pilastre médian sud à mis
à jour le lit de pose de ce dernier. D’après cette fouille, la moulure du
support, placée au même niveau que celle de l’abside, accuse, 1,70 mètres
d’élévation. Les assises des pilastres et des arcatures sont encastrées dans le
parement intérieur des murs ce qui donne à penser que ce parement fut monté
après coup ou tout au moins, piliers et arcades furent construits en même temps
que la partie interne des murs.
La porte, mieux appareillée que le reste de la construction semble avoir eu
droit à un soin pour le moins semblable à celui accordé à l’appareil des
piliers. De forme rectangulaire (0,90 de largeur) elle n’a ni voussure, ni
colonnade, aucun décor particulier ne la distingue. Le linteau monolithe,
relativement moins soigné paraît de réemploi. Outre la nature de la taille,
plus ou moins grossière et la qualité de la pierre différente du reste, le
linteau porte en creux une croix antique à peine visible. Le seuil est enfoui
sous le remblai mais les pieds-droits conservent intacts les mortaises et les
plis des charnières. La porte est surmontée d’un tympan en arc légèrement brisé
et évidé. Les assises de l’arc, trois par trois, reliées par une clef, reposent
directement et d’une façon lâche sur les extrémités du linteau. La partie
intérieure de l’entrée trace, à son sommet, un arc surbaissé, d’une très belle
facture, sans linteau. La poussée de l’arc retombe sur des consoles biseautées.
Le contraste entre les deux arcs dans une même oeuvre est déconcertant surtout
quand on constate que ce dernier type d’arc est unique dans tout l’ensemble
cultuel où seul l’arc brisé est employé. L’éclairage du sanctuaire devait être
assez pauvre puisque, outre la porte, il n’était assuré que par une baie assez
petite rectangulaire au-dedans comme au-dehors. La chapelle possède, en outre,
plusieurs baies d’aération dont l’une, sise au-dessus du portail, est surmontée
d’un linteau échancré (arcuated lintel). Les archères de Castel Rouge, entre
Safitha et Tortose, sont arcuées de la même façon. D’autres baies, aveugles et
placées haut ont dû, certainement, servir à recevoir les poutres de la
charpente utilisée lors de la construction de la toiture. Il reste à signaler
la présence de deux grandes niches, situées à hauteur d’homme dans les murs de
rive, non loin de l’abside et qui, sans doute, ont dû servir à quelque besoin
du culte. Celle qui est évidée dans le mur nord devait, probablement, recevoir
les livres, une fois la prière finie, tandis que celle du mur sud servait
peut-être à garder l’huile sainte, souvenir lointain de l’huile sanctifiée par
les os des martyrs. La pratique est toujours en usage en Orient. On peut, par
ailleurs, relever des traces de cet emploi malgré le délavement causé par les
intempéries. La niche est présentement noircie par la fumée des cierges allumés
en l’honneur des saints patrons. Disons, enfin, que la porte qui fait
communiquer les deux chapelles, située dans la travée ouest presque symétrique
au portail d’entrée, est une percée de 0,70 mètres de largeur. L’état de
délabrement dans lequel se trouve cette partie de l’église ne nous laisse
deviner ni ses mesures, ni sa facture.
Ø
5- La Chapelle sud:
Plus délabrée et encombrée que la précédente, elle offre, elle aussi, un
plan tout à fait original soit par rapport à sa voisine, soit relativement aux
autres chapelles du pays. Une nef unique, elle se présente sous la forme d’un
vaisseau voûté en arc rampant avec arcades sur pilastre au centre de la salle.
Elle a une largeur presque égale à sa soeur (4,30m) avec une longueur
sensiblement inférieure à 8,50 mètres. La chapelle semble, en effet, écourtée
vers l’abside dont l’arc du cul-de-four dépasse à peine le niveau de l’arc
triomphal de la chapelle voisine. Le mur de la façade ouest, raccordé à celui
de la salle longue annexe, continue, du sud au nord, la façade de la chapelle
contiguë, alors que le mur de rive sud englobe dans un ensemble uni l’église et
la salle longue. Un mur mitoyen se dresse entre les chapelles: étroit vers
l’ouest (0,90 m) il s’élargit au niveau des absides (1,50m).
Une arcade en plein-cintre reposant sur piliers d’angle soutient, à
l’ouest, la terrasse de l’édifice. Un pilier cruciforme, plat et engagé,
reçoit, lui aussi, la retombée d’une double arcature qui se développe le long
du mur sud. Ces arcs en plein-cintre reposent sur des piliers d’angle
parfaitement semblables à ceux de la chapelle voisine. L’arc triomphal se
dégage, lui aussi, à partir des piliers d’angle. Le pilastre médian du mur sud
ainsi que le mur mitoyen n’offrent aucun élément qui puisse faire penser à une
croisée d’ogive.
Ceci nous induit à supposer que la chapelle était probablement voûtée en
demi- berceau ou tout au plus en demi-arête élevée dont le poids retombant au
sud sur les arcatures soutenues par le mur de rive, était contenu, au nord, par
la poussée de l’autre chapelle. Disons, tout de suite, que toutes les données
recueillies à propos du système de construction ne font aucun doute que
l’édifice, conçu comme un tout uni, laisse prévoir une église à deux nefs
plutôt que deux chapelles juxtaposées.
L’abside très évasée est raccordée à la nef par un arc surbaissé. Une
moulure, actuellement très bouleversée, devait se dérouler le long de
l’imposte. Des baies multiples sont encore visibles mais elles sont, toutes,
bouchées. Les unes devaient servir à l’aération, les autres à contenir les
lampes à huile. L’une de ces baies, aujourd’hui aveugle, est placée dans ce qui
reste du mur est de l’abside au dessus de la mouluration.
Il reste à étudier les structures et la fonction de deux grandes baies qui
perforent le mur de la façade ouest de cette chapelle.
La première semble une porte qui établit la communication entre la chapelle
et l’intérieur de la salle longue annexe. Ce passage n’a que 0,60 mètres de
largeur. La hauteur est actuellement impossible à réaliser vu l’amas de débris
qui jonchent le sol. Tout laisse, cependant, supposer qu’il devait être assez
bas. De forme rectangulaire, les côtés ne conservent aucune trace de charnière
ou de mortaise ce qui fait supposer qu’il n’était pas destiné à être fermé. A
quoi ce passage pouvait- il servir? Etait-il destiné à tenir la fonction de
”regard” donnant sur les Saintes-Espèces, fait dont les anachorètes syriaques
en avaient l’habitude dans leur retraite?
La seconde porte, aussi haute et large que la première est placée presque
au centre de la façade. Elle livre actuellement passage sur la terrasse de la
salle longue. La terre accumulée et les buissons qui encombrent cette partie de
l’édifice nous ont empêché de nous assurer de l’existence d’un escalier en
pierre. Ceci n’interdit point de supposer une fonction de passage à cette baie,
passage qui, le cas échéant, pouvait être desservi par une échelle mobile,
chose habituelle dans les églises maronites. La terrasse de la salle longue est
couverte, aujourd’hui, d’arbres et de buissons, comme par ailleurs les autres
parties des terrasses conservées, ceci risque fort d’abattre le monument.
Ø
6- Les annexes :
Le sanctuaire est implanté dans un ensemble dont la majeure partie des
bâtiments n’existe plus. Il reste, cependant quelques vestiges que nous allons
essayer de passer en revue, vu l’importance qu’ils pourraient avoir pour la
compréhension du site et de sa fonction.
Ø
7- La Salle longue :
Le long de la façade ouest du sanctuaire se développe, du sud au nord, une
salle dont le côté sud continue d’une façon unie le mur sud de l’église, mais
elle dépasse, au nord, la largeur des chapelles. Elle est formée d’un vaisseau
unique voûté en berceau légèrement brisé. La façade nord et une partie de la
salle sont effondrées. Mais, comme structure, ce qui en reste est suffisant
pour en restituer la forme première. Sa terrasse est beaucoup plus basse que
celle de l’église comme son sol l’est aussi par rapport à celui du sanctuaire
qui communique avec elle par un passage bas et étroit.
Un gros rocher-maître occupe l’angle sud-est, son sommet semble avoir été
aménagé pour la pose de quelque objet. La salle a une longueur de onze mètres
pour une largeur de trois sur trois mètres de hauteur. Ce qui reste des murs
est complètement aveugle. Comment était-elle éclairée? Outre le portail, elle
devait avoir quelque baie dans la façade nord. Un linteau encore intact jonche
le sol à quelques mètres au nord-ouest de l’édifice. Sur ce linteau sont
gravées en creux trois croix pattées du type syriaque commun[51].
Situées à distance égale l’une de l’autre, les croix occupent le centre et les
extrémités du monolithe qui, vraisemblablement, servait à couronner le portail
de la salle. Peut-on alors penser à une construction plus ancienne, dans le
cas, syriaque de la première période chrétienne?
L’appareil de la salle, moins régulier, moins soigné et plus grand que
celui du sanctuaire, la position de l’édifice par rapport à l’église,
l’orientation, en plus du linteau, font croire de prime abord à une chapelle
antique, une sorte de crypte par exemple.
D’autres données peuvent faire penser, par ailleurs, à une construction
postérieure. En effet, une niche évidée au milieu du mur est de la salle et
presque à ras de sol, montre les assises du parement extérieur de la façade
ouest des chapelles. Ceci implique que l’imposte de la voûte de la salle
longue, construite plus tard que la façade, ait été adossée directement sur
cette dernière. Le soin, par ailleurs, apporté à l’appareil de la façade, peut
être, lui aussi, une preuve évidente que l’église a été élevée avant la salle
longue.
Entre les deux possibilités, nous optons pour une troisième lecture:
l’ensemble cultuel de Mar Sarkis a été élevé d’emblée avec ses annexes pour les
raisons que nous allons exposer.
Le mur de rive sud des chapelles se développe horizontalement et
verticalement de façon à contenir l’église et la salle dans une même oeuvre qui
rend impossible toute distinction, séparation ou ajout dans la texture égale de
la construction. Le même soin dans l’appareil et la même taille s’observent
dans l’appareil du mur ouest de la salle.
Dans le passage de communication entre la chapelle sud et la salle, le mur
de l’ouverture est unifié les murs de la
chapelle et de la salle, réunis constituent les parements d’un seul mur, même qu’une seule pierre traverse parfois le
mur de bout en bout. Le décalage dans le soin apporté à l’appareil est
explicable par la fonction des divers bâtiments et l’on comprend sans grande
difficulté, que l’on ait mieux soigné l’appareil de l’église que celui des
annexes. A quoi pouvait alors être destinée cette salle longue?
Nous pensons tout simplement à une salle d’hospice ou d’hôpital pour
pèlerins de passage du genre déjà mentionné par C. Enlart à Nephin. Nous
appuyons notre opinion sur deux faits importants: d’abord l’emplacement du
sanctuaire au sommet d’une montagne, passage obligatoire entre Arqa et le Crac
des Chevaliers à travers le haut Akkar. D’autre part, des auges sont évidées
dans le rocher ainsi que des citernes. L’eau, puisée aux citernes, coule à
travers des canalisations aménagées dans la paroi rocheuse avant de verser dans
les auges préparées à l’intention des passagers et de leurs montures.
Les habitants du centre devaient avoir leur demeure à l’est du sanctuaire.
Des vestiges de construction sont, en effet, toujours visibles dans le sol de
cette partie du site. Ils doivent, vraisemblablement, correspondre aux
infrastructures des salles dont parle le témoin oculaire du XIXs cité plus
haut. Deux entailles rondes et profondes sont repérables dans un rocher plat,
quelques mètres derrière l’abside de la chapelle nord. Ce sont des trous faits
pour recevoir des supports en bois.
Une muraille devait ceinturer l’ensemble. On en voit des vestiges sur la
plate bande qui précède le versant oriental de l’éperon: vingt mètres au
sud-ouest du sanctuaire, on voit toujours les restes d’un four à chaux dont on
s’est servi, probablement, pour les besoins de la construction. Disons, enfin
pour clôturer ce chapitre que l’édifice a dû subir des réfections postérieures.
On en voit des traces apparentes sur le mur ouest du sanctuaire.
A- Notre-Dame de Qammaa : |
A travers une longue vallée verdoyante, quatre kilomètres vous mènent du
centre-ville Cobiathin jusqu’au site de Notre-Dame de Qammaa. Le long du
torrent qui arrose de belles terres cultivables, plusieurs petites sources
jaillissent de la montagne et rafraîchissent l’ambiance étouffante de la saison
chaude. Le sanctuaire se dresse sur la plate bande d’un éperon, saillant entre
deux vallonnements. Une fois parvenu sur les lieux, le spectacle compense la
pénible escalade. Au fond de la vallée, le regard embrasse la ville de Cobiath.
Au sud-ouest et à moins d’un kilomètre s’éparpillent les maisons coquettes du
moderne quartier de Qatlabé. Seule l’épaisseur d’une chaîne montagneuse
orientée est- ouest sépare la vallée de Hilsban de celle de Qammaa dont un
embranchement porte le nom de Halboucé.
1- Le
site:
C’est un éperon aplani, flanqué de deux ouèds, au nord-est l’éperon semble
avoir été séparé de l’une de ses pointes par une profonde et large entaille. La
partie amputée forme un tertre petit et étroit qui garde encore des vestiges
d’anciennes constructions à gros appareil à peine dégrossi. Etait-ce un
avant-poste de garde qui contrôlait le ouèd à quelques dizaines de mètres plus
bas? Au sud-ouest, un autre ouèd, moins profond que le premier, trace une ligne
de démarcation naturelle entre le site et le terrain avoisinant. Toujours dans
le sens du sud-ouest, à 500 mètres environ des ruines, s’élève une petite
colline qui porte le nom évocateur de Tallet Ejjabbané (Tell du cimetière).
Connu sous ce nom depuis toujours, le tell renferme une série de tombes du type
hypogéal très commun dans le pays. Ces tombes reviennent tout naturellement au
site de Qammaa puisque aucune trace d’habitation ancienne n’a été répérée sur
le tell lui-même. Un petit bosquet de gros et vieux chênes verts ombrage, comme
d’habitude, l’ancien emplacement. L’eau potable est assurée par une petite
source qui coule, toute fraîche, à quelques deux cents mètres au sud des
ruines.
En fait de ruines, on n’en voyait, jusqu’à quelque temps, que la calotte
d’une voûte hémisphérique surchargée de tout le poids d’un gros chêne
séculaire. Une ferveur enthousiaste avait poussé les paysans à faire une petite
fouille. Celle-ci avait mis à jour l’abside encore intacte d’une antique
chapelle. On aménagea un escalier de fortune, on badigeonna le cul-de-four et
les pèlerins affluèrent de plus en plus nombreux. La guerre populaire, qui
affecta le Liban, créa un souffle de renouveau spirituel. Les gens du pays,
tout simplement croyants, comme leurs ancêtres maronites, firent appel aux
secours de Notre-Dame dans l’espoir d’une délivrance surnaturelle. Si “un grain
de foi est capable de transférer les montagnes”, la foi simple de ces braves
paysans réussit, en un tour de main, à déblayer des centaines de tonnes de
remblai. Pieusement, religieusement, sans grands moyens, la terre fut vidée et
les restes d’une église à deux nefs reprirent le chemin de la vie.
2- Le
Plan:
Le plan est fort simple. Apparemment, l’église est constituée de deux
chapelles juxtaposées. Chaque chapelle est formée d’un vaisseau unique de forme
rectangulaire raccordée à son abside par le ressaut de l’arc triomphal. La
chapelle sud, orientée comme sa voisine d’est en ouest, est légèrement plus
longue et plus large que celle du nord. Le rectangle de la nef mesure à
l’intérieur (9,50 x 3,45) alors que l’abside en cul-de-four, parfaitement
conservée, accuse un arc légèrement surhaussé. Cette abside devait être empâtée
dans un ouvrage carré qui constituait la façade est du rectangle formé par la
nef et l’abside. Il y a longtemps que cet ouvrage s’est écroulé laissant à nu
le parement intérieur de l’abside. Les restes de la maçonnerie sont toujours
repérables. La chapelle nord, formée, elle aussi, d’un seul vaisseau offre un
rectangle presque égal à celui de la chapelle sud pour une abside moins
développée. C’est, justement, ce décalage dans l’extension des absides qui crée
un écart apparent entre les deux chapelles. La nef est aussi raccordée à
l’abside par un seul ressaut. L’abside, formant au sol un cul-de-four à arc
surbaissé a perdu sa calotte mais le pied-droit sud de l’arc triomphal se
conserve jusqu’au point de départ de l’imposte révélant un tronçon de
mouluration romane assez grossière qui devait courir à la base de la calotte
ainsi qu’elle se présente dans l’abside de la chapelle sud. Un ouvrage carré
devait aussi fermer à l’est cette chapelle nord car on peut en distinguer les
vestiges parmi les débris qui encombrent encore le terrain. Aucun élément de
décor original ne caractérise cette petite église. L’éclairage devait être
réalisé par la porte unique de la chapelle sud qui s’ouvre dans la façade ouest
et par quelques petites baies aujourd’hui bouchées par la terre de remblai. La
construction des murs conservés, au sud, jusqu’à la hauteur approximative de
deux mètres, et, au nord et à l’ouest, jusqu’à un mètre environ, n’a pas dû
donner du fil à retordre aux constructeurs qui se sont contentés d’appuyer les
parois des nouveaux murs de rive nord et ouest aux structures épaisses d’une construction
plus ancienne. Ainsi le parement intérieur des chapelles a été adossé, sans
autre moyen, au parement intérieur de l’ancien édifice. De la sorte, l’église
semble parfaitement encastrée dans l’antique monument dont les murs épaissis et
rendus solides par l’emploi d’un appareil assez grand (0,95 x 0,75 en moyenne)
ont procuré la stabilité nécessaire pour contenir la poussée des voûtes. Les
chapelles devaient être voûtées en berceau. Le mur de rive sud de la chapelle
méridionale conserve encore les premières assises de l’imposte effondrée. Les
angles des chapelles ainsi que leurs murs latéraux ne présentent aucune trace
de piliers ou pilastres qui fassent supposer une toiture en voûte d’arête. La
voûte devait, à son tour, être surmontée d’une terrasse en terre battue
pareille à celle des autres monuments du pays. Plusieurs niches et baies de
grandeur différente et qui pouvait servir soit aux besoins du culte soit à
l’aération, sont percées à travers les murs et les parements des absides.
Il nous reste à étudier deux faits qui, certainement, peuvent être
révélateurs. La première traite du problème de l’antique construction, quand au
second, il concerne la destination des chapelles.
3-
Problématique de l’église:
S’agit-il d’une église à deux nefs ou bien de deux chapelles juxtaposées? A
chaque nouvelle étape de notre étude, devant chaque monument étudié nous nous
sommes posé la question, la réponse surgissait spontanée: il faut, avant tout,
faire la connaissance du peuple propriétaire de ces édifices et étudier ses
programmes cultuels, avant de répondre à toutes ces questions.
Faute d’être au courant de leur passé nous essayerons de les déchiffrer à
la lumière des données que nous possédons. Ailleurs, certains centres cultuels
donnaient, selon toute probabilité, la réalité de deux chapelles juxtaposées,
comme à Saint Georges et à Notre-Dame de Ghozrata. Mais la découverte de Mar
Sarkis et l’encastrement de ses chapelles dans un même édifice commencèrent par
mettre dans notre esprit un doute qui va s’accroître au fur et à mesure que
nous étudierons les autres monuments du pays.
Nous avons déjà signalé que les deux chapelles de Notre-Dame de Qammaa se
trouvaient incluses dans une même enceinte, trois de leurs façades, ouest, nord
et est sont raccordées aux murs de l’enceinte antique par un simple parement.
Nous ne saurions nous prononcer sur la quatrième façade, celle du sud,
puisqu’elle est couverte par le terrain adjacent jusqu’au niveau de l’imposte.
Il nous reste, pourtant, à analyser les structures du mur mitoyen qui semble
fort problématique. En effet un même mur, fait de deux parements garnis de
bourre composée de pierres sèches noyées dans un mortier uniment préparé
raccorde les deux chapelles de façon que les impostes des voûtes relatives
prolongent verticalement les parements du mur dont les dernières assises
constituent une sorte de lit de pose pour les berceaux des voûtes qui semblent
monter en s’appuyant l’une sur l’autre. Ce mur mitoyen ne sépare qu’en partie
les deux chapelles. L’autre partie était faite d’un grand arc emmuré qui
paraissait un simple arc de décharge en berceau élargi. Un passage de 0,90
mètres de largeur percé au centre de l’arcature établissait la communication
entre les deux vaisseaux. Ce passage ne montrant, cependant, aucune trace de
charnière ou de mortaise, ne semblait pas avoir été fermé et paraissait par
conséquent d’une facture plus récente. L’arc, lui-même, enfonçant ses
extrémités dans le sol et placé trop bas pour être un arc de décharge, fut
dépouillé de tout ce qui semblait un ajout postérieur et une arcade de belle
contenance s’ensuivit étendant jusqu’à plus de deux mètres de largeur la
communication entre les chapelles. Avait-on raison d’évider l’arcature? Les
paysans ont agi poussés simplement par leur bon sens naturel. Ils ont,
peut-être, raison, puisque le muret de clôture, une fois abattu, n’a pas laissé
de traces de fondation. Le cas échéant, il serait impossible de concevoir deux
chapelles juxtaposées et le plan d’une église à deux nefs, serait beaucoup plus
logique.
4- Le
passé de Qammaa:
A partir des données recueillies sur le site, peut-on rêver loin sur le
passé de Qammaa?
Essayons de présenter une lecture plausible. D’abord le nom: d’origine
araméenne, Qmaà signifie - lieu de la
magie d’où Qmao = magicien.
Le nom, ainsi interprété, sent, de loin, le paganisme du peuple qui
habitait la région, et ceci ferait remonter les origines du site, pour le
moins, à la période pré-chrétienne de la région. Déjà le type hypogéal de la
nécropole placée sur le tell voisin et communément appelé “qoubour El-Yahoud”
pourrait constituer un témoin indéniable en faveur de l’ancienneté du site
étant donné que ce genre de sépulture doit être placé avant le quatrième siècle
au dire de P. Testini.
D’autre part, l’appareil et la texture du mur d’enceinte, outre les
bâtiments annexes situés au sud de l’église et dont on voit de temps en temps
quelques assises saillantes du sol remblayé, font remonter l’ensemble dont ils
dépendent, au cinquième, ou tout au plus, au sixième siècle. Ceci ouvre
largement le chemin au souvenir d’un ancien couvent syriaque de la première
période maronite dans le pays, du type déjà vu à saint Georges de Chouita.
Disons, enfin, que si les vestiges en maçonnerie ne remontent pas plus loin que
le cinquième siècle ceci n’interdit pas de penser sérieusement à un temple de
la période greco-romaine, vu le type hypogeal déjà mentionne et les tessons de
poterie qui emplissent littéralement le terrain environnant.[52]
De Notre-Dame de Qammaa jusqu’à Chambouq, trois kilomètres de montée
harassante, relaxée à peine par la fraîcheur de l’air montagnard et les belles
cultures échelonnées le long des côteaux: Chambouq, communément appelé El Jord
(la montagne) est aux environs de mille mètres d’altitude, il constitue la
dernière rampe sur le versant oriental de la chaîne du Liban. Il forme, à
travers le Liban, le passage le plus facile entre la Syrie intérieure et la
côte libanaise. Rappelons, à ce propos que c’est par là que passèrent les
armées babylonniènnes, dans leur marche sur Jérusalem. Plus haut, la montagne
se dresse à pic, rendant impossible toute velléité de traverser Qammouaa,
surtout durant les six mois d’hiver où la neige, à deux mille mètres, aplanit
tout relief. Chambouq n’est pas un haut plateau comme Chouita et la montagne
s’élargit à peine pour livrer passage à une route nationale. Ses versants
descendent abrupts vers des vallées profondes. Du sud au nord, il est contourné
par un étroit vallonnement qui va rejoindre à la lisière du Akroum le ouadi Oudîn,
tandis que, au nord-ouest, sa longue pente se déroule jusqu’à Cobiath, à
travers Qammaa et Morghane. Arrivé au bout de l’escalade, on s’arrête sur la
rampe d’une église moderne, c’est Notre-Dame de Chambouq. Brûlée durant les
événements de 1975, l’église vient d’être remise à neuf. Elle n’a pas été
construite sur le site de l’ancien Deir dont nous allons retrouver les ruines,
quelques centaines de mètres plus loin. Dans un angle de l’esplanade qui
précède l’église une pierre attire notre attention: une belle tête d’ange aux
traits arrondis et aux cheveux bouclés, taillée en relief, s’apparente selon
toute probabilité à l’art syrien du cinquième sixième siècle communément appelé
”art byzantin”. Un paysan nous a dit que sa charrue avait buté contre la pierre
dans le terrain adjacent au vieux sanctuaire.
1- Le nom:
Dans le papier précité, le savant Monseigneur Zraïbi traduit à partir du
syriaque le mot ”’nein” par istijabât dans le sens de réponse à un appel, un
”donner suite à un appel”, grosso modo: ”N.D. des dons”. Ce vocable de la Ste.
Vierge est déjà connu. Dans la même perspective de répondre à l’appel des
fidèles, nous avons pensé à un autre vocable usuel à la Ste. Vierge = “N.D. du
secours”, tous deux, nous avons traduit à partir du verbe, alors qu’en syriaque
il y a le substantif, ’Nino qui signifie AI’ Inan, AI Ghaïm: le nuage . Serait-
ce le cas d’avoir une Saïdet el Ghaïm ou bien El Ghaïs (nuage pluie)[53].
Ce titre de la Ste Vierge, ne serait pas déplacé dans une société paysanne, un
monde agricole où la pluie est primordiale. Tout le monde se rappelle les
pélérinages faits en masse par les Cobiathins jusqu’à Mar Gerges Chouita alors
que les pluies d’avril se faisaient rares et que les jeunes plants de blé
risquaient la sécheresse.
2- Le
site:
Placé à mi-côté sur le versant sud de Chambouq, à deux cents mètres environ,
de la nouvelle église, le monument, presque enterré dans le sol, gît,
abandonné, sous la pierraille informe.
Nous ne pûmes le retrouver que grâce à la bienveillance d’un jeune pâtre
musulman, à qui nous devons une belle légende mais combien significative, relative
à Deir ” Nein”.[54]
Un peu plus bas, il y a un ouèd
sur lequel se dressent des falaises rocheuses énormes. A moins de cinq cents
mètres dans le sens du sud-ouest se trouvent les ruines du ”Qassre”. Non loin
de ces ruines, une grande source ”Ain el Borghol” surgit du flanc de la
montagne qui l’ombrage de sa belle couronne de Chouhs (Abes Libanotica) et de
Cèdres séculaires.
3- Plan de
l’église:
L’église est parfaitement orientée. On y pénètre par une seule porte percée
dans la façade ouest, l’ancien bénitier y est toujours mais déraciné et jeté
dans les décombres. Les murs sont conservés jusqu’au cintre des voûtes, mais
l’ensemble est totalement enfoncé dans le sol comme si l’église voulait
absolument se dérober aux regards indiscrets. Le plan, bien dessiné, ressemble,
point par point, à celui de N.D.de Qamma’a avec beaucoup de ressemblance avec
Mar Sarkis. La porte d’entrée, entrée unique, perce la façade ouest et donne
directement sur la chapelle sud alors qu’à Mar Sarkis, placée dans le mur nord,
elle donne sur la chapelle relative. Disons enfin que le plan est celui d’une
église à deux nefs~ extérieurement, il forme un rectangle légèrement écourté à
l’angle sud-est par le demi-cercle de l’abside. A l’intérieur, le rectangle est
divisé en deux moitiés presque égales par un mur mitoyen évidé, en partie, vers
son extrémité ouest en une arcade qui ouvre un large passage entre les deux
chapelles.
4- La nef
nord:
Le plan de cette nef est semblable à celui de la chapelle nord de Mar
Sarkis. Orientée d’ouest en est, la nef est formée d’un vaisseau unique à deux
travées terminé par une abside hémisphérique encastrée dans un chevet droit. Le
mur nord se prolonge horizontalement de façon à englober, dans un rectangle
uni, nef et abside. Cette nef semble avoir eu droit à un soin tout à fait
particulier de la part des constructeurs.
A l’intérieur, les axes directeurs mesurent (9,60 m) de longueur abside
comprise et (3,10 m) de largeur. Vaisseau rectangulaire divisé en deux travées
de plan carré, le dessin de la nef permettrait de restituer, sans doute, une
toiture en voûte d’arête soutenue par des piliers engagés. Ceux-ci ont reçu un
soin particulier. Faits en pierres du type dit ”Malaké”, ils ont une taille
soignée et un galbe assez délicat malgré leur puissante carrure. Les pierres,
comme celles de Mar Sarkis, présentent, des stries parallèles disposées
obliquement par rapport au lit de pose, ce qui indique qu’elles ont été faites
au moyen du taillant droit à dents. Un étroit listel légèrement saillant
couronne l’entablement des pilastres, mettant en retrait l’imposte de la voûte.
Les murs devaient être couverts d’un enduit de mortier fait de sable local, de
poterie finement triturée, de chaux et de cendre dont on peut remarquer les
résidus nombreux du charbon.
Aux angles, les piliers sont moins bien soignés. Leur disposition est aussi
différente: ils sont à saillant triangulaire alors que les pilastres médians
sont cruciformes et plats.
Alors que l’arcade médiane de Notre-Dame de Qammaa enfonçait ses bouts dans
les murs de fondation, à Deir « ’Nein » l’arcature repose sur des
piliers. L’un est adossé au parement intérieur de la façade ouest, alors que
l’autre ferme le mur mitoyen à l’angle du carré de la première travée. L’entablement de ces piliers est préparé de
façon à recevoir la retombée de l’arcade, les arceaux de la voûte et l’arc qui
décharge le mur ouest. Le carré de la seconde travée est moins régulier que
celui de la première. Le côté sud étant, en effet, plus court que celui du
nord, le vaisseau semble s’infléchir vers la droite.
L’abside dessine un arc outre-passé. Elle est raccordée à la nef par un
double ressaut et l’arc triomphal, reposant directement sur l’entablement des
pilastres des angles devait former une sorte d’arc doubleau entre la calotte de
l’abside et les arêtes de la nef.
5- La nef
sud:
On y entre directement par la porte de la façade ouest. Cette chapelle est
légèrement plus large(3,28) mais aussi longue que la première (9,60) abside
comprise. L’effondrement du toit a tellement remblayé le sol qu’il est presque
impossible d’analyser les éléments de l’architecture. D’après les données
présentes, cette nef, formée d’un vaisseau unique devait être couverte d’une voûte
en berceau brisé dont la partie sud de l’imposte reposait directement sur le
mur méridional doté d’une épaisseur de (1,50 mètres), fait unique parmi les
murs de l’église qui ne dépassent pas le mètre en général, épaisseur donc
sensée contenir la poussée de la voûte alors que celle-ci s’appuyait doucement
sur l’entablement du mur mitoyen, soutenue par le cintre de la voûte adjacente.
Le demi-cercle de l’abside continue le rectangle de la nef sans aucun trait de
raccord aussi se révèle-t-elle plus longue que sa voisine du nord.
6- Le
décor:
Aucun élément de décor ne semble caractériser l’église. Plusieurs niches
aussi bien que des baies, visibles surtout dans la nef nord, sont ouvertes dans
les murs. Les baies sont en majorité aveugles et devaient plutôt servir à
recevoir les objets de culte.
Dans l’état actuel des ruines, nous ne saurions pas expliquer les moyens
d’éclairage si ce n’est par la porte qui, à elle seule, rendrait l’église trop
obscure. En d’autres circonstances, nous pourrions, peut-être, envisager deux
solutions” soit que la façade ouest fut dotée de baies d’éclairage, soit que
les murs de rive, aujourd’hui ensevelis sous les débris accumulés par
l’effondrement de la terrasse et le glissement du terrain environnant, fussent
jadis dégagés, au moins en partie. Le cas échéant, quelques-unes des baies,
actuellement oblitérées, auraient projeté une lumière, même tamisée, à
l’intérieur du sanctuaire.
Des ouvertures étroites sont
visibles sur les parois intérieures des murs latéraux, ce sont les entraits
laissés par la charpente employée à l’exécution des voûtes. Ces entailles de
0,30 mètres de côté, aujourd’hui presque remblayées par l’écroulement de
l’église, percent les murs à la naissance des voûtes, tous les deux mètres,
environ. Ce genre d’appui encastré se remarque aussi fréquemment dans les
autres ouvrages de l’époque franque, surtout dans les constructions militaires,
où ils sont restés apparents et sans aucune utilité. La mouluration qui court à
la hauteur de la naissance de la voûte de l’abside est du type courant dans les
autres monuments du pays.
Notons, au passage, la découverte d’un petit bénitier en pierre à grain
rougeâtre, un genre de granit local d’une facture assez propre, perdu dans
l’amas de pierraille, à l’intérieur de l’église. Il a été arraché de sa place
vide dans le pilier adjacent à la porte d’entrée.
Signalons, enfin, la présence de structures anciennes éparpillées dans les
champs aux environs du sanctuaire, sont-ce les maisons d’un hameau perdu ou
bien les annexes traditionnelles de L’église?
Le Qassre : |
Au sud-ouest et à moins de cinq cents mètres du sanctuaire de Deir Nein, il
y a une ruine fort antique mais d’apparence insignifiante, cette ruine porte le
nom pompeux de El Qassre. Or le mot arabe peut avoir le sens de palais ou de
château et nous doutons fort qu’il en fût ainsi , il peut avoir aussi la valeur
du mot latin ”Castrum” ou lieu fortifié, chose beaucoup plus raisonnable dans
le cas de cette ruine. Nous pensons qu’il s’agit d’une simple tour de garde, une
sorte de poste -vigie avancé sur ce passage discret des invasions. Les
Byzantins, et, à leur suite les Croisés, en établirent plusieurs dans les
points névralgiques sur les frontières de leurs territoires face aux musulmans
toujours aux aguets.
Le Qassre est un ouvrage presque carré doublé d’un mur d’enceinte, toujours
visible à ses côtés sud et est. A l’ouest, ce qui reste du mur, mesure (7,20
mètres) de longueur pour (1,50 mètre) d’épaisseur. Les côtés nord et sud ont
une longueur de (7,60 mètres) pour (1,10 mètre) d’épaisseur, alors que le mur
est, pour une longueur de (7,20 mètres) accuse une épaisseur de (0,90 mètre). A
l’angle sud-ouest, le mur septentrional se prolonge vers le sud, puis
contournant le carré se dirige vers l’est pour y rejoindre le mur d’enceinte.
L’espace ainsi créé entre les deux murs méridionaux est de (3,30 mètres) de
largeur. La partie orientale de l’enceinte épaisse de (0,90 mètre) se dresse à
(2,70 mètres) du carré. On pénètre à l’intérieur de l’enceinte par une porte
placée à l’angle sud-est. De là, on peut se diriger, soit vers le nord, soit
vers l’ouest. Deux larges portes donnent accès à l’intérieur de la salle. La
porte sud, presque remblayée, se laisse à peine deviner sur le sol encombré.
Celle de l’est, cependant, mieux conservée, s’élève encore de (1,50 mètre) du
sol pour une largeur de deux mètres. Elle devait être normalement fermée
puisque les charnières, de gros monolithes, gardent encore le souvenir des
gonds et des mortaises.
La tour ainsi dessinée devait avoir un aspect assez solide car ses murs ont
employé un appareil bien gros. Les pierres mesurent en moyenne (1,30 x 0,50 x
0,35). Ils comprennent dans leur épaisseur deux parements reliés par un
bourrage épais. L’intérieur du carré pouvait-il avoir une séparation quelconque?
Tout le laisse penser, mais le remblai qui encombre le sol ne nous permit point
de nous en assurer.
De Andqit, grosse bourgade au nord-est de la ville de Cobiath, on remonte
vers le sud-est, à travers la vallée de Oudîn. Il faut aller, doucement on
risque de troubler le silence du temple: Annat est en train de se relaxer dans
ses quartiers d’été, après les durs labeurs qu’elle vient de se donner pour
sauver son beau Dammouz. Vallée sainte, plus on y avance, plus on se sent pénétré
d’un calme impressionnant, le calme mystérieux du sacré qui vous enveloppe de
toute part. Le sol que l’on foule est sanctifié, il est pétri de sueur et de
sang: les premiers saints du Liban y ont laissé leurs traces indélébiles. La
forêt pleure encore l’encens qui, jadis, jour et nuit, inondait la vallée. Les
lieux conservent encore les noms des saints, leurs patrons. Que signifie, au
juste, Oudîn? Est-ce un nom d’emprunt apporté par les émigrés d’el Aouassem
comme le laisse entendre le P. Lammens? Ou bien le pluriel syriaque de oudo
dans le sens de ”bois sacré”. Le p. Lammens parle du vocable comme un nom de
monastère, ici, Il s’agit d’une region boisée, d’une forêt à laquelle sied
mieux l’application du terme. Les cimes et les côteaux aux arbres de sapin
ombragent les journées chaudes, et, les sources, nombreuses dans la vallée,
rafraîchissent le passant et bercent, de leur cantilène, ses rêveries sur les
routes du passé. L’odeur du muguet, qui imprègne l’atmosphère d’aujourd’hui,
serait-elle une heureuse effluve de la cueillette qu’en faisaient jadis “les
druides araméens” dans le bois sacré de Oudîn? Plaçant le romantisme de côté,
le fait peut être vrai vu que le phénomène des champs des ”pierres dressées”
est toujours constatable dans les environs immédiats de Andqit. Une route,
récemment asphaltée, dessert la vallée de Oudîn. A un kilomètre, environ, des
dernières maisons du village, un bosquet de chênes verts séculaires attire
l’attention, à droite de la route. Une enceinte, en béton, enserre, derrière
ses murs, la propriété de Mar Saba. Pourquoi cette tache obscure parmi les
terrains cultivés? En menant votre enquête, vous verrez des bosquets pareils un
peu partout. Sans vous informer auprès des indigènes, sachez que ces futaies
épaisses et vétustes ombragent une ruine sacrée: c’est le wéli. C’est aussi le
waqf (propriété sacrée), interdiction absolue d’y toucher.
A- Mar Saba |
Situé sur une rampe à flanc de montagne l’emplacement regarde, en face,
Andqit, et, à l’horizon, le Crac des Chevaliers. A gauche s’étale la ville de
Cobiath tandis que, à droite, le Ouadi Oudîn se dirige en s’élargissant vers la
Boqeiaa. Derrière, juste à quelques pas, se dresse la montagne où des rochers
blanchâtres pointent sauvages parmi les buissons et les jeunes plants de sapin,
cachant aux regards indiscrets beaucoup d’éléments appartenant au domaine
sacré.
- L’église :
Les ruines étant parsemées de vieux troncs de chênes verts, le terrain fut
déblayé, l’été dernier, par les gens du pays. Qu’en reste-t-il au juste? La station
devait être assez vaste et les vestiges indiquent l’existence d’un ensemble
cultuel. Les fondations qui affleurent sont très difficiles à reconstituer. Une
seule constatation est possible: il devait s’agir de la présence de deux
chapelles contigües ou bien d’une église à deux nefs. Les chapelles, allongées,
d’est en ouest, donc parfaitement orientée, étaient engagées, à l’est, dans un
seul mur qui donnait à l’ensemble une façade unique et les faisait apparaître,
de loin, comme une bâtisse compacte. Le mur est d’une épaisseur variable. Il
comprend parfois un triple parement. Le parement extérieur est fait de gros
blocs taillés régulièrement. La face de la pierre est tellement rongée par les
facteurs naturels qu’il s’avère impossible d’en tirer des conclusions
satisfaisantes. Doit-on penser à un vestige de temple romain ou bien à
l’appareil d’un ancien lieu de culte de la période paléochrétienne? Nous
penchons pour la seconde proposition vu la similitude de la taille et de la
grandeur de la pierre avec d’autres murs constatés dans d’autres centres,
notamment à Qammaa et à Kfarnoun. Les absides des chapelles ayant été adossées
au côté est de l’ancien édifice, le parement intérieur de l’ancien mur
constitue le fond de l’hémicycle des absides alors que les recoins, formés par
le mur mitoyen et les flancs nord-est et sud-est des chapelles, ont été
rembourrés.
L’ancien mur, se dirigeant du sud au nord, son angle sud-est, est toujours
visible, alors que les fondations de l’antique édifice dépassent de beaucoup la
largeur des chapelles avant de disparaître dans le sol sans laisser de traces
visibles. De là on peut conclure que les chapelles ont été littéralement
encastrées dans l’antique monument.
Dans l’abside de la chapelle sud, on voit encore, dressée sur un tronc, à
la place de l’ancien autel, une énorme table de pierre. Une entaille fort
légère y forme un cercle englobant la presque totalité de l’espace plat avec un
déversoir latéral et un petit trou creusé au centre du cercle. Est-ce une
antique table de sacrifice? Ou bien la couverture d’une tombe mégalithique
quelconque? Ou mieux, comme nous le pensons, la maie d’un pressoir à olives?
Nous en avons vu une, semblable, échouée au sein de l’une des tombes
mégalithiques de Menjez; une autre réemployée comme pied-droit de porte, dans
une vieille maison, au village de Ozeir, face au Felicium, sur l’autre rive de
Nahr-el Kébir, comme nous avons eu la chance d’en photographier une au village
de Fsaqine. Les premières assises du mur sud de la chapelle méridionale sont encore
visibles. Le reste des structures inférieures est complètement enterré. Il est
impossible de dresser un plan exact du monument puisque, comme nous le disions
plus haut, une bonne partie des fondements n’est plus visible. Les deux
chapelles ne devaient pas être en retrait l’une par rapport à l’autre, comme à
Saint Georges et Daniel à Chouita ou bien Notre-Dame de Ghozrata, mais toutes
deux encastrées dans une même enceinte comme à Notre- Dame de Qammaa.
Aux alentours de l’église, on peut remarquer des vestiges de fondations
trop bouleversées et l’on ne saurait deviner leur destination première dans
l’état actuel du site. La pierre de la construction a été, sans doute, extraite
sur les lieux-mêmes, car on voit toujours les vestiges d’une vieille carrière à
quelques mètres au sud du monument. Rappelons que Mar Saba devait être un
”Deir”, lui-aussi. Preuve en sont les vestiges de la tour de garde qu’on peut
toujours observer à l’angle sud du terrain.
Nous marchons vers le sud-est, la route longe le flanc droit de Oudîn. Plus
nous avançons, plus la vallée, étroite au début, s’élargit d’une façon sensible
de manière à prendre la forme d’une ovale. Deux kilomètres, à peine, séparent
Mar Saba de Mar Elias. Un gros platane ombrage ”Ain el Qabou”. Deux cents
mètres à l’est de la source se dresse une chapelle assez coquette avec son
clocher au pur style maronite. La construction est récente et elle ne garde
aucune parenté avec le monument antique dont elle conserve le nom.
La nouvelle chapelle vient d’être bâtie sur l’emplacement d’un monastère
maronite tombé en ruines.
Les moines maronites avaient, à leur tour, élevé leur résidence sur le site
de l’ancienne bicoque datant de la période franque. C’était vers le milieu du
XIX siècle, période qui connut une floraison monacale dans le pays. Les Carmes
déchaux exhumaient Mar Doumith de ses cendres à Cobiath, les Jésuites
relevaient les murs de Notre-Dame du fort au Felicium, et plus tard la maison
st. Joseph à Andqit alors que les moines maronites libanais installaient deux
communautés dans la région, l’une toujours active à Deir-Jannine et l’autre,
éteinte il y a quelques décades, à Mar Elias Oudîn. Qu’est-ce qu’il reste de
l’institution médiévale? Apparemment, plus rien. Des fouilles révéleraient,
peut-être, quelques restes de fondation. Nous croyons, pourtant, avoir retrouvé
des pierres de l’ancienne époque remployées dans la construction moderne. Le
site surplombe une falaise rocheuse assez élevée. La falaise est percée de
plusieurs hypogées comme il en existe d’autres, au pied de la montagne, sur la
rive orientale du torrent qui coule au bas de l’éperon. Nous traversons le
Ouadi pour rebrousser chemin sur la rive gauche du Ouèd. Un kilomètre et demi
plus bas, le flanc de la montagne, celle du Akroum, s’infléchit et l’espace
prend de la largeur: Les champs sont vastes, à leur extrémité nord, presque au
niveau de Mar Saba, apparaît une autre tache obscure. De gros vieux chênes
verts ombragent les vestiges de Mar Elian.
C- Mar Elian |
La vue du site à partir du haut-plateau de Mar Saba n’est pas
impressionnante. Le sanctuaire semble enfoui au creux de la vallée et l’on se
demande pourquoi a-t- on choisi cet emplacement relativement désavantageux. Les
vieux sanctuaires qui ont remplacé les anciens lieux de culte phéniciens ou
cananéens dominent généralement les croupes des collines et les crêtes des
montagnes. Il ne s’agit pas d’une coïncidence de hasard mais plutôt d’un choix
réglé par les croyances et la tradition. Dans le Cobiath, les anciennes
chapelles ne font pas exception à cette règle. Quand l’une d’elles se trouve
dans une vallée, c’est qu’au sein de cette même vallée, elle s’élève sur un
mamelon ou bien, un éperon quelconque.
A Mar Elian, la vallée est large et le monument domine au pied du versant ouest
du Jabal Akroum, la croupe d’un éperon.
Cent mètres environ, au sud du sanctuaire, on remarque des vestiges
parsemant le sol aux alentours d’un vieux chêne solitaire. La lecture de ces
vestiges n’est pas tellement aisée, vu leur état de bouleversement : ce
sont les ruines d’une chapelle antique dédiée à la Sainte Vierge. Au sud des
ruines, nous pensons avoir discerné les restes d’une ancienne installation
agricole, en particulier les fondations d’une huilerie antique. Un énorme fût
d’ancrage se dresse, solitaire, dans le champ voisin. Un moulin à main, une
sorte de grosse ”jarouchée” à olives, gît encore à l’ombre du chêne.
- Le Sanctuaire:
Formé de deux chapelles ou mieux de deux nefs, le sanctuaire est totalement
encastré dans un ensemble cultuel plus ancien. Les chapelles ont, à peu près,
les mêmes mesures: celle du sud est légèrement plus courte, elle paraît même
dans son état de ruine actuel comme étant la chapelle principale. Celle du
nord, un peu plus longue, est moins large que sa soeur. Une porte médiane
faisait la jonction entre les deux vaisseaux.
[1] Père Etienne Tohmé O.C.D.
[2] Deschamps, P. le Crac, p.116.
[3] Yacout,
Mojam, 4, p. 273.
[4] Dans la cour du temple de Menjez, appelé Maqam - er Rabb, il y avait deux
socles: l’un aujourd’hui disparu, devait porter la statue d’Athena, l’autre y
est toujours présent. Il porte, gravés, sur une face une roue à huit rais, et,
le nom de Némésis, en caractères grecs. Sur l’autre face, on lit le nom de
Kairos Kalos (Bonne Epoque). Le socle associait, sans doute, la vénération des
deux divinités. Peut-on, alors, conjecturer sur l’association de Némésis avec
la Tyché-Fortuna de Saïdé et Kairos Kalos, et de là aboutir à Némésis - Menjez
et Felicitas Temporum-Felicium? Dans ce cas le nom Felicium serait plus près
d’être la réminiscence de ces divinités grecques plutôt qu’un apport arabe.
(CFR. Le cite ...)
[5] CORNER,
Herman. Cité par Rey, E G dans Colonies
Franques p. 54.
[6] Rey,
E.G.o.c.L.c.
[7] L’église mise, récemment, en chantier est entrain d’être restaurée à la
Libanaise: la façade a perdu sa belle bigarrure, et les jolies fresques de
l’intérieur, datant de la fin du 19e siècle, viennent d’être gommées au
badigeon.
[8] “Tycheros”, déesse du bon destin, de la félicité.
[9] TCHALENKO G., Villages Antiques de la Syrie du Nord, p. 30,ss.
[10] DESCHAMPS, P. Le Crac des Chevaliers p.87.
[11] DUSSAUD, R. Topographie historique, p. 86
[12] DESCHAMPS, P. Le Crac des Chevaliers p. 95.
[13] A rapprocher des deux sacristies de la chapelle-donjon de Castel-Blanc à
Safitha. Cfr. à ce propos, ENLART, C. Architecture religieuse des Croisées v.
H.p. 110.
[14] IBN Djobair, Historiens Arabes des Croisades tome lll p.453.
[15] De VOGUE, cité par le père GOUDARD, dans la Ste. Vierge au Liban, p. 276.
[16] les coteaux de Nahr-el Kébir, surtout la région du Dreib, du Felicium et
de Tell-Kalakh, sont faits de bancs rocheux de la plus pure roche basaltique et
les tailleurs locaux de cette pierre, au témoignage des indigènes, sont les
meilleurs maîtres de Syrie (Cf. P. DESCHAMPS, le Crac).
[17] Voir
atlas
[18] Nephin ou Enfé, petite ville du littoral libanais situé à 15 km au sud de
Tripoli.
[19] La nef est actuellement formée d’une voûte d’arêtes avec une abside plate
ajoutée. Le tout a été fait, Il y a à peine quinze ans (témoignage Local).
[20] Les choses ont beaucoup évolué depuis notre première visite. Les pistes
d’alors, élargies et asphaltées forment aujourd’hui un beau ruban touristique.
L’eau, l’électricité, les communications: les signes de la civilisation y
pointent déjà...
[21] Dernièrement, je suis allé visiter les lieux - la source, la vasque, le
platane, le terrain, tout a été aplani par bulldozer et une villa moderne y a
poussé _ Seul le weli, solitaire, y veille...
[22] Gérondif de la racine, laisser une place vide, diviser, écarteler couper,
le nom signifierait, les séparés les isolés ceux de l’autre côté (Fraïha, les
noms p. 132) dans ce cas le village, face à Arwat (Aintinta) serait
parfaitement à sa place: ses habitants sont ceux de l’autre côté
[23] L’église Mar Mama à Eddé-Batroun (fin XIIe siècle), possède une série de
salles tout à fait semblables à celles de Fsaqine: ces salles servaient de
classes et de logement au clergé.
[24] TCHALENKO G. Villages antiques de la Syrie du nord, chap. VI.
[25] Cfr. à ce propos, le manuscrit précité: la partie la plus soignée du
sérail de Biré et qui, jusqu’à présent, suscite l’admiration, accuse nettement
son antique origine . Mgr Zraiby prétend que les Carmes ont remployé les
pierres du Qassre dans la construction de leur couvent à Cobiath. Le fait
paraît fort contestable et ceci pour deux raisons: d’abord, la personne
mentionnée dans le manuscrit précité -
P. Isus, ou Jesus Maria n’existe pas dans la nomenclature des
Missionaires Carmes au Liban, et, l’autre raison c’est que le “Iibro maestro”
de la station de Cobiath ne mentionne nullement des travaux exécutés en
1870. Aucun ouvrage d’importance n’a été
fait durant les décades 1860 - 1890.
[26] TESTINI P. Archeologia Christina, édipuglia, 2da édizione, Bari 1978, p.
83.
[27] TESTINI P.
Archeologia, p. 135.
[28] origine, p.134.
[29] Butler, Early churches,
p. 210 sg. : Daou B. v. 1. 410, VIII, 194 - 196
[30] Assemani; Biblioteca. Vl, p.507 texte latin.
[31] Cfr. Lammens, vestiges, v.II p. 44: Daou B. V i. P. 330
[32] D. Salloum a savemment développé le sujet, il serait utile de le lire O.C.
p. 77
[33] M. Kerd Ali, v. III,
p 97
[34] Salibi K. Tarikh, 18
[35] Aboulfaradj cité par Rey, colonies, p.358
[36] Lammens. les Nosaïris...
[37] SARKIS Hassan - Contribution p. 170.
[38] SARKIS Hassan - Contribution p. 178
[39] Le raisin a son propre pressoir... Ce pressoir se fait, le plus souvent,
dans les vignobles pour faciliter aux viticulteurs le transport de leurs
vendanges. Il y en à de ceux qui le font dans les villages si les vignobles
sont à proximité...
Les éléments constitutifs, les
plus importants, d’un pressoir sont: la place, le rouleau et la citerne. La
place est formée de trois aires contiguës séparées par des murets de 70 - 80 cm
de hauteur. Leur sol est, soit formé par la roche naturelle, soit couvert de
dalles ou bien d’une couche de chaux. On y étend le raisin, on répand dessus un
peu d’argile blanche, puis on le piétine jusqu’à répandre son jus par un
déversoir pratiqué sur le côté antérieur lequel s’abaisse jusqu’à une citerne
creusée devant...
On amasse le raisin concassé au centre de l’aire et... on le presse au moyen
d’un arbre enfoncé dans une entaille du mur postérieur. A l’autre bout de
l’arbre on suspend un grand rouleau de forme cylindrique” KHATER Lahd - Attaq.
vol I. p, 138 - 139.
[40] Nous doutons fort de l’existence de cette Crypte: la nature actuelle du
sol n’en donne aucune idée.
Tout
ce que nous décrivons du site appartient déjà au passé. De grands travaux
viennent d’être exécutés et le terrain, mises à part les chapelles, a perdu son
aspect premier.
[41] TESTINI P. Archéologia Cristiana, p. 187.
[42] SARKIS Hassan - Contribution p. 120
[43] ADDOUAIHI Est. Manarat Et Aqdas, p.103.
[44] Ce baldaquin en coupole, assez grand, réduit plus tard à sa plus petite
expression et sans aucune forme précise, fut placé à partir du XVIlls. au
dessus du tabernacle qui surmonte le deuxième degré de l’escalier posté à l’est
de la table d’autel.
[45] Les chapelles ont été refaites avec amour et presque sans défaut selon un
plan de restauration aussi parfait que possible par Tannous Cessine cobiathin
originaire de Mrahat.
[46] Les travaux de restauration en cours ont mis à découvert le goulot d’une
citerne antique en parfaite conservation, Elle occupe juste l’espace laissé
libre par le décalage extérieur des absides.
[47] Se reporter au manuscrit de Mgr Zraiby précité.
Note=
Mr Lockroy, l’un des collaborateurs d’Ernest Renan, (c.f. Mission, p. 117)
visite les lieux vers le milieu du 19ème. siècle et rapporte ses impressions:
”Cobbaïet est une espèce de centre pour ces cantons perdus. Près de Cobbaïet, à
Ellesbey, il reste deux murs d’une vaste construction antique. Les blocs sont
d’une grande dimension et ne portent pas de trace de ciment... je ne vis pas de
restes de colonnes: mais je remarquai une niche carrée. enclavée dans le mur,
comme celle de Kalaat Sarba et entourée d’une bordure dans le style grec
[48] Cfr. Sallourn. F.O.C. p. 72
[49] Le baptême du temple doit remonter à une période très ancienne. D’abord le
culte de Mar Challita n’est ni récent, ni insolite chez le peuple maronite
preuve en sont les multiples sites dédiés à ce saint à travers le Liban. Ces
dernières années, une pieuse dame s’est donné pour objectif de relever le
sanctuaire de Hilsban de ses cendres. Les deux pans de mur observés par
l’adjoint de Renan lors d’une course rapide” et”la niche carrée enclavée dans
le mur (Est) et entourée d’une bordure dans le style grec” sont encore ou ont
été refaits bravement quoique avec quelque petit changement par la dame précitée.
Il semble que Lockroy n’a pas eu l’occasion ou le loisir de fouiner un tout
petit peu dans les parages. Les circonstances ou la compagnie, ne lui ont pas
montré la grosse pierre. partie de la frise supérieure du temple. Cette frise
ressemble, avec ses rinceaux fleuris et ses oves, aux frises de Baalbec. Mais
le véritable mérite de la vénérable dame, à son insu-malgré les dégâts causés
au temple, - c’est non seulement d’avoir monté intelligemment au sein et à côté
du célèbre temple, un superbe ensemble socio-religieux, mais et surtout d’avoir
mis en lumière les fondations de l’église paléochrétienne. Le linteau a été
réemployé dans la nouvelle façade alors que le seuil conserve sa place dans le
nouvel édifice. Il y a à remarquer la nécropole, des tombes du type dit sub
divo” (voir Atlas).
[50] Monseigneur ZRAIBY Mikhaïl, Manuscrit.
[51] Les croix sont à peine visibles: elles ont été volontairement martelées,
le linteau intacte jonche toujours le sol devant la salle longue.
[52] L’église vient d’être refaite. Dérogeant à toute norme scientifique de
restauration la reconstruction a eu le mérite de mettre en lumière une pierre
réemployée dans le mur méridional de la chapelle sud . cette pierre porte en
creux une inscription grecque (à déchiffrer)
[53] N.D. de la pluie? Cette remarque est du R.P. Etienne Tohmé (O.C.D.). Se
rappeler, à ce propos, le nuage apparu à Saint Elie, sur le Mont Carmel. La
Tradition chrétienne à toujours vu dans ce nuage une préfiguration de la Sainte
Vierge. ”Elia prega... e la pioggia. ”Nubecula parva quasi vestigium hominis”
(111 Reg. XVIII)
[54] Le Weli est ancien, fort ancien, raconta le jeune pâtre. Dans le temps, bien
loin dans les temps, il y avait sur les lieux un petit hameau dont il ne reste
pas grand chose. A côté du weli vivait un curé, bien sage, avec sa famille
nombreuse, alors que ses cousins avaient construit leurs maisons sur le mamelon
d’en face, là où il y a le Qassre. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas neigé
et la vie devenait assez dure à cause de la sécheresse. Un soir, les nuages
s’amoncelèrent et le vent souffla annonçant une pluie imminente. Le sage curé,
devinant l’approche d’une tempête sans précédent, se porta chez ses cousins et
les pria de quitter les lieux. Ces derniers se refusèrent, prétextant qu’il n’y
avait pas à craindre d’une neige tant attendue. Le curé, de retour chez lui,
annonça son intention de s’en aller et demanda à ceux qui voulaient partir de
se préparer. Il se mit enfin à la tête de la petite troupe et descendit la
vallée vers Cobiath: Le brave curé avait deux pigeons, il plaça l’un d’eux sous
le boisseau alors que l’autre resta libre. Vers minuit la tempête fit rage et
continua de la sorte plusieurs jours de suite. En un moment d’accalmie, l’un
des paysans eut l’idée d’aller s’informer de son curé. Il eut beaucoup de peine
pour arriver à la maison dont il trouva les issues bloquées par l’épaisseur de
la neige, réunissant ses forces déjà, affaiblies, il parvint à dégager la
fenêtre, et se glissa à l’intérieur. La maison était vide mais son attention
fut attirée par le boisseau qu’il se hâta de relever. Un pigeon y était, mais
mort. Lui, qui connaissait bien les deux pigeons du curé comprit que l’autre
pigeon, resté libre, s’était envolé à temps. Il comprit alors la sage leçon du
curé mais c’était trop tard. La tempête ayant repris de plus belle coupa les
routes. Les paysans périrent ensevelis sous la neige alors que le curé et sa
suite, partis, se transférèrent à Dahr Safra, dans le voisinage de Tartous où
leurs petits fils vivent jusqu’à présent”.
Cobiath - Preface - Table des matieres - Intro - Partie 1 - Partie 2 - Partie 3 - Partie 4 - Biblio |
Contact: Webmaster Elie Abboud |