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Cobiath - Preface - Table des matieres - Intro - Partie 1 - Partie 2 - Partie 3 - Partie 4 - Biblio

TROISIEME PARTIE

Etude détaillée des chapelles

 

Chapitre I

Chapelles simples

 

La Rive de Nahr-el Kébir

 

I - Menjez

 

L’appellation se prête à diverses interprétations. Est-ce un terme arabe? Quel en est le sens? De provenance syriaque? Qu’est-ce qu’il peut signifier?

Certains ont voulu y voir le souvenir lointain de quelque famille franque (Monguise)...

Mr. Hassan Sarkis, dans sa “Contribution” a eu l’idée, quoique d’une façon évasive, de s’interroger si Menjez pouvait correspondre à la Maïza des textes assyriens. Si la proposition correspondait à la réalité, le site appelé “Al Mahallat”, aux confins occidentaux de Chouita, trouverait sa signification et l’énigme de l’antique et immense nécropole de Ghozrata serait dévoilée.

D’autres ont rapproché Menjez de Némésis, la déesse de Maqam - er Rabb, temple situé aux environs de Naba’ - Aj Jaalouk. La correspondance phonétique est fort acceptable[1].

 

Le Felicium

Ø  Le nom

“Ego, Raimundus, Comes Tripoli... dedi... et Felitum et Lacum “, corrigé dans la même charte de 1142 par “Felicium et Lacum”. Les deux châteaux et toutes leurs dépendances ont été acquis, moyennant mille besants, de Gilbert de Puy - Laurens[2].

Le Felicium, quel sens a-t-il? Le nom est-il latin? La langue classique possède l’adjectif felix; (heureux), il n’y a pas de felicium. Revient-il, alors, au bas latin, ou bien est-ce un nom propre antérieur adopté par les Francs?

Le Felicium a été reconnu dans les restes du château dit “Qala’at el Felis”. Dans ce cas, le Felicium (Folos, Felis) serait-il une rémanence grecque ou bien doit-on penser à un souvenir des Ituréens? Ceux-ci, arabes romanisés, ont dominé la région pendant deux siècles environ. D’ailleurs, El Fales dit Yacout[3] c’est le nom d’une divinité arabe de la période pré-islamique[4].

 

Ø  Le site

Trois Kilomètres de terrain plat séparent l’actuel villge de Menjez de l’éperon ensoleillé où se dressait jadis le môle imposant du Felicium: le château heureux.

En traversant la route poussiéreuse, voguant dans la plaine qui embrasse l’étendue du plateau, le regard rencontre de temps en temps, à gauche comme à droite, des amas de roches noires. Ce sont les débris des tombes mégalithiques fouillées par le père Maurice Tallon au début des années cinquante du 20es.

 

Dépouillées de leur tumulus, elles sont aujourd’hui abandonnées aux chasseurs d’hiver qui s’abritent derrière leurs blocs énormes contre le vent du nord. Poussant la marche vers l’ouest, on pénètre dans un champ immense connu des indigènes sous le nom de Meidane: l’hypodrome. Les anciens du village, nostalgiques, parlent souvent des fêtes grandioses qu’on faisait de leur temps, en l’honneur de Notre-Dame. Nous n’avions jamais réalisé que les jeunes villageois qui évoluaient sur leurs chevaux, pour la circonstance, pouvaient être les directs héritiers des superbes cavaliers francs et que les ébats chevaleresques en l’honneur de Notre-Dame-du-Fort n’étaient qu’une faible réminiscence des joutes somptueuses des anciens seigneurs du château.

”Omni die, Ludos, torneamenta, hastiludia et varias deductiones militares ac omnia exercitionum genera ad militiam pertinentia continuabant”[5].

C’est surtout vers le printemps, à l’époque ou les chevaux étaient conduits dans la campagne pour y être mis au vert que, campés près des tentes des bédouins, les chevaliers latins même ceux des grands ordres militaires, se livraient avec passion au jeu équestre du Djérid, considéré par certains auteurs comme ayant été à l’origine des tournois[6].

 

L’ennui de la plaine, presque aride, est bientôt dissipé par l’apparition de l’église de Notre-Dame-du-Fort. Construite par les Jésuites français vers le milieu du XIX s., la chapelle est un véritable joyau de l’art baroque, rarement employé en Syrie. La façade, blanche rayée de lignes noires, offre sa beauté aux caresses du soleil levant[7]. Les pierres ont été empruntées aux ruines du château. L’appareil est souvent conservé intact dans le remploi. L’encadrement des portes, les linteaux et certaines colonnettes du château voisin ont été réutilisées, sans aucune retouche, dans l’édifice religieux qui se dresse sur une étroite bande de terrain, sur le versant oriental du fossé artificiel, juste sur l’emplacement où devait s’appuyer le pont-levis qui reliait le sol ferme à la forteresse.

Pour atteindre la colline du château, on prend, à gauche de l’église, la cour interne du couvent. Juste en face de la porte sud de l’église, il y a une ancienne citerne surmontée d’une margelle. L’eau de puits verse dans le creux d’un énorme rouleau d’ancrage antique transformé en vasque.

Quelques pas à l’ouest du service d’eau, trois marches exiguës conduisent dans la cour d’une étable. La première de ces marches est une pierre basaltique (70 x 20) qui porte, gravées en creux, quelques lettres grecques [8]; au témoignage d’un paysan établi sur les lieux, la pierre a été retrouvée par lui, il n’y a pas longtemps, dans le sol du château. La dédicace à la déesse Tyché-Fortuna témoigne incontestablement de l’ancienneté des lieux: antique temple grec ou gréco-romain? La monnaie et la céramique retrouvées au cours des labours remontent aux deux époques. Le site semble avoir été utilisé bien avant la conquête d’Alexandre preuve en est la présence des tombes mégalithiques dans la localité. Les Byzantins ont dû fortifier cette position bien avant les Croisés: les pressoirs qu’on y retrouve encore doivent être reportés à cette période[9].

 

Une descente lâche mène au fond du fossé avant de remonter la pente qui conduit à la poterne encore discernable du château. Le fossé n’est pas naturel, il a été creusé à main d’homme. Quarante mètres de longueur relient les deux extrémités de la cavité aux pentes sud et nord de la colline. Vingt mètres de largeur et quinze mètres de profondeur donnent une idée du travail réalisé par la main-d’oeuvre franque pour compléter l’isolement de la forteresse entourée, sur ces trois autres côtés de larges et profondes vallées: le Ouadi Menjez, prenant naissance à l’est, contourne la colline au sud, avant de rejoindre, à l’ouest, la vallée de Nahr-el Kébir qui, venant de l’est, passe au pied du Felicium, formant ainsi, au nord du château, une barrière naturelle infranchissable. Quelle pouvait être la valeur stratégique de cette position dans le système défensif oriental du comté?

Elle devait jouer plutôt un rôle de surveillance que de défense. Effectivement, le château devait garder les passages naturels qui relient l’intérieur syrien à la côte libanaise en bloquant les chemins qui conduisent de Homs à Tripoli par Achchaàra et le Cobiath le long du fleuve. Il devait être plutôt une résidence seigneuriale qu’une forteresse.

« Dans les châteaux du XII s. que tenaient les seigneurs, affirme P. Deschamps, ceux-ci vivaient avec leurs enfants et leurs femmes.[10] »

Malgré sa situation exceptionnelle au milieu de l’enchevêtrement des vallées environnantes et bien qu’il fut inattaquable sur trois fronts, à partir des collines avoisinantes, le château n’avait aucune chance de pouvoir résister à une attaque massive venant de l’est puisqu’il n’y avait que les vingt mètres du grand fossé à barrer l’accès au plateau de Menjez. Situé presque à mi-distance entre le littoral et la Boqeia’ - à moins de 15 km à vol d’oiseau- son importance se réduisait au rôle de poste- vigie sur l’Eleuthère.

 

Le Felicium est pauvre en terrains cultivables. Les tertres qui coupent le relief assez plat sont arides et rocheux. L’eau est rare. les sources qui suintent au sein des vallées sont inutilisables. Seul le Nab’a-el-Ja’alouk qui surgit dans la montagne aux environs de l’ancien temple Maqam-er-Rabb suffit à peine aux besoins des habitants et à arroser quelques maigres arpents de terre. Neuf mois de sécheresse rendent impossibles les cultures maraîchères. Les torrents d’hiver deviennent autant de pistes praticables durant la saison chaude. Par contre le sol volcanique permet la plantation de la vigne[11] de l’olivier et beaucoup de seigle, d’avoine et de blé. Ceci explique la présence des huileries et de la meunerie dans la localité. Les pâturages, étendus et fort gras en hiver-printemps, attirent de nombreux troupeaux.

Aussi, le fait, remarqué par Burchard de Mont Sion et Jacques de Vitry, lors de leur passage dans la région (1ère. moitié du XIII s.) offre-t-il, peut-être, une explication plausible à la présence des sépultures mégalithiques, souvenirs certains de la civilisation nomade des bas plateaux du pays. D’autre part, la vallée de l’Eleuthère, parfois étroite, s’élargit cependant pour permettre souvent de larges bandes de terrains cultivables, tout au long du fleuve, toute l’année. La canne à sucre, les orangers, les cultures maraîchères, le riz et la pistache, y trouvent un terrain extrêmement fécond.

 

Le Felicium est inhabitable pendant l’été: la chaleur est étouffante. Les Puy- Laurens avaient-ils l’habitude d’estiver au Lacum, selon la coutume du pays?

Pour accéder au château, on prend, à gauche, le versant de Ouadi Menjez. L’attention est immédiatement attirée par la pierre grise des murs. L’appareil, assez grand, est d’une taille bien fine aux contours, mais le bossage est souvent à peine équarri: C’est que le genre de basalte employé est dur à travailler. Juste à l’entrée, on remarque, à gauche, les vestiges d’une tour ronde. Elle est séparée de l’enceinte extérieure par un fossé étroit. Trois mètres plus en avant, on relève, dans le mur de droite, une grande pierre dans laquelle des trous sont creusés: deux séries verticales de sept cavités. Horizontalement, une cavité de chaque côté. L’ensemble explique plus au moins la forme d’une croix latine. Nous pensons que la pierre est de réemploi et que la figure ainsi tracée, devait constituer une sorte de jeu pour hommes d’armes oisifs (Manqalé). Dans le terrain adjacent, nous avons retrouvé de petites billes, en pierre polie, de couleur blanche et noire, à la mesure des cavités. On tourne à droite pour escalader un petit tertre. C’est un parfait tell artificiel. Là, se dressait jadis le donjon franc, obstruant le front est, le point le plus faible du château. De nombreux débris jonchent le sol, parmi les ronces et la broussaille. Des pans de murs délabrés, percés de meurtrières délimitent les différents appartements de cette partie du fort. Dans le sol du donjon, on remarque une claire-voie. Celle ci s’ouvre sur un vaste souterrain, présentement obstrué de remblai. Les structures du château englobent tout l’éperon. Son étendue est sensiblement égale à celle du château d’Akkar.

 

Tâche grise dans l’horizon verdoyant des alentours, il devait faire une belle impression ! De nombreuses citernes lui assuraient l’eau en abondance. Un escalier à vis, semblable à celui du château de Saint-Gilles à Tripoli, reliait le fort à la rive méridionale de Nahr-el Kébir. L’accès à cet escalier est aujourd’hui obstrué et l’on risque fort de ne pas le retrouver sans le concours des vieux paysans. Plusieurs des appartements intérieurs sont jusqu’à présent décélables.

Les restes des murs dépassent parfois les deux mètres. Mais, de là à leur assigner leur destination première, la chose est fort ardue, tant leur aspect a été bouleversé par la végétation, les décombres et les paliers qui ont été aménagés pour l’agriculture.

 

Ø  La Chapelle du Château:

Dressée, presque au centre du château, la chapelle semble complètement détachée des autres bâtiments. Le terrain, sur lequel elle a été construite, devait accuser une certaine inclinaison, et, le sol dut être remblayé le long du mur nord dont le niveau des premières assises visibles est beaucoup plus bas que celui du mur sud. Il n’est pas question de fouiller le terrain autour de la chapelle, car le rocher-maître est parfois apparent à la surface du sol.

La chapelle est encore conservée jusqu’à la hauteur de trois assises, au sud et à l’est, alors qu’elle garde une élévation variant entre un mètre et demi et deux mètres, aux autres côtés.

L’appareil basaltique, moyen (55x35) dans l’hémicycle de l’abside,

L’oeuvre, en moellon noyé dans du mortier, et, couverte d’un double parement, a l’épaisseur d’un mètre. Le parement extérieur, finement taillé aux contours, n’offre pas, généralement de bossage, et, quand le bossage est présent il est à peine visible. Malgré la finesse des contours, le liant, qui raccordait les pierres, est toujours visible. L’appareil intérieur, par contre, est moins soigné et devait être couvert d’un enduit dont on relève des vestiges dans les recoins.

 

Avant de passer à l’étude du plan de la chapelle du château nous voudrions évoquer les problèmes concernant la technique utilisée dans la construction des différents éléments de l’édifice.

 

1/ Les Fondations :

Les fondations de la chapelle du Felicium tiennent généralement compte de la nature du terrain. En effet, là où le rocher affleure le plus sur le côté sud du monument, les fondations reposent directement sur le rocher. Par contre, les fondements des murs est et ouest s’enfoncent plus profondément, surtout ceux du mur nord, étant donné que la nature du terrain a obligé les architectes à suivre la pente pour asseoir la construction sur des bases aussi solides que profondes. L’on constate, d’ailleurs, que ces fondements présentent deux sortes de matériaux. Dans le côté nord et dans les parties les plus profondes, les constructeurs ont utilisé des pierres à peine dégrossies, jointes, au moyen d’un mortier composé de gravier très finement pilé, d’une sorte de sable d’extraction locale et de chaux.  La présence d’une forte proportion de petits fragments de charbon de bois dans ce ciment permet de penser que de la cendre a été mélangée aux autres composantes du mortier. La profondeur de ce lit varie selon l’affleurement du rocher de base.

 

Immédiatement au-dessus de ce premier lit, on trouve, en général, une à trois assises de pierres plus régulièrement taillées et équarries au moyen du poinçon ou du ciseau. Toutefois leur surface est plate, sans avoir été l’objet d’un soin particulier. Ces assises devaient-elles être enfouies dans les tranchées de fondation, ou bien, recouvertes d’un glacis quelconque et par conséquent, elles ne devaient point être visibles?

La chose paraît possible, car le terre-plein qui forme un passage au nord, entre la chapelle et le ravin est visiblement crevassé et balayé par les écoulements des pluies torrentielles dans la région. Le même ciment à base de chaux, de gravier et de cendre a servi pour lier les blocs de ces assises, les uns aux autres. C’est, par ailleurs, au niveau de ces assises que se fait le rattrapage du niveau, de sorte que les défauts d’horizontalité, dus à la configuration du sol, ne soient plus visibles dans les assises régulières, finement taillées, qui constituent les parements extérieurs des murs.

 

2/ Les Murs :

Il ne semble pas que les murs de la chapelle aient été destinés à être recouverts d’un enduit quelconque, tant leur parement extérieur est finement taillé. Les joints des pierres qui les constituent sont ajustés de sorte qu’il est difficile parfois de voir le ciment qui les unit. Sur le plan technique, ces murs, relativement épais (un mètre) ont été construits selon un mode que l’on rencontre souvent dans les constructions franques de Syrie. Les deux faces sont, en effet, faites de pierres de taille, à l’intérieur desquelles un blocage, en pierres sèches noyées dans du ciment, forme une sorte de bourrage. Les pierres du parement extérieur présentent généralement un mélange de pierres lisses et de bossage à peine saillant. Celles du parement intérieur sont plus petites et à surface plate. Quelques- unes portent encore des vestiges d’enduit.

Quel instrument a-t-il été employé dans la taille? Il serait hasardeux de le dire, tant la pierre est rongée par les intempéries. La hauteur des assises varie souvent, et si l’on examine les assises encore conservées dans le parement intérieur, on rencontre les hauteurs suivantes, respectivement de bas en haut, 0.25, 0.35 et 0.30 m.

D’autre part, si l’on met de côté quelques blocs que l’on peut qualifier de petits, avec leur longueur de 0.45m. pour une hauteur de 0.35m. et quelques grands blocs exceptionnels, l’on constate que la moyenne générale des blocs utilisés pour le parement extérieur des murs, tourne autour de 0.75m. de longueur, pour 0.35 de hauteur.

 

 

3/ Etude du plan :

Dans les châteaux que tenaient les seigneurs, affirme P. Deschamps[12] les chapelles étaient de petites dimensions.

Le Felicium des Puy-Laurens ne déroge pas à cette constatation. La chapelle est effectivement de petites dimensions. Sa longueur intérieure ne dépasse pas les 12,55 abside comprise, alors que la largeur est exactement de 7,45 à l’ouest et de 7,05 à l’est. La chapelle, à nef unique, dessine un rectangle terminé à l’est par une abside en cul de four, saillante.

 

a) La Nef:

De forme rectangulaire, elle ne devait avoir qu’une seule travée, car, dans ce qui reste des murs longitudinaux, nous n’avons pu découvrir aucune trace de pilier ou bien de base de colonne engagée, pas même la moindre semelle qui pût faire supposer l’existence possible d’une division virtuelle quelconque ou bien d’un arc doubleau. La paroi des deux murs est tout à fait unie et, dans ce qui reste debout, elle ne présente aucune aspérité ou la moindre pierre saillante qui fasse penser au départ d’un arc possible.

 

b) La porte nord:

Les chapelles des châteaux francs de Syrie ont, en général, deux entrées, l’une à l’ouest et l’autre au nord ou bien au sud: Rappelons à ce sujet, celle du Crac et de Margat. La chapelle-donjon de Safitha, possède un beau portail à l’ouest et un escalier, qui donne à l’étage supérieur, situé dans l’angle sud de l’édifice.

Les murs sud et ouest de la chapelle du Felicium, conservés jusqu’à la hauteur d’un mètre, n’offrent aucune trace de porte ou de seuil. Les assises sont toujours nivelées et parfaitement unies. Leurs pierres n’offrent aucune faille, même bouchée, qui fasse penser à un accès quelconque.

 

Par contre, le mur nord, et, à la distance d’environ deux mètres de l’angle nord- ouest, offre, à l’oeil attentif, un certain espace dont les matériaux et la construction contrastent nettement avec le reste du mur. Ce dernier est assez bouleversé dans ce côté du monument, mais il se tient toujours debout. Les blocs se maintiennent à leur place bien qu’ils accusent parfois un affaissement dans leurs niveaux d’horizontalité. L’espace que nous venons de signaler en contraste avec le reste, est sûrement de construction récente. Ses assises ne coïncident point avec les autres, et les pierres, dont elles sont faites sont sèches et irrégulières. L’espace est large de 0,90 mètre, juste la largeur normale d’une porte régulière dans ce genre d’édifice.

On remarque, par ailleurs, la présence d’un bloc de 120 cm. de longueur par 30 cm. de hauteur qui jonche le sol, tout près de là, et, qui probablement devait constituer le linteau originel de cette porte. Malheureusement, le linteau est tellement maltraité que nous n’avons pu y découvrir aucune trace d’inscription ou de sculpture, si jamais il en fut.

 

c) La Porte est:

A l’extrémité nord-est du rectangle de la nef, l’angle semble conserver, lui aussi, les traces d’une autre porte.

Le mur est de la chapelle qui sous-tend l’arc de l’abside, garde dans sa partie nord, au delà du point de décrochement de l’abside, une entaille dans la construction restante.

Des structures, toujours visibles, reçoivent, en vertical, le pied-droit de l’arc de l’abside et se dirigent perpendiculaires sur le mur nord. Elles s’arrêtent brusquement pour s’orienter parallèles au mur nord fermant ainsi une sorte de contrefort à l’abside. Le vide ainsi créé dans cette partie des fondements est assez large pour constituer une porte régulière (0,82 mètres), livrant passage vers l’est, à gauche de l’abside.

 

d) L’abside:

L’édifice rectangulaire est terminé par une abside saillante. Nous n’avons relevé aucune trace d’ouvrage extérieur qui eût dû habiller le demi-cercle de l’abside. Celle-ci, dessinant un arc sensiblement surhaussé, se conserve jusqu’à la hauteur d’un peu plus d’un mètre. Son parement extérieur est pareil à celui des autres murs, alors que le parement intérieur, d’une facture mieux soignée, est composé de blocs plus petits et à surfaces lisses destinées à être recouvertes d’enduit comme les autres parois intérieures du monument. La paroi nord de l’abside est percée d’un passage dont elle garde les vestiges, juste quelques cinquante centimètres à l’est de l’arc triomphal. Ce passage nord-sud, à travers la courbe de l’abside, rencontrait, sans doute, l’autre passage est-ouest dont nous venons de parler plus haut.

L’arc de l’abside n’est pas raccordé au centre du mur oriental de la chapelle. Il accuse un net écart vers le sud.

Les distances, en effet, qui séparent les pieds-droits de l’arc triomphal, des murs latéraux, ne sont pas égales. Celle du sud est sensiblement plus courte que celle du nord dans laquelle est percé l’accès vers l’est.

Ce décalage de l’abside dévie nettement l’axe central du monument. Est-ce un effet de correction dans l’orientation survenue plus tard ou bien, ce désaxement a été voulu pour laisser place au passage décrit plus haut?

Ce désaxement absidial se rencontre souvent ailleurs, soit dans la chapelle de Saïdet-er Rih à Nephin, soit dans nos chapelles du Cobiath, comme nous aurons l’occasion de l’étudier plus loin.

 

e) La Sacristie :

Notre connaissance du Felicium ne date pas d’hier, notre amitié étant fort ancienne. Chaque recoin du vieux site nous est familier. Nous avions souvent erré parmi les buissons et les décombres, toujours à la recherche d’une nouvelle découverte ou bien d’une nouvelle impression. Mais malgré l’ancienneté de cette amitié, nous n’avions jamais eu l’occasion de remarquer sous les amas de débris et le cumulus de terre apportée par les alluvions, les vestiges d’une petite sacristie qui flanque le côté nord de l’abside. Les pluies torrentielles de la dernière saison ont mis à découvert une pierre à bossage, juste quelques mètres plus à l’est de l’angle nord du monument. Grattant autour de la pierre, celle-ci s’est révélée faire partie d’une infrastructure entière qu’une fouille superficielle a mise à nu. C’est la sacristie qui flanque normalement la plupart des monuments religieux des Croisés en Syrie[13].

La sacristie forme une petite salle de 2,60 x 3,20. La façade nord, la plus longue semble continuer le mur nord de la nef, alors que la façade est s’appuie perpendiculaire sur la courbe saillante de l’abside.

Les deux portes dont nous venons de constater l’existence débouchaient effectivement dans la sacristie, l’une reliant cette dernière à la nef de la chapelle, l’autre communiquant directement avec le maître-autel. Chapelle de château seigneurial, le monument est relativement petit par rapport aux chapelles du Crac, de Safitha et de Margat, mais il devait être plus que suffisant aux besoins liturgiques de ses seigneurs.

Avant de quitter définitivement nos souvenirs, arrêtons-nous un instant sous les arbres qui ont jadis ombragé les lieux: une noce sortant de l’église Notre-Dame s’égrène sur la grande place:

“La mariée est splendidement parée et porte une robe de soie magnifique tissée d’or et dont la queue traînante balaye le sol. Sur son front brille un diadème en or recouvert par un filet tissé d’or et sa poitrine est ornée de même. Ainsi parée, elle s’avance en se balançant à petits pas comptés semblable à la tourterelle. Elle est précédée des principaux d’entre les chrétiens, revêtus d’habits somptueux à queues traînantes et suivies de chrétiennes, ses paires et ses égales, qui, également couvertes de leurs plus belles robes, s’avançaient en se dandinant et traînant après elles leurs plus beaux ornements. L’ensemble se met en marche vers (le Meidane) où aura lieu le jeu équestre du Djérid, l’orchestre en tête, tandis que les spectateurs musulmans et chrétiens assistent au défilé”.

Pour décrire la noce à laquelle nous venions d’assister, nous nous sommes permis d’emprunter la description à Ibn-Jobeir[14]  car rien n’a changé depuis le XII s. sous ce ciel d’Orient où presque jamais rien ne change.

“L’Orient, note en effet le marquis de Vogué, est la terre classique de la tradition. Nulle part n’existe à un aussi haut degré la religion des souvenirs locaux.”[15]

 

 

 

II - Maqam erRab : Temple-église

 

A  un peu plus d’une heure de marche, au sud-est du Felicium, une chaîne de collines, d’origine volcanique, s’étire de l’est vers l’ouest, cachant à la vue, la petite ville de Cobiath. Ce sont les ”Tilals de Mart-Moura”. Au pied de leur versant septentrional il y a un ancien temple de la période romaine tombé en ruines. Il était tenu en grands soins par le service des antiquités, juste à cause de son originalité. Il est le seul temple, construit au Liban en blocs de basalte. La région du Hauran en Syrie du sud, est réputée par les édifices de ce genre et les archéologues pensent que les constructeurs du temple dûrent avoir recours aux maîtres et à la main d’oeuvre de cette contrée pour élever le célèbre temple de Menjez[16]. 

Le temple est à environ 200 mètres à l’ouest d’une source connue sous le nom de Naba’-ej Jaa’Iouk. Y eut-il jamais un sanctuaire chrétien dans les ruines du temple? Les archéologues l’affirment. Le Père Goudard, qui l’a visité au début du siècle, l’affirme aussi. Actuellement rien ne le laisse paraître[17].

Les indigènes nous ont indiqué une ruine dans les parages immédiats de la source, 200 m. au nord. C’est un ancien lieu de culte dédié à la Ste. Vierge.

 

- Le Sanctuaire de la Ste. Vierge Saïdet-el Mouîn: Chapelle d’hôtellerie?

Nous avons retrouvé les ruines de l’ancienne chapelle reposant à l’ombre d’un vieux chêne, maltraité par le temps et les intempéries aussi bien que les vestiges du sanctuaire.

L’édifice, assez petit (6x4 m) était formé d’une nef presque carrée et d’une abside demi-circulaire emboitée dans un ouvrage carré. Il en reste peu de chose. Seule l’abside, enfoncée dans la terre accumulée tout autour, garde quelques assises de son appareil fort soigné, alors que la nef, complètement rasée laisse à peine entrevoir son dessin antique. Placée sur le bord d’un précipice, l’éboulement du terrain a emporté la façade ouest et une partie de la nef, surtout l’angle sud dont les pierres de fondement sont encore éparpillées le long de la pente. La chapelle appartient sans aucun doute à la période franque. Le plan, la taille de la pierre, la composition du mortier, établissent une similitude frappante avec la chapelle du Felicium.

Elle devait, cependant, faire partie d’un ensemble dont on peut relever le tracé au sud du monument. Peut-on penser à la chapelle d’un hôpital ou d’une hôtellerie comme Saidet-er Rih de Nephin[18].

Les mêmes dispositions régissent les deux monuments. La chapelle semble avoir été construite sur les débris d’une église plus ancienne.

 

 

III - Kfarnoun

 

Kfarnoun ou Qariat-es-samak est à moins de 3 km. à l’est du Felicium. Peut-on parler d’un ancien ou d’un moderne Kfarnoun? Le petit hameau semble à peine sortir du passé; il n’a pas encore quitté sa parure moyen-ageuse. Dévasté et brûlé lors des événements douloureux de 1975, Il est en train de se repeupler. Abandon, misère et tristesse, ce n’est pas de trop pour qualifier une ambiance, jadis prospère, coquette et brillante. Nous menons notre enquête; la pauvreté est frappante, mais l’hospitalité est à toute épreuve. Le maire -Cheikh Nejib- raconte calme, digne et cultivé, il mesure ses paroles. L’enquête est archéologique, donc objectivité oblige. Les documents manquent, tout a été brûlé, mais la tradition bien jaugée, est fort riche. Le casal franc était d’une prospérité exceptionnelle: quatre églises, sept huileries, des sources et des citernes, des moulins à vent, des moulins à eau, des moulins à mains, des croix antiques, une ancienne épigraphie perdue. Kfarnoun semble un véritable musée. Notre imagination ou plutôt notre connaissance intuitive s’envole au loin à travers les dédales du passé. Essayons de nous y retrouver.

Les Croisés, partout les Croisés dans la région. Pourquoi leur souvenir est-il toujours vivant dans l’esprit et les traditions du peuple? Est-ce que son bon sens se rapprocherait de la connaissance plus que notre savoir rationnel? Ou bien c’est un effet de compensation nostalgique chez le peuple maronite autant qu’une réaction de rancune chez les autres? Nous pensons que les deux cas sont vrais et c’est une première réalité, c’est que le site est beaucoup plus ancien que ne le laisse entendre le nom syriaque, preuves en sont toujours les tombes mégalithiques nombreuses dans les parages. Quel serait donc son vrai nom! Peut- être n’était-ce alors qu’un quartier de Menjez, l’ensemble constituant la Maïza des documents assyriens dont nous aurons l’occasion de parler au chapitre suivant.

 

Les chapelles:

Elles sont là bien vivantes, mais malheureusement, aucune d’elles n’a gardé son vrai visage. Le remaniement est tel qu’il est presque impossible de relever les traits caractéristiques de chaque édifice. Les monuments forment deux groupes, de deux chapelles chacun, situés à moins de 300m l’un de l’autre.

 

1/ Le premier ensemble est formé des chapelles dédiées à Notre-Dame et à Saint Elie. Les chapelles se trouvent à l’est du village, tout près du cimetière. Totalement indépendantes, la distance entre les deux est de moins de dix mètres par ordre progressif de l’ouest vers l’est.

La première, celle de l’est, dédiée à saint Elie, se conserve en partie. D’après les témoignages recueillis sur les lieux mêmes, elle devait avoir une nef voûtée sur croisées d’ogives avec une abside en cul-de-four, emboitée dans un ouvrage carre de façon a ce que l’ensemble prit la forme extérieure d’un rectangle compact. Deux portes, toujours debout, l’une a l’ouest et l’autre au nord, donnaient accès à l’intérieur de l’édifice. Les seuils et les pieds-droits conservés jusqu’à un mètre et demi sont toujours visibles. Les linteaux gisent à côté. La chapelle, remaniée à plusieurs reprises, a été allongée vers l’est, d’une manière barbare[19].

La seconde, celle de l’ouest, patronnée par Notre-Dame s’est évanouie sous les tombes. Mais là, nous pensons reconnaître l’existence d’une église plus ancienne que la période franque. L’enceinte du cimetière actuel, ainsi que les paliers contigus, gardent à l’ouest du cimetière les restes d’un mur antique conservé jusqu’à la hauteur de trois et parfois quatre assises. Les dimensions de l’appareil (0.75 x 0.45 en moyenne) et la taille de la pierre dénotent avec les croix relevées sur les lieux, l’existence d’un ancien lieu de culte syriaque, remontant probablement à la première période chrétienne (4ème - 5ème siècle).

 

2/ Le second ensemble est situé au nord-est du village à moins de 300 m. du premier. Les édifices de ce second groupe accusent une distance supérieure à celle du premier: environ trente mètres.

La chapelle sud, dédiée à Saint Elie est une construction récente et fort- grossière. Nous n’y avons pu découvrir aucun élément ancien. Ni dans le remploi de l’appareil, ni dans les fondations, et nous pensons qu’elle fut construite de toutes pièces vers la 2de moitié du XIXéme siècle, puis restaurée vers les années cinquante du XXème siècle. Son titre devait être porté par un autre sanctuaire dont nous croyons avoir reconnu les vestiges dans une Khirbé, au voisinage immédiat de la seconde chapelle, celle du nord. Cette dernière, au titre de Mar Doumit, est, elle aussi, de facture récente, pourtant le nouvel édifice ne couvre pas complètement le plan de l’ancien monument dont les fondements occidentaux, toujours visibles, dépassent largement la nouvelle église. A moins de dix mètres, au sud de cette chapelle, nous avons reconnu parmi les décombres d’une ruine antique, les fondements d’une abside. Nous pensons que cette abside appartenait à l’antique chapelle dédiée à Saint Georges. Ainsi, la proximité des monuments de ce second groupe, établirait une similitude parfaite avec les édifices du premier ensemble décrit plus haut.

Ces chapelles ne sont point jumelles, comme les autres du Cobiath, pourtant leur proximité et leur fabrique nous induisent à conclure à leur appartenance au même peuple. Sont-elles destinées au même programme cultuel expliqué dans les autres monuments du pays?

 

A mi-chemin, entre les deux ensembles cultuels, il y a le ”Bir”.C’est une citerne, semblable à tout point de vue, à celles du Felicium. Elle est toujours en service. Nous avons relevé plusieurs croix, du type paléo-chrétien, au village même et dans les parages. Elles sont incises en creux et manquent parfois de régularité. C’est qu’elles ne semblent pas avoir été faites, toutes, de mains de maîtres, ou bien, destinées à surmonter les linteaux d’églises. Il est de tradition chez les Maronites de signer de la croix, les objets d’usage. Les aliments, surtout la pâte à pain et leurs demeures. C’est la ”Baraka”, requête, à la fois, d’abondance et protection contre le Mauvais. Nous avons repéré plusieurs emplacements d’huilerie, et des vestiges de moulins à eau, le long de Nahr-el Kébir; mais notre attention a été, surtout, attirée par un petit moulin exposé dans la cour de la vieille maison du vénérable Moukhtar, de type fort particulier: moulin à olives ou servait-il à triturer autres matériaux? (Voir atlas)

 

 

IV- QINIA

 

Le DEIR-Monastère antique et chapelle médiévale

Ø  Le site:

Une route éventrée permet, dans les conditions actuelles, aux seules voitures élevées, de transporter le passager curieux du passé ou bien le studieux passionné, du centre-ville Cobiatin jusqu’à Qinia à travers la partie nord-ouest du Akroum[20]. Les collines rocheuses et les côtes à l’herbe rare où paissaient jusqu’à quelques années de maigres troupeaux de chèvres, sont aujourd’hui parsemées de petits hameaux reliés par des pistes récemment tracées. Le haut plateau souffre la sécheresse et la seule pièce d’eau naturelle de Qinia et ses environs se trouve dans une profonde grotte, située à un kilomètre environ à l’ouest du Deir. A trois mètres au-dessous du sol, les eaux, ruisselant le long de la paroi rocheuse, sont recueillies dans une vasque souterraine. A tour de rôle, les femmes du pays y descendent quêter leur plein- jarre d’eau. C’est la grotte Notre-Dame les vestiges d’un sanctuaire dédié à la Vierge Marie y sont toujours ténus en vénération. Le site, objet de notre étude, est à moins de deux kilomètres de l’actuel Qinia et d’un autre hameau du nom de Mrah-elKhokh, sur un éperon rocheux aplati au sein d’une large et longue vallée reliant le village d’Akroum à Germnayia et Awadé. A quel saint patron appartenait-il? Les gens du pays ne l’ayant pas encore baptisé ou mieux ”purifié”, il est connu dans toute la région, sous le nom général de ” DEIR Qinia”.

 

Ø  2- Le nom :

Qinia, dans le sens de propriété est vraisemblablement d’origine syriaque. = Qnaya et Qinyana, indiquent la propriété, le terrain, le domaine. Populairement, il est souvent appelé Qnouté ou Qnité. Nous pensons que le mot et ses différentes variations appartiennent à la même racine sémitique (qna) dans le sens d’avoir. Qnouté n’est qu’un diminutif familier qui n’ajoute ou ne retire rien à la signification première du nom qui indique la grande propriété, le grand domaine, chose qui pouvait coller parfaitement au site, vu l’immense territoire cultivable qui entoure le Deir et la fertilité du sol, terre d’apport alluvional. Les vestiges archéologiques nous parleront mieux du passé agricole du pays.

 

Ø  3- Les citernes :

L’eau étant rare dans le Akroum, la seule source, presque, du précieux liquide, était celle des citernes auxquelles on confiait la vie des gens et animaux. Ces citernes étaient de trois sortes: celles aménagées dans les cours ou bien en proximité de l’édifice et qu’on remplissait en y orientant l’eau des terrasses, celles qui, creusées au sein d’un banc rocheux, étaient remplies par l’eau de pluie recueillie dans des cavités et canalisée dans des rigoles, le tout aménagé à main d’homme dans l’étendue de la roche. Quant au troisième genre c’est la citerne- source. Il s’agit, en réalité d’une cavité rocheuse naturelle où l’eau, ruisselant le long des parois, vient déverser dans la vasque de fond ou bien c’est un mince filet d’eau qui a trouvé son chemin vers le jour dans le fond de la grotte. La cavité réaménagée et souvent emmurée et couverte de crépi étanche, devient alors la citerne désirée.

Le site comprend trois citernes et chacune d’elles répond parfaitement aux caractéristiques particulières à chaque genre de citerne.

La citerne du nord-ouest, située à l’extérieur du monument et à une dizaine de mètres de son mur occidental, semble être une large fissure naturelle, réaménagée. De forme irrégulière et à large ouverture, elle est de facture tardive, facture ne dépassant guère la période franque, preuve en est la composition de l’enduit employé. Cette citerne reçoit les eaux recueillies sur l’étendue de la roche environnante.

Une autre citerne, un peu plus grande, celle- là, se trouve au milieu de la cour centrale. Elle, aussi, est une cavité naturelle réaménagée. Elle devait recueillir l’eau des terrasses environnantes. Quant à la troisième, la plus grande, on ne pourrait pas la qualifier de citerne; c’est plutôt une petite écluse, en partie naturelle presque remplie de remblai, elle devait, jadis recueillir les eaux provenant de l’entourage rocheux en plus de la présence d’une petite source naturelle.

 

Ø  4- L’installation huilière :

Des fouilles, plus ou moins clandestines dans les temps qui courent, menées à grande échelle, ont mis à jour une installation huilière encore intacte.

Placée dans un coin de la cour intérieure, elle est située entre la grande entrée du sud à l’est de la chapelle, et le mur ouest de la tour de garde. Entrant par le portail sud, on rencontre, presque au centre, une pièce d’eau. Passant à côté d’elle, on pénètre dans l’huilerie. Aucune porte ou trace d’accès n’indique que cette partie de l’huilerie était fermée.

Aussi pensons- nous qu’il s’agit plutôt d’un portique que d’une salle fermée.

L’installation est mobile dans ce sens qu’elle n’est pas creusée dans le rocher comme celles de Chouita ou de Ghozrata. Faite plutôt de plusieurs pièces, celles-ci ont été taillées ailleurs et portées sur la place. La cuve du moulin a un rayon de 0,50 mètres sur une profondeur de 0,05 mètres, entourée d’une bordure de 0,25 mètres de largeur. Les rouleaux, - on en a mis à jour un seul jusqu’à présent -, ont un diamètre de 0,80 mètres sur 0,45 mètres d’épaisseur. L’arbre qui reliait les fûts devait être un carré de 0,20 mètres de côté.

A côté du moulin, le long du mur méridional, on peut toujours observer la présence d’un réservoir à huile, creusé dans le rocher du sol. Il a 1,20 mètres de diamètre sur 0,40 mètres de profondeur. Remarquons, enfin, que tous les éléments composant l’huilerie, ont été taillés dans une roche, blanchâtre et dure à la fois d’extraction locale. Le moulin est encore en place, il ne demande qu’à être mis en fonction. Il lui manque, pourtant, une seule chose: l’olive dont la présence est fort désirable dans le Akroum.

On commence à replanter l’olivier qui pousse à merveille, signe qu’il devait être prospère dans le pays d’où l’abondance des moulins et des pressoirs à olive.

 

Ø  5- La chapelle :

L’église est faite d’un vaisseau unique de (12 x 5,20) y compris l’abside en hémicycle, empâtée dans un ouvrage carré. Le tout devait former, extérieurement, un bloc rectangulaire compact et homogène. Parfaitement orientée, la chapelle est placée à l’angle sud du site, quelques mètres plus en saillie vers l’ouest, par rapport au bloc du monastère. Elle est reliée, à ce dernier, par une série de salles qui ferment le côté occidental de la cour. La façade ouest de la chapelle n’accuse aucune trace de porte dans ce qu’elle conserve comme vestige jusqu’à présent (un mètre de hauteur de l’intérieur, et, presque deux mètres à l’extérieur).

L’entrée principale se trouve dans le mur nord, à 1,60 mètre de l’angle nord -ouest; on y parvient en traversant, soit un portique à ciel ouvert, soit un nartex placé à cet angle, car les restes d’un mur ceinturent la place avec un large portail dans le côté nord, les fouilles, mentionnées plus haut, viennent de déblayer une autre porte, celle-là beaucoup plus petite(0,70 m) percée dans l’angle nord est de l’abside et reliant celle-ci à la série de salles qui séparent l’église du monastère.

 

Ø  6- Le Deir :

C’est une bâtisse de forme trapézoïdale dont la base la plus large est celle du sud. Le Deir est formé de plusieurs salles, orientées nord sud et reliées par un corridor méridional qui traverse, d’est en ouest, toute la largeur de l’édifice. L’entrée principale est placée à l’angle sud-est dans le côté oriental. Y a-t-il d’autres portes? Quelle était la destination première des différentes salles? Y avait-il plus d’un étage? L’état actuel des vestiges, encombrés de débris, ne nous permet point d’y répondre.

 

Ø  7- La tour :

Sur la même ligne que l’église et l’huilerie et, formant à l’est, un angle de l’ensemble, l’angle sud-est, on relève les vestiges d’un petit édifice de forme légèrement trapézoïdale. Les murs sont plus épais que les autres, avec des ouvertures en meurtrières. Il s’agit vraisemblablement d’une tour de garde, tour dont l’existence est normale à l’angle des monastères ou bien des fermes antiques. Rappelons, enfin, que l’ensemble est entouré d’un espace qui s’élargit ou se rétrécit selon les possibilités laissées par la forme du terrain, car le Deir et ses annexes, aussi bien que la chapelle, sont installés comme d’habitude, sur la plate-bande d’un éperon rocheux, ceinturé du mur d’enceinte traditionnel.

 

Peut-on savoir à quelle date remonte la construction du monument? Un silence total de la part de la documentation plane sur la pierre abandonnée: aucune inscription, aucune chronique ou tradition. Seul, le témoignage archéologique reste un peu plus généreux:

Le Deir et la chapelle ne remontent pas à la même époque. La différence est nette entre l’appareil du monastère et celui de la chapelle. Le Deir emploie une pierre de grandeur moyenne (75 x 45 cm) alors que celle de la chapelle est plus petite (55 x 35 cm).

 

L’appareil de la chapelle, de taille assez fine à rayures obliques et parallèles, (taillant droit à dents) et relié au moyen d’un mortier de composition normalement employée dans la construction du XIIe siècle: du sable d’extraction locale, de la chaux, de la poterie finement triturée, quelques infiltrations de pierre concassée avec beaucoup de cendre et de charbon, alors que l’appareil du monastère, taillé au poinçon et rendu avarié par le temps, semble avoir été raccordé sans aucun liant. Le parement intérieur des deux monuments est recouvert d’enduit. Le crépi de la chapelle est formée de deux couches différentes et superposées. La couche intérieure (1 cm. d’épaisseur environ) et de couleur grisâtre contenant une forte portion de cendre et de charbon, alors que l’enduit extérieur (0,03 cm. d’épaisseur) est totalement composé de gypse blanche, pareil, en tout point au crépi, employé dans la chapelle de Margat pour recevoir les peintures qui décorent l’abside et l’une au moins de ses deux annexes: l’enduit cependant, qui recouvre le parement intérieur du monastère est formé d’un amalgame moisi qui s’effrite comme de la boue sèche.

 

Si l’on croyait, enfin, le témoignage des croix pattées incises en creux sur les vieilles pierres du monastère, le Deir remonterait à la première période chrétienne, c’est-à-dire à la période qui précède le septième siècle chrétien. Nous pensons, par contre que la chapelle, à rapprocher dans ses structures actuelles de celles de la chapelle du Felicium, ne remonte pas plus loin que le XIIe siècle.

 

 

V- FSAQINE

 

Situé à peu de distance à l’est de Deir-Jannine sur la voie secondaire qui relie Halba à Homs par le Cobiath, jusqu’à quelque temps, Fsaqine n’avait d’existence que nominalement sur la carte militaire. Le seul signe de vie sensible était comme l’est toujours, sa célèbre source( Ain-ed delbé) à laquelle avaient l’habitude de se rafraîchir les paysans, les caravaniers et les pieux pèlerins du pays. Le village est en train de se relever de ses cendres et de belles maisons poussent, sans ordre à la place des anciennes demeures tombées en ruines[21].

 

Ø  Le nom[22]

D’origine latine, Fsaqine, piscina, a le sens de bassin d’eau, mare, abreuvoir, bassin de purification:

Il semble être aussi d’origine perse, passé à la langue arabe. Fsaqine est un nom pluriel, il fait, au singulier, Fisqia, dans le sens de bassin d’eau. L’emploi du pluriel est, ici, fort compréhensible, car les petites sources avec leurs bassins respectifs sont assez nombreuses, servant, soit à abreuver les animaux domestiques, soit à arroser les rares lopins de terre destinés à la culture maraîchère.

Si notre lecture se révèle exacte, nous aurons rencontré, pour la première fois, un souvenir perse dans la toponymie du pays.

 

Ø  2- Structures et vestiges antiques.

a- Le sarcophage.

Emporté, il y a quelque temps, et, disparu, le sarcophage était en pierre noire, long de deux mètres et dix centimètres. Il portait, sur l’un de ses flancs, une sculpture en relief, dessinant une femme assise sur un trône avec buste à moitié nu et seins proéminents. Un homme barbu, debout, devant le trône, tend les bras chargés d’offrandes. La scène est encadrée, comme il se doit, de la guirlande d’usage. Est-ce une scène d’adoration?

 

b- Le Linteau.

Monolithe, en pierre noire, il n’en reste, après son morcellement actuel, qu’un tronçon de 80 cm. de longueur. La pierre porte une croix du type dit paléochrétien, sculptée en relief et entourée d’un cercle de 23 cm. de diamètre, les bras ont 7 cm. de largeur à leur extrémité et 2 cm. à leur point de départ.

 

c- Constructions antiques.

Le village devait, probablement, se trouver sur une large rampe à flanc de la montagne qui domine le sanctuaire. A 500 mètres, environ, de la chapelle, on peut toujours observer les amas de détritus informes de deux welis distants, l’un de l’autre, de 20 mètres à peine. Certaines parties des structures inférieures sont encore observables, elles ne nous permettent point d’en fixer, avec certitude, la destination première, mais, on y peut distinguer deux genres de liant, l’un est un blanc de chaux avec de rares infiltrations de charbon. Liant très résistant et compact, il semble être le plus ancien. Le second est d’une couleur rosâtre. Il est composé d’un gravier trituré, d’origine locale, avec ajoût de chaux et beaucoup de fines infiltrations de charbon de bois et de la poterie finement concassée. Ce ciment, plus friable que le premier se retrouve dans une construction superposée, toujours dans le weli du nord-ouest.

Le village antique semble être enfoui sous les décombres puisque à chaque creux de sillon, le soc de charrue se heurte à un tas de pierres de taille.

La montagne, qui barre l’horizon au sud, est formée de deux genres de terrain: la partie basse de la contrée, là où se trouve, justement, le sanctuaire, est une terre volcanique avec une roche basaltique: elle constitue, par ailleurs, la partie cultivée du site. La partie supérieure de la colline est à sol blanchâtre avec une pierre crayeuse assez tendre et friable. Cette partie de la montagne abrite la nécropole antique, une présent, en plus de multiples tombes individuelles et populaires que le labourage ou bien les travaux de terrassement, mettent, de temps en temps, en lumière.

 

d- Mar Nouhra.

L’église, aujourd’hui weli musulman, sous le vocable de cheikh Mahmoud, était dédiée autrefois, à Mar Nouhra-Lucius. Formée d’un vaisseau unique à sanctuaire rond et abside saillante, elle devait avoir, probablement, un narthex dont on peut, jusqu’à présent, deviner les infrastructures, malgré l’état de vétusté dans lequel se trouve le monument. Faisant toujours partie d’un ensemble cultuel, l’édifice, église et annexes comprises, atteste une nette originalité, soit par rapport aux monuments à deux nefs ou à double chapelle, soit relativement aux monuments à chapelle unique, étudiés jusqu’à présent.

 

e- Le sanctuaire.

Il est toujours debout, jusqu’à la hauteur d’un peu plus d’un mètre, conservant l’abside et une partie de la nef, le reste étant complètement rasé. L’abside devait être saillante, à l’origine, car actuellement, il est impossible de ne relever aucune trace de chevet ou d’ouvrage accolé à la partie orientale. L’hémicycle du sanctuaire ne révèle aucune présence d’accès ou de porte de communication avec l’environ qui révèle, pourtant, une nette présence d’infrastructures qui pourraient constituer l’ensemble dont paraît faire partie la chapelle.

 

f- La nef.

Cinq mètres et quarante centimètres de largeur entre deux murs de rive d’une épaisseur de 1,15 mètres, la nef est conservée sur une longueur de 1,95 mètres, le reste étant totalement effacé. La civilisation qui pensa y planter les restes vénérables d’un weli (homme de Dieu) eut soin de fermer les vestiges de la nef en élevant un muret transversal, mur de fortune, naturellement, avec un accès approprié. Quand au reste du vaisseau, aujourd’hui disparu, nous pensons qu’il devait avoir une longueur ne dépassant pas les douze mètres pour une largeur de 6 mètres environ. Quelle en était la limite vers l’ouest? Les infrastructures qui, de temps en temps ressortent du sol, donnent une longueur de 15 mètres, mesure prise à partir de la fin du mur restant de la nef. Remarquons que les infrastructures semblent continuer plus ou moins exactement les murs de rive de l’église.

Dans le cas où les infrastructures n’appartiennent pas à une construction plus ancienne, chose selon nous à écarter, à quoi peut-elle correspondre une longueur de 17 mètres pour une largeur de 6 mètres, mesures non constatées, dans tous les monuments du pays? Il reste alors à envisager dans le cas de cette lecture, une variante beaucoup plus logique: La nef, plus courte, serait d’une longueur normale de 13 mètres et les quatre mètres supplémentaires dont on peut remarquer la présence sur le sol, ne sont autre que les vestiges d’un portique ou narthex de 4 x 5 mètres. Si notre façon de voir est juste, nous aurons un plan d’église tout à fait original par rapport aux autres monuments du pays, voire le dessin d’une chapelle simple, à sanctuaire saillant et à nef unique allongée d’un narthex, le tout encastré dans un ensemble cultuel aux multiples fonctions.

 

g- Les annexes.

Nous venons de signaler que l’église faisait partie d’un ensemble cultuel. Au nord et perpendiculaire au mur de rive du sanctuaire, nous avons relevé les traces d’une construction ancienne faisant deux salles assez grandes (5 x 4,50) alors que le côté méridional est flanqué d’une série de salles qui s’allongent dans le sens du sud.

A quoi pouvaient servir toutes ces salles? Etait-ce un monastère? Il n’en a pas l’air bien qu’il porte le nom de Deir. Nous pensons plutôt à une simple église paroissiale de village avec ses annexes traditionnelles: c’est-à-dire: école, logement de clergé, salles de réunion ou chambres à provision[23].


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Chapitre II

Eglises doubles

 

LE PLATEAU DE CHOUITA

 

Trois kilomètres de route, à peine, mènent du centre-ville, à travers le quartier populeux de Dahr, jusqu’au haut plateau de Chouita. Belle perspective sur la ville de Cobiath.

Le regard embrasse, à l’entour, la totalité, presque, de la région. Le plateau est vaste: plusieurs dizaines de kilomètres carrés coiffent les sommets de leur plate étendue, d’où le nom de Chouita ou la terre plate. A l’orée du plateau, laissant la ville en arrière, le regard entrevoit à l’ouest, deux taches obscures. L’une, assez proche: les Saints Georges et Daniel; et l’autre plus loin, c’est Notre-Dame de Ghozrata. Plus loin encore et aux confins occidentaux du plateau, l’horizon est bloqué par les montagnes du Akkar et leur célèbre castel franc. A droite, le Ouadi Cham’aa, premier noyau d’habitation à Cobiath, s’étire de l’est vers l’ouest, séparant, très probablement, au nord, le plateau de Chouita de l’antique casal de Sindiané. Au sud, une ligne montagneuse se dresse comme un rempart, face au Qammou’à. C’est Jabal-el Blat, la ”montagne rocheuse”, couronné d’un bouquet verdoyant, alors que les flancs et le reste de la montagne gênent la vue par leur étendue rocheuse, brillant au soleil, de toute leur blancheur tachetée de quelques rares buissons de sapin. Qassre Mriq, Qassre Kleib, Mar Gergès, Saidet Ghozrata, quatre noms aux résonnances antiques: il y en a assez à fouiller sur ce vieux plateau araméen de Chouita.

 

 

Les châteaux de Chouita

Les ruines de Qassre Mriq et Kleb, occupent le centre de la partie orientale du plateau. La route actuelle, passant entre les deux fortins, ronge une bonne partie du côté méridional de Qassre Mriq.

 

Ø  Qassre Mriq:

Le vieux monument occupe une large bande de terrain entre deux légères éminences, évidée du sud au nord. C’est une construction carrée de 40 mètres environ de côté.

Son plan ressemble, globalement, à celui du monastère de Qinia. L’enceinte extérieure, dont il reste peu de choses, devait être flanquée de tours aux coins de l’enceinte méridionale. On peut repérer, jusqu’à présent, les structures inférieures de deux tours. Celle du sud-est, garde encore quelques assises en place. On remarque un large fossé au centre du carré restant de la tour. Celle-ci vient d’être éventrée par des fouilleurs clandestins induits en erreur par une méprise populaire qui confond le tombeau du célèbre général byzantin Marcien avec les vestiges de la tour de garde. La tour de l’angle sud-ouest est totalement rasée, et, il est à peine possible d’en retrouver l’emplacement. On remarque, cependant, quelques pierres dispersées dans les parages immédiats.

 

A midi et à l’intérieur de l’enceinte, il y a une citerne qui peut être mise en service jusqu’à présent.

Des pans de mur, encore debout, délimitent les divers compartiments. On peut même observer à l’est du bâtiment l’extrados d’une cave encore conservée sous les amas de débris.

 

Les bâtiments sont groupés dans la partie est du Qassre alors que l’entrée principale devait se trouver au sud.

L’accès donnait sur une cour intérieure de forme carrée dont on peut relever clairement les limites. La cour devait contourner, au moyen d’une large allée, à ciel ouvert, la partie sud de l’ensemble, car on ne peut imaginer la citerne creusée à l’intérieur des logements.

L’appareil, enfin, du vieux Qassre, est grand, d’une taille assez fine et régulière. La pierre a dû être délitée sur les lieux mêmes. Le banc rocheux qui s’étale à cent mètres, environ, à l’ouest du monument, conserve, encore intacts, les vestiges d’une ancienne carrière. La roche est du type dit ”Malaké”, un calcaire blanc, à la fois, résistant et facile à tailler. La carrière se trouve placée à un niveau supérieur par rapport à celui du lit de pose des fondations, ce qui a dû faciliter le transport des pierres. Le choix de tels emplacements des carrières est, par ailleurs, fort commun a la Syrie antique[24]. Plus encore, le choix du site, était souvent conditionné, entre autres, par la présence du matériau nécessaire à la construction.

En effet, on remarque, souvent, à travers le pays, que certains anciens édifices ont été élevés sur les esplanades créées par le délitement de la roche. Rappelons, enfin, que certaines pierres du Qassre, ont été démontées pour être remployées ailleurs[25].

On vient de déterrer des tombes accolées, de l’intérieur, au mur nord du Qassre. L’opération s’étant faite clandestinement, nous n’avons pu, malheureusement, examiner les tombes, avant leur destruction. Nous avons retrouvé un couvercle resté intact et quelques fragments d’os effrité. Le couvercle est fait d’une dalle unique (2 m x 0,90) à rebords biseautés. Dans la terre qui recouvrait les sépultures, nous avons repéré plusieurs morceaux de tuile d’un rouge délavé: Doit-on conclure, de là, que l’édifice était couvert, à l’origine, d’une toiture à tuiles surtout que ”I posti più ambiti di un’area cimiteriale furono quelli situati presso il recinto che spesso era munito di una tettoia” ( protectum teglata)[26].

 

 

Les tombes sont-elles de la période byzantine ou bien antérieure? Il n’est pas aisé de répondre vu l’état auquel elles sont réduites. Une page de Pasquale Testini pourrait jeter quelque lumière. ”Le spoglie del martire come quelle di tutti i defunti; vengono deposte in una semplice tomba, ma ben presto si contorna di sepolcri e diventa centro di un santuario, intorno al quale si raccoglie talvolta una popolazione stabile”[27]. Le cas décrit par l’auteur à propos des martyrs pourrait trouver ici une application judicieuse. Le fameux général, blessé à Koura, fut enterré à Chouita. Le fait est rapporté par le patriarche Douaihi: “Marcien fut blessé dans ce combat, les soldats l’ont emporté au village de Chouita dans le pays du Akkar. Il y mourut. On le fête dans l’église élevée à son nom”[28] Les habitants vénérant sa sépulture, célébrèrent dès lors l’anniversaire de sa mort. Ainsi ces Tombes seraient-elles les sépultures de ceux qui voulurent avoir leur dernier repos aux côtés du martyr? Les tombes se trouvaient encastrées dans une sorte de mastaba, laquelle, vue à plus d’une reprise, nous a toujours donné l’impression de constituer le parement intérieur de mur. Une fois, la fouille réalisée, un examen attentif du lieu nous a révélé que les tombes se trouvaient, effectivement, encastrées dans le mur exceptionnellement large sur ce côté du monument. La mastaba et le mur d’enceinte ne faisaient, en réalité, qu’un seul mur. Le second fait à observer, c’est que le couvercle de ces tombes est du type employé dans le ”sepulcrurn su divo” ”... Un monolito a foggia di coperchio di sarcofago con duplice spiovente”. Cette description du Testini peut s’appliquer parfaitement au couvercle sus-mentionné et le cas échéant, les tombes reviendraient à la période paléo-chrétienne du pays. Dans ce cas comment expliquer le fait rapporté par Douaihi? La tradition appelle le monument ”Qassre Mriq”. D’abord, le général s’appelait Marcien (Mouriqien) et non pas Marc (Mriq) Mouriq a été enterré à Amioun. D’autre part, dans le monument actuel, aucun indice ne laisse présumer de l’existence d”une église. Serait-il alors, le cas d’envisager la pré-existence d’un monastère syriaque avec ses tours habituelles, -abraj-[29] ? L’isolement du site est d’ailleurs significatif. La faction des Malakiés qui s’étaient ralliés à l’empereur, en profitèrent pour enterrer leur martyr et dresser sur sa tombe un ”haikal” dans le sens d’autel plutôt qu’église?[30] Il est vraiment hasardeux de reprendre les deux grands savants, pourtant l’énigme y est toujours.

 

Une petite enclave: qui sont ces chrétiens qui ont vénéré le byzantin Marcien? Sont-ce les Jacobites? Sûrement non! D’abord les textes disent clairement Malakiés et les Jacobites ne l’étaient pas. Par contre, ces derniers menaient un front extrémiste, adversaire de Byzance[31]. Etaient- ils Grecs? Nous avons prouvé plus haut que parmi le peuple il n’y avait ni grec ni maronite avant le huitième siècle. Tous les orthodoxes romains étaient ”Malkaniins”. L’évènement de 694 fut l’un des points de départ des divergences survenues plus tard[32].

 

Ø  Qassre Kleib :

Trois cents mètres environ, à vol d’oiseau, en face et au sud-est du monument byzantin, un éperon se projette au sein d’une large conque aux rebords relevés et arrondis. L’impression est étrange le mamelon semble surgir, du fond d’un large fossé ou bien, être planté au sein d’une plate étendue. L’entaille naturelle qui entoure le château paraît avoir été creusée pour l’isoler du reste du plateau. Il est fort probable que le site fut jadis entouré d’un bassin artificiel. Le ramassis d’eau hivernale trouve à s’évacuer sous la route actuelle juste à côté de la tour sud-ouest de Qassre Mriq.

 

A l’est, le tell est relié au reste du plateau par une sorte d’isthme. C’est, d’ailleurs, le seul accès naturel au sommet du plateau. De l’aire centrale, le tell se dégrade en minces bandeaux jusqu’au fond de la cuve. Des ruines bouleversées parsèment les divers paliers et il est totalement impossible de s’y reconnaître. Les tessons de poterie disséminés un peu partout révèlent une habitation antique. On nous a parlé de la présence sur les lieux d’une pierre portant une inscription ancienne, notre recherche minutieuse n’a pas abouti.

 

La tradition témoigne de l’existence d’un castrum d’un château fort le Qassre Kleib. Le tell est aujourd’hui connu sous ce nom. Rappelons que les Ituréens maîtres de Chalcis (Anjar) étendaient leur impact sur le littoral phénicien avec Tripoli pour centre de ralliement et ce au moins jusqu’au règne de Domitien (fin 1 er siècle). Peut-on penser retrouver dans ces débris les restes de l’un de leurs nombreux repaires montagnards? Les vestiges actuels sont peu significatifs pour un tel fortin.

 

Parmi ceux qui se sont attelés à l’étude de Chouita certains ont fait remonter le site à la 1 ère moitié du onzième siècle à quelque émir de l’une des deux tribus arabes,les banou kalb ou les banou kilàb, Mirdasides ou Taghlibites: les deux opinions peuvent être vraisemblables. Nous pensons, par contre, que le site a pu servir de résidence à quelque moqaddam Kalbite, fameux clan nosairi[33] طائفة الكلبية النصيرية. Ces derniers, écrit Kamal Salibi, formaient la majorité des habitants au Akkar et à Dinnyé[34]. ”Les montagnes d’Akkar et les environs d’Arkas étaient habités par des musulmans d’une secte qu’il nomme ”Voumi” et qui ont, dit il, de grandes affinités avec les Bathéniens, mais dans lesquels il faut voir, je crois, des Ansariés.”[35] Le P. Lammens, reprenant Jacques de vitry pèlerin de la première moitié du 13ème s. affirme leur présence au Akkar et leur extension ”descendus de la région de Akkar” vers le centre du pays[36].

Quand même, les ruines actuelles ne disent rien, les documents non plus, la recherche est ouverte...

 

 

Saints Georges et Daniel

 

Ø  Le Site.

L’ensemble cultuel des Saints Georges et Daniel est à moins de deux Kilomètres à l’ouest de la région des châteaux.

 

Les chapelles se dressent dans un bosquet de chênes verts, abritées par deux légères éminences. Elles sont à cheval entre deux versants de colline qui s’étagent en paliers cultivables jusqu’au fond des ouèds. Le versant sud s’ouvre sur un vallonnement assez large qui, prenant naissance quelques centaines de mètres à l’est de la colline, se dirige vers l’ouest en s’approfondissant. Le versant nord descend en paliers assez réguliers longtemps avant de s’ouvrir en un large éventail sur la trouée de Cham’aa qui relie, entre deux lignes de crêtes, le Cobiath à la plaine de Halba.

 

De l’une des deux éminences qui protègent les chapelles, celle de l’ouest, le regard embrasse un vaste horizon. Au nord, on peut voir, sur le versant des collines d’en face, à moins d’un km. à vol d’oiseau, les vestiges du fortin de Tybo et le village de Majdal. Par temps clair, le château du Felicium est visible à l’oeil nu, alors que, dans le lointain se profile, comme un point blanc, le château de Safitha. Au sud, on peut entrevoir le môle rosâtre du château d’Akkar tandis que, au nord-est, s’étale la masse claire du Crac des Chevaliers sur le vert sombre des montagnes de Nsayriés.

 

Le site est, sans doute, fort antique. Nombreuses sont les civilisations qui s’y sont succédées. Des vestiges de poterie, d’origines différentes, se retrouvent mélangés sur le terrain adjacent aux chapelles. A partir de la qualité de la pâte, de la cuisson et des couleurs, nous avons pu reconnaître des échantillons de céramique de la période gréco-romaine 1appelée communément classique, et, de la période médiévale, surtout d’époque franque.

 

Ø  2- La Céramique Médiévale:

L’absence de poterie intacte et l’état d’effritement dans lequel se trouvent les fragments dispersés à ras de sol, empêchent, faute de fouille, une étude sérieuse de la céramique du site. Des tessons nombreux témoignent, cependant, de l’emploi courant d’une catégorie de céramique dite glacée”[37]. Un lot de fragments recueillis sur le terrain et un examen, même sommaire, de cette céramique, nous permettent, de distinguer deux groupes à partir du décor.

 

a- le premier groupe est à décor essentiellement géométrique, utilisant des motifs en guirlande et des lignes ondulées.

La pâte est rouge, de texture granuleuse fine, comportant de fines inclusions blanches; elle est très bien cuite. Un engobe blanc, parfois brun pâle ou même rose, couvre l’intérieur de ces tessons. La glaçure qui les couvre intérieurement est d’un jaune verdâtre.

Deux traits caractérisent ce groupe: le décor négligé et la surcharge.

 

b- Le second groupe est, lui aussi, à décor géométrique, mais il utilise les cercles concentriques, les spirales et les médaillons. Les fragments de ce groupe sont tournés dans une pâte granuleuse fine, comprenant des inclusions grises, blanches et noires. Bien cuite, la pâte varie de couleur entre le gris pâle, le rouge clair et le jaune - orange.

A l’intérieur, les tessons sont recouverts d’un engobe blanc ou rosâtre et d’une glaçure de couleur jaune pâle. Deux motifs semblent s’y répéter d’une façon frappante  le premier est constitué d’un médaillon décoré de traits horizontaux surmontés de trois motifs en forme de V imbriqués, le second est un cercle coupé de lignes parallèles et légèrement ovales, entrecroisées deux par deux. Les angles extérieurs jouxtant le cercle sont surchargés de traits ondulés et superposés.

 

Autour de quelle date peut-on situer cette poterie médiévale? A suivre l’opinion de Mr. Sarkis, elle doit se situer aux alentours du Xllls.[38]

L’utilisation du site comme centre d’habitation remonte sans nul doute à une haute antiquité. Mais y eut-il jamais un lieu de culte païen ou bien fut-il, tout simplement un centre rural? Nous penchons pour la seconde opinion et ceci pour deux raisons. Nous n’avons réussi à découvrir aucun témoin de ce qui a pû être un temple, ou le moindre objet qui pût être au service du culte païen. La chose est, par ailleurs, confirmée par la tradition locale qui garde un silence total à cet égard. Les vestiges rémanents remontent certainement à la période paléochrétienne. Par contre, les coordonnées d’une ancienne installation agricole sont bien vivantes.

 

Ø  3- Installations agricoles:

Chouita fut un centre rural d’importance. A côté du site des Saints Georges et Daniel, s’élevait une installation industrielle prospère. Nous pensons qu’une importante agglomération humaine vivait sur le plateau, agglomération du genre appelé par G. Tchalenko un ”village antique de la Syrie ”.

Le village est toujours répérable. Il couvrait le versant méridional de la colline coiffée par les chapelles. Des maisons, par groupes, s’étalaient en paliers descendant jusqu’au bas du mamelon. D’autres s’élevaient au delà des chapelles, grimpant vers la colline septentrionale. Des chapitaux en pierre, à bras ouverts gisaient sur le sol. Nous en avons transporté quelques-uns au collège des Carmes à Cobiath où ils sont toujours exposés parmi d’autres, dans les jardins de l’établissement.

Qu’il y eut, cependant, une installation industrielle dans le voisinage immédiat des chapelles, le fait, comme nous le verrons, n’est sujet à aucun doute il s’agit, en réalité, d’une huilerie assez vaste et bien organisée. et d’un fouloir à raisin.

 

A- Fouloir à raisin :

A cent mètres, environ, des chapelles, le mamelon oriental est fait d’une vaste lame rocheuse qui, s’allongeant de l’est,’s’abaisse, à l’ouest, en pente douce vers l’entaille où le site des chapelles est encastré.

 

Les divers éléments constitutifs du fouloir ont été taillés, graduellement, à même le rocher. Tout là-haut, vers la crête, nous distinguons le broyeur. Celui-ci est formé d’une large assiette adossée, vers l’est, au rocher. Le madrier était encastré dans une mortaise creusée dans le flanc nord du rocher. La meule, enfilée dans un arbre horizontal, devait ainsi tourner sur elle-même pareille aux roues d’une voiture. Les grains, ainsi écrasés par la meule glissaient avec leur jus dans une recette large et peu profonde qui, à son tour, versait son contenu dans une cuve identique, au goulot évasé.

 

Ainsi, de vasque en vasque, le raisin écrasé et pressé par d’autres meules dont on voit encore plusieurs sur le terrain abandonnait son résidu. Le jus clarifié et filtré était transvasé dans d’autres petites vasques aménagées dans le blanc rocheux aux cotes du fouloir.[39]

 

B- Installation huilière

La plate-bande rocheuse qui s’étend au pied de la presse à raisin s’allonge bien en avant vers l’ouest. La totalité du sol rocheux était presque couverte d’une couche de terre drainée de la colline par les eaux pluviales. Comme d’habitude, les fouilleurs de nuit, leurrés par le trou en forme de croix, taillé dans le fût d’ancrage ont mis à jour une installation huilière complète. A l’extrémité du terrain, tout près du muret occidental on voit le bout du rouleau qui se dresse encore dans son assiette. La vasque et les broyeurs n’ont pas encore été déterrés, mais la maie sur laquelle, les scourtins contenant la pâte d’olive étaient empilés pour être pressés et le bassin où l’on reposait l’huile, existent toujours, juste à la lisière nord du terrain. L’olivier est aujourd’hui presque absent du haut plateau mais sa culture devait, autrefois, être fort prospère surtout sur les pentes des collines avoisinantes puisque certaines d’entre elles, en portent encore le nom (Mrah-Ezzeitoun).

 

L’eau:

L’eau est rare à Chouita, la grande eau d’irrigation n’existe pas. Une petite source au sud du plateau, surgit au creux d’un ravin peu profond à quelque certaines de mètres des chapelles. L’été, il n’en reste qu’un mince filet. Une autre, ”Ain Chouita”, se trouve encore à cent mètres environ au nord du plateau: la source était aménagée en  - qabou -, voûte en arêtes - elle vient d’être rasée au sol. Ceci explique le grand nombre de puits creusés un peu partout. Nous en avons dénombré sept, dans le voisinage de la seule huilerie. Des rainures canalisant l’eau de pluie vers les citernes, à partir d’assiettes aménagées sur les hauteurs, sillonnent les pentes du banc rocheux.

 

Ø  4- Constructions Anciennes:

Entre deux éminences rocheuses, un espace rectangulaire (100 x 30 m.) s’allonge d’est en ouest.

Actuellement c’est un champ cultivé. En réalité, il doit s’agir d’une dalle rocheuse compacte, et la terre, qui constitue le sol cultivable, n’est qu’un cumulus d’apport alluvional. On remarque, en effet, des saillants rocheux pointer à travers le champ et plus d’une citerne ouvre sa gueule béante dans le sol. Les deux pentes, sud et nord, s’affaissent d’une manière abrupte. La falaise sud s’ouvre sur l’esplanade ombragée qui porte le lit des chapelles. En contrebas de l’esplanade, toujours au sud, et à deux mètres de décalage, un long ruban de terrain plat conserve encore de vastes ruines. Celles-ci alignent, d’est en ouest, une série de salles rectangulaires tombées en ruine. Les salles, juxtaposées et appuyées au mur de l’esplanade, ouvrent leurs portes sur une même allée.

 

Nous avons déjà signalé la présence de cette série de salles aux côtés d’autres églises, comme l’église Mar Mama à Eddé - Batroun; elles devaient servir soit à enseigner les enfants du village, soit à loger le clergé, soit à recevoir les récoltes du domaine.

Les lambeaux des murs, couverts de décombres, sont faits d’assises à gros appareil mais de taille fine et régulière. Les structures de ces ruines semblent beaucoup plus anciennes que celles des chapelles voisines et d’une facture différente (= taille, forme et matériaux). Plusieurs légendes populaires ont mythifié le passé du site. Nous en retenons un trait qui pourrait constituer le point de départ d’une réalité, l’existence d’une crypte sous le lit actuel des chapelles.

 Un vieux campagnard, affirmant avoir participé à une fouille clandestine, nous a indiqué l’emplacement de l’accès qui doit conduire à la crypte.

 

D’après le même témoin, il faut rechercher cet accès au pied d’un vieux chêne, à quelques mètres à l’ouest de la façade actuelle de la chapelle de Saint Georges[40]. A l’est de l’abside, d’autres ”chasseurs aux trésors” viennent d’exécuter une profonde excavation. Le détritus noir mêlé de fragments de poterie diverse et de pierres de taille, démontre une terre d’accumulation.

 

Ø  5- La Nécropole:

La nécropole du site creuse ses hypogées dans la paroi de la falaise nord à 30 mètres des chapelles. Les tombes semblent être nombreuses, mais la plupart sont ensevelies sous une accumulation de terre alluvionale.

 

Ø  6- La Tombe Ovale:

L’une de ces tombes, qui dut être fouillée autrefois, se présentait à l’extérieur sous un aspect particulier. Croyant à une fontaine antique, nous dépouillâmes le lieu, de la broussaille et des détritus accumulés. Ce n’était qu’une tombe mais d’un type original, en forme d’oeuf. Une courte et large allée mène à une sorte de mastaba. Le tout, aménagé dans le même banc rocheux, prend l’aspect d’une cavité hémisphérique évasée vers l’extérieur. Au milieu de l’entaille, une surface lisse, faite verticalement à main d’homme, s’ouvre béante sur l’esplanade: Ce n’est que la porte de la tombe. Cette porte de forme rectangulaire (0,85 x 0,60 m.) est surélevée de vingt centimètres du niveau de l’esplanade. Elle est surmontée d’un tympan de style grec sans pied-droit. Prenant à l’extérieur l’aspect d’un ”Ioculurn cum centina arcuata”, la tombe se présente à l’intérieur sous la forme parfaite d’un oeuf géant dressé sur sa pointe la plus étroite.

Au rapport de P. Testini ”il sepolcro ad arcosoglio” ou mieux, ”il loculo con centina arcuata” est d’origine orientale. Des tombes semblables ont été étudiées par le même professeur, au cimetière de san Pancrazio à Rome. La date de l’une d’elles, affirme l’auteur, doit être située aux alentours du III s. ”In un cubicolo del terzo secolo detto di Botrys da una iscrizione greca, si notano caratteristici loculi con centinatura superiore a forma di arcosolio”.[41]

A l’exception, cependant, de l’arcosolio, nous n’avons pu rapprocher la tombe ovale de Chouita de nul autre exemplaire dans le pays. Une chose, pourtant, paraît être vraie: cette tombe est de forme typiquement chrétienne si l’on se base simplement sur le thème de l’oeuf symbole christique par excellence.

 

 

Ø  7- L’Eglise

Elle se compose de deux chapelles contigües. De dimensions presque égales, les chapelles sont en retrait l’une par rapport à l’autre: la chapelle sud, légèrement plus grande, devance largement celle du nord.

Les chapelles ont un plan semblable. Ce plan comporte un vaisseau unique couvert d’une voûte en berceau légèrement brisé et terminé par un sanctuaire à abside unique de forme semi-circulaire couverte d’une calotte en cul-de-four. Deux ressauts raccordent la nef et l’abside.

 

Les chapelles sont régulièrement orientées, Le décalage entre elles, laisse un vaste espace soit entre les absides, celle de la chapelle sud n’a que deux mètres à peine de recul par rapport à la façade ouest de la chapelle nord, soit entre les corps mêmes des chapelles. Une esplanade, relativement large, s’étale entre le côté ouest de la chapelle nord et le flanc de la chapelle sud.

 

La Chapelle Nord: Mar Daniel  (ST. Daniel):

Les dimensions intérieures de cette chapelle sont de (5,50 x 4,50) mesures n’englobant pas la profondeur de l’abside. Le rayon intérieur de celle-ci est de (2,20m).

Le sol actuel de l’abside est légèrement surélevé par rapport à celui de la nef. L’intérieur de l’église vient d’être refait. Le mortier enlevé a mis à jour la paroi pierreuse. L’appareil n’est pas fin, il est parfois informe et porte les traces d’un ancien incendie. Ce dernier, serait-il celui de 1271 causé par l’invasion de l’armée du Sultan Baibars?

 

L’intérieur ne semble jamais avoir été retouché.

Tout au plus, on refaisait, de temps en temps, le badigeon bleu délavé qu’on apercevait avant la restauration de l’église. La façade ouest, écroulée en partie, il y a quelque temps, vient d’être restaurée, (mais quelle horreur!) avec les dalles couvercles des tombes déterrées à Qassre-Mriq de Chouita. L’intérieur était éclairé par la seule porte, aujourd’hui agrandie, surmontée d’une petite baie rectangulaire.

L’abside, à présent complètement aveugle, devait avoir eu, jadis, la baie réglementaire qui desservait normalement les sanctuaires maronites. Cette baie, en principe symbolique - elle indique l’Orient, source de lumière - servait à aérer plutôt qu’à éclairer cette partie reculée de l’église.

 

Des niches évidées dans les murs de rive recevaient autrefois les qandiles (lampes à huile) et les livres sacrés. Les murs ont une épaisseur raisonnable, sensée supporter le poids de la voûte en berceau brisé et de la terrasse en terre battue qui la couvre. L’abside saillante ne possède aucun élément de décor à l’extérieur. Le seul décor intérieur est la moulure en biseau qui court le long de l’abside seulement, et, à la hauteur de la naissance de la calotte absidale. La paroi, jadis enduite, devait porter des peintures dont on relevait, autrefois, quelque trace. A l’extérieur, l’appareil des murs de rive est assez ordinaire sauf où l’on a renouvelé la pierre. Autrefois, aussi, on accédait à l’intérieur de l’église en descendant les trois marches d’un escalier de fortune fait de pierres informes. Des travaux de terrassement, exécutés dernièrement (mars / Avril 1985) ont abaissé le niveau du sol précédant la façade ouest. Ceci permit une entrée plus normale, mais le remblai enlevé mit à jour deux choses nouvelles: d’abord, les infrastructures d’une construction ancienne qui dépassent au nord et à l’ouest le mur de rive nord de la chapelle sud. On découvrit, en outre, plusieurs tombes de type très courant dans le comté de Tripoli[42] Le corps, placé à même le sol, entouré d’une série de pierres dessinant un tracé de forme oblongue, était couvert de petites dalles. Parmi les os, on a relevé des boucles de ceinturon et une pièce de monnaie frappée aux armes des Lusignan. Peut-on penser à des sépultures de la période franque, ou bien, doit- on, tout simplement, faire remonter les tombes à la guerre de 1914 - 1918 : D’après le témoignage des anciens de Cobiath, le choléra, appelée populairement ”l’air jaune”, faucha alors tellement du monde que, pour éviter les séquelles d’une sépulture normale dans les cimetières citadins, on enterra les dépouilles loin des centres habités.

 

La chapelle Sud: Mar Gergés (ST. Georges):

De dimensions, sensiblement, égales à celle du nord cette chapelle s’allonge dans le sens de l’ouest, bien en avant, par rapport à sa voisine. Ceci fait que le mur mitoyen est assez court et prend naissance juste au point de départ de l’arc triomphal de la chapelle sud. L’église n’est pas rectangulaire dans le sens strict du mot. Elle accuse plutôt une forme légèrement trapézoïdale dont la base la plus courte est formée par la façade ouest. Celle-ci a été refaite, il y a quelque temps. Le mur de rive sud accuse une triple superposition de constructions. La plus basse, le socle du mur, est certainement beaucoup plus ancienne, elle atteint la hauteur de deux et parfois trois assises, seulement. La seconde, a un recul, nettement sensible, vers l’intérieur, les dernières assises avant la terrasse appartiennent à une construction, visiblement, plus récente. Comment peut-on, alors expliquer la présence d’un mur de rive construit à plusieurs reprises et par paliers successifs à côté d’une voûte multi-séculaire? Le fait n’est pas extraordinaire... l’effondrement du parement extérieur du mur n’implique point l’écroulement de la voûte, preuve en est l’âme des murs de Qalaat Tybo toujours debout. (Voir atlas).

 

Le mur a dû être refait, mais d’une façon tellement maladroite que, écroulé une seconde fois, il a été refait à nouveau. Les traces de ces réfections toujours lisibles, sont fort normales si l’on admet que la région n’a pas été épargnée par les tremblements de terre.

La nef est raccordée au sanctuaire par un simple ressaut, l’espace laissé entre l’extrados de l’arc triomphal et le cintre de la voûte est bien large. La calotte absidale, rabaissée d’une façon frappante, trace le dessin d’un demi - oeuf écrasé.

La moulure en biseau grossier probablement préparé pour un stucage qui marque le point de naissance de la calotte absidale dessine une frise trop basse (environ un mètre ) comparée aux moulures des autres églises de la région, moulures dont le niveau dépasse, généralement, la hauteur d’un mètre et demi. Le fait doit trouver son explication dans un surhaussement postérieur du sol.

Une sorte de mastaba, formée d’un ramassis de pierres informes, noyées dans un mortier quelconque, était collée à la paroi intérieure de l’abside à quelques centimètres de la moulure. Lors des derniers travaux exécutés dans l’église (Mars 1985), cet autel de fortune fut démonté. On y trouva une tombe accolée à l’abside, très probablement la sépulture de quelque prêtre, coutume appliquée depuis une longue date chez les Maronites.[43]

Le déblayage mit aussi à nu la partie intérieure de l’abside jusqu’alors voilée par la mastaba. L’appareil de cette paroi est d’un travail très fin qui contraste avec le reste de l’église. Il semble, en outre, continuer, de la sorte, au sein du sol, preuve que les basses assises de l’abside sont toujours couvertes par un remblai du sol.

Dans le bourrage de l’ancien mastaba-autel on a retrouvé les morceaux d’une table d’autel antique. C’est une dalle de pierre rectangulaire (1 m x 0,80 m) elle est creusée, à ses quatre coins, de quatre entailles carrées. Le centre de la dalle porte une petite excavation qui contenait, généralement, les saintes reliques. (Voir atlas)

 

Quatre croix pattées, tracées en creux, forment le dessin d’un carré autour du trou central placé lui aussi dans une cinquième croix.

Les quatre entailles des angles étaient destinées à porter les colonnettes qui soutenaient le baldaquin, couverture traditionnelle des autels maronites. Ce baldaquin avait, généralement, l’aspect d’une belle coupole de pierres.[44]

L’autel est surmonté de la baie habituelle. Cette baie est, aujourd’hui, aveugle bien qu’elle soit ouverte à ses deux extrémités.

La nef reçoit son éclairage par la porte d’accès et par plusieurs baies.

 

L’ancienne porte était exiguë, basse et étroite surmontée d’une petite fenêtre rectangulaire. Toute la façade ayant été rénovée, la porte a été agrandie.

 

Deux autres fentes, situées au niveau du point de raccord de la nef avec l’abside, éclairent et aèrent l’église. L’une, placé dans le mur sud, à 1,50 m. du niveau du sol, forme une véritable meurtrière.

L’autre, placée, juste en face, dans le mur nord, à même le sol, pose un grand point d’interrogation autour de sa fonction. Elle n’est ni fenêtre, ni baie, ni meurtrière.

A quoi pouvait-elle servir? Probablement, c’était une porte latérale qui donnait sur l’esplanade précédant l’autre chapelle, avec un escalier percé à l’est, dans le mur mitoyen (actuellement aveugle). Cette porte possède un linteau monolithe basaltique, d’apport, décoré d’une belle croix antique pattée. (Voir croquis page 130 et atlas)

 

 

GHORZATA

Il serait inutile de chercher le site sur la carte du Liban. Le village moderne est mentionné sous le nom de Mrahat (bercails). Une petite croix signale à peine l’emplacement d’une église: notre Dame de Ghozrata. Placée presque à mi-chemin entre la citadelle du Gibelacar et la région des châteaux à Chouita, quatre kilomètres à pied séparent à peine les trois sites.

Pour y aller de Saint-Georges, on suit un tronçon de route vers le sud-est, on contourne un large vallonnement au nom de Mahallat, on traverse le plateau au pied d’une colline rocheuse dont le flanc nord, fort large, berce dans ses pentes ensoleillées le dernier repos des anciens habitants de Ghozrata. Les chapelles de Notre-Dame, quelques centaines de mètres plus loin, à droite du chemin, s’effondrent à l’ombre du vieux bosquet de chênes verts traditionnel.

 

Ø  Le Site:

L’emplacement de Ghozrata se situe sur l’un des passages obligatoires entre le Akkar et le Cobiath. La muraille montagneuse qui sépare les deux régions abaisse brusquement sa ligne de crêtes pour devenir un plateau facile à traverser. Le site enfourche le dos d’un éperon, qui s’élance vers le nord-ouest, bordé de deux ouèds.

Le Nahr Essinn, formé des eaux descendant de Qammou’a, dans la haute montagne, draine dans sa course tortueuse les sources de Akkar-el Atiqa. La vallée, large et profonde, aux charmes saisissants, s’évase à son début au sud, pour devenir profonde et étroite à son point de jonction avec le fleuve de Cobiath et le Nahr Oustouène au niveau de qalaat Tybo vers le nord. Cette vallée, connue communément sous le nom de Akkar el Atiqa, Akkar l’ancienne, n’est pas trop étendue, mais à travers sa longue histoire, elle a eu des pages fort glorieuses. Son renom ne provient pas seulement du célèbre château fort, datant seulement du Moyen-Age, il s’enracine bien profondément dans l’histoire. Son ancien temple dédié au soleil - l’identification du monument reste, cependant, aléatoire-berça les premiers balbutiements des empereurs syriens, à l’avis d’un courant actuel d’historiens qui tendent à placer la naissance des Sévère, non plus à Arqa comme on l’a cru longtemps, mais bien dans le temple du soleil à Akkar-el Atiqa.

 

La passe Saint-Simon à Daoura, dominant à l’ouest la dernière rampe avant le début de la descente vers la vallée, conservait intact, jusqu’à quelque temps, un tronçon de route romaine, route qui devait, tout naturellement, relier Arqa à Homs par Akkar-el Atiqa et le Cobiath.

 

Ghozrata, juché sur son éperon, regarde à l’ouest le bas de la vallée au niveau de Sinn tandis que son territoire étale ses champs jadis prospères en oliveraies, bordé au nord-est par la profonde vallée de Mahallat. Notons au passage la présence des pressoirs et moulins à olives épars ça et là aux alentours des chapelles.

 

Ø  2- La Nécropole:

Si la croyance en la divinité constitue le chaînon de solidarité historique entre les hommes, cette solidarité se révèle aussi constante à travers sa foi inébranlable en l’immortalité de l’âme humaine ”parcelle de divinité déchue” ayant tout droit à être réhabilitée dans une seconde vie plus ou moins transcendantale. Cette expectative innée dans l’homme a porté celui-ci à prendre soin de sa dernière demeure comme l’attention qu’il porta à la demeure des dieux. Cette attention s’explique d’une façon particulière dans le champ funéraire de Ghozrata. Les sépultures hypogéales sont disséminées un peu partout dans les vieux centres de la région. Elles sont appelées ”Naous” par les uns et ” tombes Juives” par les autres. Mais la présence massive, soit des sépulcres soit des hypogées sur un même lieu de façon à former une véritable nécropole paraît un phénomène sans second dans le pays. Le champ funéraire couvre toute une dalle rocheuse sur le flanc de la colline, soit une plaque de forme allongée (500 x 300 m. environ), délimitée à son point culminant par la forêt. Vers le bas, la pointe ouest est endiguée par les champs cultivables. La nécropole ne semble pas organisée selon un plan d’ensemble. Les tombes individuelles et les hypogées, pêle-mêle, se plient aux vicissitudes de la dalle rocheuse et au hasard des circonstances.

 

 

Ø  3- Les tombes individuelles:

Les tombes individuelles découvertes jusqu’à présent dépassent la centaine. Plusieurs autres se laissent facilement deviner soit sous une couche de terre d’accumulation soit sous les buissons et la broussaille. Leur localisation n’est soumise à aucun plan d’ensemble.  Parfois elles se rangent en ligne horizontale sur un même banc rocheux. Souvent c’est un espace incliné qui en est littéralement couvert sans aucun ordre. D’autres fois c’est une tombe isolée qui semble rechercher le recueillement de la solitude.

 

Les tombes individuelles appartiennent au même type de sépulture, le type appelé ”sepulcrurn sub divo”. Le couvercle est fait d’une dalle de 70 cm. d’épaisseur. La dalle est taillée de manière à être encastrée par le bas dans un lit de pose coupé sur les rebords de la fosse rectangulaire tandis que la partie supérieure du couvercle dépasse de 20 cm, généralement, la bordure de la cavité, alors qu’elle s’élève de 40 cm, au-dessus du niveau du sol. Les dalles parfaitement encadrées ont, toutes, des surfaces lisses. Nous n’avons pu relever aucun signe, inscription ou symbole qui puisse jeter des lumières sur leurs hôtes. Les cavités ne sont pas toutes identiques.

Taillées en creux dans les surfaces plates du rocher, elles ont généralement la forme d’une caisse longue et profonde. Certaines cavités comportent parfois une entaille creusée sur le côté oriental et qui semble devoir être destiné à recevoir la tête du mort. Les tombes sont généralement orientées. Quelques-unes, cependant, s’allongent dans le sens nord-sud, orientation due probablement à la configuration du rocher.

 

Ø  4- les hypogées:

Ils sont beaucoup moins nombreux. Deux, cependant, soumis préalablement à des fouilles clandestines, constituent deux types exceptionnels, comparés aux autres sépulcres semblables du pays. Le premier, creusé dans le flanc d’une vaste dalle rocheuse, prend à l’intérieur l’aspect d’un trèfle, type appelé ” sepolcro a tricore”. La porte rectangulaire, ornée d’une moulure grecque et précédée d’une entrée triomphale donne sur le sépulcre par un court escalier aujourd’hui remblayé. A l’intérieur, la chambre funéraire englobe trois niches de dimensions égales avec le même genre de Loculi. L’ensemble explique parfaitement la forme d’une croix stylisée. Ce premier hypogée cruciforme est placé au centre de la première moitié de la nécropole en remontant la pente de la colline funéraire. Un large espace vide isole l’hypogée du reste des sépulcres. La terrasse de l’hypogée porte jusqu’à présent une khirbé informe. La pierre des assises est fort soignée et deux absides informes pourraient donner l’impression de deux chapelles jumelées et parfaitement orientées. Serait-ce le reste d’une église double, semblable aux autres chapelles du pays, ou bien, le vestige d’un martyrium comme on en rencontre ailleurs en Syrie, ou mieux une partie de l’ensemble appelé, “monumentum cum hypogeo”. Seule, une fouille, faite toujours à temps, pourrait répondre à nos questions.

 

Le second hypogée, situé assez loin du premier, presque au sommet de la colline, est creusé dans un banc rocheux de fortes proportions. L’allée précédant l’accès est spectaculaire. Une porte relativement petite donne au moyen d’une pente à l’intérieur d’une salle presque carrée (4 x 5 m.) on doit se plier en deux pour pénétrer dans la chambre obscure. Mais, une fois que l’on est dedans, l’intérieur est fort reposant malgré l’humidité provoquée par l’eau qui, suintant du rocher, vient se déposer dans les loculi. Les bergers de la région en sont familiers pour y avoir souvent fait boire leurs chèvres à cette eau maintenant fétide. Le plafond est assez élevé pour permettre à un homme de s’y tenir debout malgré l’épaisseur de la couche de détritus qui comblent le fond. Six niches de dimensions inégales se trouvent encastrées dans trois des quatre parois de l’hypogée. L’une de ces niches comprend une double rangée. Les niches sont en forme d’arcosolium dont le centre repose sur des colonnettes, en pied-droit, sculptées en relief dans un cadre

 

De style grec et de facture assez soignée. Un tronçon de dalle couvercle, les loculi ayant dû être couverts de dalles épaisses dont on voit les fragments sur le sol , porte une inscription en lettres grecques. L’état tourmenté de la pierre nous a empêché de relever l’inscription in situ.

Un passage présumé, à la droite de l’entrée, relie, preuve lumineuse à l’appui, l’hypogée en question à un autre hypogée situé à une dizaine de mètres plus bas.

La liaison entre les deux chambres funéraires ne peut pas être expliquée par une anfractuosité naturelle puisque le passage offre, sans aucun doute tous les symptômes d’une exécution artificielle. Pourtant l’espace est tellement étroit qu’un chat réussirait difficilement à s’y faufiler.

Comment fut-il taillé au sein du même bloc rocheux? A quoi pouvait-il, surtout, correspondre?

 

Notons la présence d’une installation huilière semblable à celle décrite plus haut et parfaitement conservée dans le voisinage immédiat du premier hypogée. Tout près de la maie du pressoir, des sièges sont taillés dans le mur rocheux qui présente aussi une petite niche fort originale destiné probablement, soit à garder au frais une gargoulette d’eau, soit à abriter une lampe à huile (Sirage), usages jusqu’à présent en vigueur parmi les villageois de la contrée. Ce type d’huilerie, comprend une série de bassins en gradins taillés dans le roc, de lourds montants destinés à l’arbre et des citernes actuellement remblayées. Sur le terrain adjacent on trouve des rouleaux en pierre pareils à des fûts de colonne fortement galbés.

 

Disons enfin que si notre version à propos de la nécropole est exacte, la superposition de différentes civilisations se révèle être vraie et nous ne sommes pas loin de retrouver l’empreinte médiévale dans la khirbé qui surmonte le premier hypogée, vestige d’une double chapelle antique.

 

Ø  5- L’église Notre-Dame de Ghozrata:

Situées à un demi-kilomètre environ à l’ouest de la nécropole, les ruines de l’église, dite Notre-Dame de Ghozrata vivotent à l’ombre d’un bosquet de vieux chênes témoins d’une civilisation en train de s’effacer sous l’effet des éléments et l’oubli des hommes. Ghozrata, remplacé aujourd’hui par le hameau de Mrahat, assista tristement au départ de son denier habitant chrétien chassé par les événements meurtriers de 1958. Peuplé, aujourd’hui, de musulmans sunnites, ceux-ci vouent un grand respect à la ”demeure de Mariam”. Mais, hors service, le vieux sanctuaire s’effondra et une ruine galopante effrite, sans pitié, ce qui reste du vénérable Mazar.[45]

 

 

a- Le plan:

L’église Notre-Dame de Ghozrata se compose de deux chapelles juxtaposées, de dimensions presque égales, la chapelle sud, légèrement plus petite (6,90 = 6,85 m) devance largement celle du nord.

Les deux chapelles ont un plan semblable. Il comporte un vaisseau unique qui, à l’origine, devait être couvert par un berceau légèrement brisé et terminé par une abside coiffée d’un cul-de-four. Deux ressauts raccordent ces deux éléments. Les chapelles sont dûment orientées. Le décalage entre elles laisse un large espace entre les deux absides. Le sanctuaire de la chapelle sud a deux mètres à peine de recul par rapport à la façade ouest de la chapelle nord. L’espace, laissé libre par le décalage entre les deux absides, est comblé de ruines antiques rendues informes par les débris accumulés. Ces ruines, s’étendant du sud au nord, constituent, très probablement, les vestiges de l’ancienne église paléochrétienne dont on peut admirer le beau linteau conservé jusqu’à présent. Nous pensons que le décalage si grand entre les chapelles peut-être effet de la présence de cette antique église à laquelle elles ont été ultérieurement accolées[46].

 

b- La chapelle nord:

Les dimensions intérieures de cette chapelle sont de (5,60 x 3,40 m) mesures ne comprenant pas la profondeur de l’abside. Le rayon intérieur de celle-ci est de 1,50 m. et son sol se trouve surélevé par rapport à celui de la nef, malgré le bouleversement causé par le récent effondrement de la terrasse. Le mur méridional de la nef est évidé en son milieu d’une arcature longue environ deux mètres. Nous n’avons pu en déterminer l’élévation à cause du remblai qui jonche le sol. Cette arcature, aujourd’hui aveugle, devait, à notre avis, donner accès à l’intérieur de la construction paléochrétienne. L’abside est, elle aussi, aveugle et la chapelle n’est éclairée que par le moyen de la porte et d’une baie rectangulaire qui la surplombe.

 

c- La Construction :

Elle est simple et faite de pierres de taille du type dit malaké, extraites de la colline voisine qui abrite la nécropole et où l’on peut remarquer les carrières jusqu’a présent. La pierre, assez  grande, est convenablement appareillée. L’abside est encastrée dans un ouvrage carré ce qui donne au monument entier I’aspect d’un parfait rectangle (7.70 x 5.l5 m). L’unique entrée, formée d’une porte fort simple, constitue, dans la façade ouest, un rectangle sans décor, surmonté d’un arc de décharge qui enveloppe le linteau monolithe qui en franchit l’ouverture sans consoles. Une baie placée au-dessus de la porte, constitue le seul éclairage visible de la nef. Elle est faite d’un rectangle intérieur, restreint vers l’extérieur en forme de meurtrière. La voûte n’est pas extra-dossée mais couverte d’une terrasse en terre battue dont on voit quelque reste encore en place. La chapelle n’est soutenue de nul contrefort, les murs de rive, larges de 1.08m se sont avérés suffisamment résistants pour supporter les poids et pression de la surcharge résultant de la terrasse.

 

d- Le Décor:

Il ne se manifeste à l’intérieur que par l’imposte moulurée qui court à la hauteur de la naissance de la voûte de l’abside, à 1,40 m, du niveau du sol. Le reste de la nef n’offre aucun élément de décor, mais les surfaces devaient être couvertes d’une couche d’enduit dont on observe quelques traces fort délavées. A l’extérieur, aucun élément de décor architectural ne distingue les murs simples mais bien appareillés.

Il faut noter, cependant, dans le parement extérieur de la façade ouest, la présence d’une pierre monolithe (2,05 x 0,40 x 0,30) insérée dans le mur. Partant de l’angle nord-ouest, elle se dirige vers le sud dans le sens de la porte d’entrée à 1,50 m d’élévation du niveau du sol. Il s’agit probablement, comme nous l’avons déjà signifié, du linteau de l’antique église réemployé. Il ne porte pas d’inscription mais l’une de ses faces est gravée de trois lignes horizontales et ondulées qui embrassent une croix, du type paléo chrétien, nimbée d’un cercle de 0,23 m de diamètre. Nous avons relevé la même croix sur un linteau appartenant à l’église de Trèz près Machta el Helou à 25 km au nord-est de Safita en Syrie. D’après une inscription grecque, cette église-là porte la date de l’an 245 après J.C. Serions- nous, à Ghozrata, en présence d’un lieu de culte chrétien construit autour de cette date?

 

e- La Chapelle sud:

De dimensions sensiblement égales à celle du nord, cette chapelle est placée fort avant par rapport à sa jumelle. De ce fait le mur mitoyen, assez court, prend naissance quelques centimètres (0,45 m) à peine avant le point de départ des ressauts de l’abside, seul élément toujours conservé du monument écroulé. Le vaisseau unique devait être voûté en berceau légèrement brisé surmonté d’une terrasse en terre battue, ceci est déductible de la forme des murs de rive en partie debout. Le rectangle de la nef mesure (5,05 x 3,40 m). Pourtant, il a permis aux architectes d’y placer deux portes d’entrée. L’une (0,60 m) dans la façade ouest, est conservée jusqu’à la hauteur de trois assises seulement, et, permettait l’accès à l’intérieur de l’édifice à partir d’un escalier dont on peut discerner les gradins bouleversés.

 

L’autre (0,85 m) est percée dans le mur nord, juste à l’angle nord-ouest, et débouche directement sur l’esplanade qui précède la chapelle nord permettant une communication plus facile entre les deux chapelles.

La construction de l’abside semble poser un dilemme. En réalité, nous nous trouvons face à deux absides imbriquées l’une dans l’autre tout en gardant un espace vide de 0,50 m de distance entre leurs hémicycles respectifs et de 0,30 m entre les calottes de coiffe. Ces dernières sont posées l’une au-dessus de l’autre sans aucun lien apparent. Le mur du premier cul-de-four est percé en son milieu d’une baie rectangulaire assez grande. Elle apparaît, de prime abord, une fenêtre obstruée; en réalité elle forme le premier cadre détaché d’une porte qui enveloppe la seconde abside. L’escalier est obstrué par l’éboulement, mais la lumière d’une torche projetée à l’intérieur laisse entrevoir le dessin initial qui, après avoir pris la direction de l’est, dévie vers la gauche pour aboutir sur la terrasse de l’autre édifice. Les murs de cette chapelle emploient les mêmes matériaux et la même taille de pierre que la chapelle précédente, pourtant le parement intérieur de la première abside semble mieux appareillé. La pierre, plus petite, présente des surfaces très polies, et, un soin tout particulier semble avoir été donné à l’équarrure des joints. Le pied-droit méridional de l’arc triomphal de la première abside montre sur certaines assises des caractères isolés qui, sans aucun doute, sont de simples marques de tâcheron déjà relevées sur d’autres ouvrages de la période franque.

 

Disons, enfin, que cet ensemble cultuel de Notre-Dame n’est pas au centre de Ghozrata. L’ancienne ville devait couvrir le plateau qui projette ses éperons sur le Nahr-Essinn face au fortin de Tybo et du château d’Akkar. Certain quartier devait vraisemblablement s’élever aux environs de l’actuel hameau de Mrahat. Nous avons pu relever la présence de tombes anciennes et suivre les traces oblitérées d’une église double dite de Hadia, dans le même site.

Le site est aujourd’hui un weli, et, à l’ombre d’un vétuste bosquet, des sépultures musulmanes couvrent peu à peu le sol de l’antique sanctuaire chrétien. Quelle fantaisie du hasard ! Sur ce vieux sol du Akkar, les hommes, victimes d’une haine confessionnelle implacable se retrouvent.


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LE OUADI HILSBAN

 

Hilsban, Aïn-Essit, Mar Challita, Betouège, Mar Sarkis, une série de noms aux résonances antiques. Des noms qui disent peu aux profanes et beaucoup aux chasseurs de mythes et aux amoureux du passé. Le temple de Hilsban enfoui sous un cumul de détritus et d’oubli laisse planer le mystère autour de ses origines et de sa destination première dans l’attente que le voile soit un jour, enlevé. La photographie ou l’inspection aérienne pourrait, peut-être, permettre de retracer la route romaine qui, à travers la vallée, reliait la Boqeiaa et Homs à Arqa par le biais du Akkar, route utilisée sans doute par la belle chevalerie franque de l’époque, empruntée très probablement par Baibars montant à l’assaut du château d’Akkar et suivie au XVII s. par le redoutable Emir du Liban Fakhreddine à la poursuite de son coriace rival, Ibn Saïfa, retranché au Crac des Chevaliers.

 

 

A-  Aïn Essit

 

Ø  Le nom

”La source de la Dame”; que peut signifier le nom?

Très probablement, un ancien culte de source comme Ain-el Qabou de Oudîn dans la vallée homonyme et tant d’autres sources du pays. Les qualités curatives de cette eau ne sont pas ignorées de la population locale qui en raconte des merveilles. Nous ne doutons point de leur bonne foi, mais pourquoi le nom? Doit-on traduire le ”Ain” par ”oeil” et non par ”source” ce qui reviendrait à dire l’oeil de la dame” vu que le mot arabe ” Aïn” peut signifier indifféremment oeil et source. Le thème de l’oeil est fondamental dans l’ancienne poésie amoureuse arabe où la pudeur réduit les poètes à ne chanter, de la femme aimée, que l’oeil et la chevelure, les deux thèmes aquatiques par excellence. Dans ce cas on doit conclure que la source ne fut appelée que comparativement ”oeil de la dame” et l’archéologue n’a plus qu’à se rafraîchir le corps et l’esprit à l’ombre de son immense platane. La version paraissant quelque peu poétique, nous pensons que le nom ne peut trouver sa véritable explication qu’à la lumière de la présence du temple voisin.

 

Ø  2-  Le temple 

Situé à deux kilomètres à l’ouest de Aïn-Essit au sein d’une conque naturelle créée par un brusque retrait de la montagne, le temple est placé sur une plate bande surplombant le torrent qui, l’hiver, serpente au sein de la vallée. Le monument est enfoui dans le sol. Seuls, le mur oriental et une partie du mur nord se conservent jusqu'à la hauteur de deux mètres, etalant leurs immenses monolithes, témoins impassibles d’une gloire évanouie. ”Le vestige le plus important qu’on trouve à Cobiath est celui de wadi Hilsban. Ses grandes pierres le font ressembler à Qalaat Miàrab dans le Kesrouan et au temple de Afqa, près des sources de Nahr lbrahim...[47]

 

Ø  3- Origine du nom:

La vallée porte aujourd’hui le nom de Hilsban , les anciens de Cobiath affirment qu’elle s’appelait autrefois Hiçn albal (حسن البال). La dénomination est poétique, le lieu est effectivement d’un charme frappant pour ceux qui recherchent le calme de la solitude, preuve en est la mansaké (ermitage) de Bethouèj. Mais il semble plus logique de reporter le nom à la langue araméenne et à une période antérieure.

Hilsban (Hilsbal ou Hilsbêl) du syriaque ”hilso” peut signifier la forteresse ou la demeure (maqam) de l’une des trois divinités syro-romaines le Baal phénicien, Bêl d’Emèse ou le Pan grec[48].

 

Nous pensons qu’une légère dérivation se trouverait mieux placée pour jeter un nouvel éclairage sur cette appellation problématique. Le mot syriaque ”Hils” signifiant, aussi, fort dans le sens de force, de maîtrise, Hilsbal serait-il, Bêl, Baal, ou Pan, le fort, le vaillant ou mieux le seigneur, le maître? Cette opinion est corroborée par l’imposition du nom Challita au sanctuaire chrétien superposé, le syriaque ” Challita” signifiant, en effet, le chef, ou celui qui détient l’autorité. Si l’explication est viable, Hilsbal serait Baal le seigneur et le temple aurait porté le nom de Bêl, Adonis-Apollon, le dieu soleil et de sa soeur la déesse lunaire Achtarouth-Artémis. Comme résultat direct de cette version, Aïn Essit devrait être traduit par ”la source de la Dame” avec un D majuscule, indiquant Achtarté, ”la Dame” phénicienne, déesse soeur du Baal, Adonis. Le haut de la même vallée, appelé Betouège, ne serait alors que Bet el Wajh” demeure du chef ou demeure de dieu.

 

 

B- Mar Challita:

 

Presque à mi-chemin entre Aïn-Essit et Mar Sarkis au sein de la vallée s’élevait jadis le beau temple blanc de Hilsban. L’habituel vieux bosquet de chênes verts en ombrage les restes décadents. Mar Challita s’est superposé au grand Baal et le lieu de culte païen s’est bientôt christianisé.[49]

 

La vallée est ici large et des champs à cultures variées en couvrent le fond. L’eau coulant à quelques centaines de mètres nous a donné l’impression que les citernes aménagées dans le rocher au sud-est du temple fussent plutôt destinées à la conservation de liquides précieux tels, huile et vin plutôt qu’à l’eau. Plusieurs tombes hypogées existent encore sur les deux flancs de la montagne, à 200 m environ et au sud du temple. Notons qu’ici, le rocher est fait d’une sorte de tuf blanchâtre et par conséquent très facile à évider.

 

Ø  La chapelle:

Adossée aux murs sud et est du temple, l’église, apparemment composée d’une chapelle à nef unique, est encastrée à l’intérieur de l’enceinte jusqu’au point de naissance de la calotte absidiale. Pour parvenir à l’intérieur, on descend les degrés d’un escalier d’environ deux mètres de profondeur au-dessous du niveau du sol environnant. La chapelle étant à nef unique, seule une fouille du vaste amas de pierres voisin permettrait de rendre compte de l’existence d’une chapelle contiguë. La chapelle actuelle, au rapport de son intendant de bonne mémoire, n’était, elle aussi, qu’un tas de remblai.

 

Elle en fut dépouillée par les gens du pays au début des années trente du xxe siècle. Couverte d’une simple charpente en tôle, elle fut aménagée pour le service des paysans durant la saison des récoltes. Aujourd’hui, le toit n’existe plus et la chapelle désaffectée est rendue à la voracité de la broussaille. Nous avons dû nous y frayer un chemin, aussi nous excusons-nous de l’inexactitude de certaines mesures par crainte de déranger quelque hôte ombrageux.

 

Ø  2- Le Plan:

La chapelle est formée d’un vaisseau unique allongé d’une abside en cul-de- four. La nef qui conserve ses murs jusqu’à la hauteur de deux mètres environ, est un rectangle de 7,90 x 5,75. Elle est reliée à l’abside par un ressaut unique. Une sorte de transept plus élevé d’un degré (25 cm) du niveau du sol de la nef, s’intercale sur une largeur de 1,40 mètre entre la corde de l’abside et le terre plein de la nef. Trois pierres, installées sur cet espace et de chaque côté latéral forment autant de sièges de 0,40 mètre de largeur et de 0,30 mètre de hauteur. Une banquette, formée de pierres de mêmes dimensions, circule le long des murs de rive. Il faut noter cependant à ce point le déplacement du diamètre de l’abside par rapport à l’axe central de la nef. Le ressaut du sud est en effet supérieur à celui du nord, ce qui donne à la chapelle un désaxement nettement apparent.

 

L’étude extérieure de la construction est impossible à réaliser dans l’état actuel étant donné que l’édifice est complètement enterré dans le sol environnant. Tout ce qu’on peut dire c’est que les murs sud et est de l’église sont faits d’un parement unique relié directement aux murs du temple par le moyen d’un mortier fait de sable, de poterie finement triturée, de chaux et de cendre, alors que les deux autres côtés possèdent des murs à double parement dont celui de l’extérieur a emprunté ses grandes pierres aux ruines du temple. A l’intérieur, la construction, fort simple comme plan, est bien soignée. L’appareil petit mais bien taillé semble avoir été pris, lui aussi, aux monolithes du temple. Il devait être couvert d’enduit dont on peut remarquer quelque reste dans les recoins de l’édifice.

 

Ø  3- Le décor

Le décor est réduit à une mouluration du type roman habituel. Celle-ci parcourt l’arc de l’abside à 1,40 mètre du niveau actuel du sol. L’abside est aveugle étant donné que sa rotonde extérieure est encastrée dans l’oeuvre du temple. Une petite niche rectangulaire (0,35 x 0,25) perce à moitié le mur de fond au-dessus de la moulure. Plusieurs de ces niches sont aménagées à travers les espaces plans des murs: plus ou moins petites, placées à des niveaux différents, les unes devaient recevoir les livres saints, les autres étaient, peut-être, destinées à abriter les ”qandiles” ou lampes d’éclairage. L’illumination de l’église se faisait apparemment par le biais d’une porte et d’une fenêtre unique. La porte, placée à l’angle sud- ouest, est composée de deux blocs monolithes franchie d’un troisième, le tout puisé dans les vestiges du temple. La fenêtre, simple fente rectangulaire à l’intérieur, plus étroite vers l’extérieur, est placée au centre de la façade ouest, au niveau même du sol voisin. Le pied-droit nord de cette fenêtre réutilise une pierre assez grande chargée d’un décor géométrique et contrastant par sa couleur pain-de-sucre, avec le reste du mur blanchâtre. Nous pensons, vraisemblablement, à un chapiteau de facture archaïque et à décor en corbeille du type dit syriaque. A travers la vallée aux multiples sources, ombragée de noyers, de sapins et de platanes, nous apercevons déjà Mar Sarkis sur la crête de la montagne.

 

Ø  4- La tombe du silence:

Au sud-ouest du temple et à quelques mètres des hypogées un sépulcre a toujours attiré notre attention.

Le tombeau est creusé dans la plate-bande d’un promontoire rocheux qui, en falaise, domine la plaine d’une hauteur de vingt mètres. Superbe orgueil ou dignité de son hôte, la tombe a des dimensions pareilles à certains sépulcres de Ghozrata. Nous pensions avoir retrouvé une tombe de vestale et rencontré, par conséquent, la réponse à nos questions à propos de la destination du temple. L’ouverture remblayée faisait présumer de l’existence d’une chambre sépulcrale sous l’entaille apparente. Les buissons nous avaient induit en erreur. Les chasseurs aux trésors ont résolu l’énigme. C’est une tombe du type appelé ”sub divo ” faite avec grand soin. Aucun symbole, aucune inscription n’ont répondu à notre soif de savoir. Nous l’avons appelée: la tombe du silence.

 

 

C- Mar Sarkis et Bakhos

 

Ø  Le site

Des raies blanchâtres parsèment le vert sombre de l’horizon. C’est la montagne crayeuse de mar Sarkis au village de Beit Gharib. Celui-ci formé de deux masures et d’enclos éparpillés il y a une vingtaine d’années, est aujourd’hui un hameau moderne desservi par une piste récemment tracée à partir de Akkar-el Atiqua. L’eau suinte de partout, mais le sommet de la montagne, d’où l’église surplombe le village, est parfaitement à sec, d’où la présence des citernes creusées dans les rochers aux alentours du vieux sanctuaire. Le site est presque semblable à ceux des autres monuments du pays. Une plate-bande aménagée sur le dos d’un éperon entre deux vallonnements. Les côteaux du mamelon semblent avoir été cultivés, car ses terrasses en palier plus ou moins étroites, aujourd’hui couvertes de gros sapins, sont épaulées de murs en maçonnerie. Du sanctuaire presque camouflé par la verdure, le regard suit, à l’est, la vallée de Hilsban et bute plus loin contre la chaîne du Akroum. Au nord-est, on entrevoit, à l’horizon et en temps clair le profil blanc du Crac des Chevaliers. Est-ce la vallée suivie par Baibars montant à l’assaut du château d’Akkar, en 1271? Si la traversée de la vallée paraît agréable, l’escalade de la passe saint-Serge est réellement difficile pour une armée surchargée surtout en temps pluvieux où même ” une fourmi glisserait sur le sol détrempé ...” A l’ouest, l’église est presque adossée contre une falaise rocheuse dont les parois révèlent des travaux exécutés à main d’homme.

 

Ø  2- Le Plan:

L’église des saints Serge et Bakhos est composée, elle aussi, d’une double chapelle. Toutes les apparences font dépendre cette église d’un ensemble cultuel. Les chapelles jumelles sont, en effet, adossées à une grande salle qui, orientée nord-sud, dépasse d’une mesure la façade ouest de l’église. Le sol, en outre, présente, au-delà de la façade est, des vestiges de maçonnerie dont les assises saillantes semblent faire partie d’un plan d’ensemble. Cette opinion est par ailleurs confirmée par un témoin oculaire du XIX s. énumérant les anciens lieux de culte de Cobiath.  Monseigneur Zraiby écrit à ce propos: ”l’église Mar Sarkis et Bakhos devait être un couvent, vu les nombreuses chambres qui existent jusqu’à présent...”[50] La même idée est exprimée par la tradition locale qui applique à ce lieu de culte le nom de Deir (couvent).

 

Le plan est celui d’une église à deux chapelles jumelles. Parfaitement orientées, elles donnent, extérieurement, l’impression d’un rectangle complet. En réalité, elles n’ont qu’une façade commune tandis que leurs absides accusent un net retrait l’une par rapport à l’autre. La façade commune est celle de l’ouest. Elle est adossée à une longue salle dirigée sud-nord. Plutôt que de façade, on devrait parler d’un mur commun puisque ce côté de l’église est à peine visible étant donné que le faîte du mur ne dépasse que d’un mètre la terrasse de la salle longue. L’entrée principale est placée au nord, une autre porte établit la communication intérieure entre les deux chapelles. La chapelle sud, presque aveugle, communique, par une entrée basse et étroite avec la salle longue. Une fenêtre, placée assez haut dans le mur ouest ne semble avoir d’autre fonction que celle de communiquer avec une cellule qui devait surmonter le coin sud de la salle longue mais il n’en reste plus aucune trace significative.

 

Ø  3- La Chapelle nord:

Le plan de cette chapelle est différent des autres monuments décrits jusqu’à présent. Orientée d’ouest en est selon l’usage, l’église consiste en une nef unique à deux travées. Terminée par une abside en cul-de-four aménagée dans un chevet droit, elle s’ouvre sous un grand arc. Les murs de rive, développant une ligne continue, englobent dans un même rectangle nef et abside.

 

La chapelle semble constituer la partie principale de cet ensemble cultuel. Elle mesure (9,90 m) de longueur sans oeuvre, abside comprise, et (4,20m) de largeur. Si nous nous tenons uniquement à la nef, nous constatons que celle-ci dessine un vaisseau rectangulaire divisé par des pilastres en deux travées approximativement carrées. Le dessin permet de restituer, sans doute, une toiture en voûte d’arête reposant sur des pilastres. Les piliers médians ont été l’objet d’un soin particulier. Construits en pierre calcaire dure, ils offrent une taille fine et un galbe puissant et délicat. Les pierres présentent, toutes, des stries fines et parallèles disposées obliquement par rapport au lit de pose, ce qui indique l’emploi du taillant droit à dents, technique assez fréquemment utilisée dans les constructions des Croisés.

 

Une moulure, faiblement saillante encadre l’entablement, ce qui met légèrement en retrait la ligne de décrochement de l’imposte qui forme la retombée des arceaux de la voûte d’arête. Pourtant et malgré le poli de leurs joints les assises sont accordées, les unes aux autres, au moyen d’un ciment, composé de gravier d’extraction locale très finement tamisé, de poterie pilée et de chaux. La présence d’une grande proportion de petits fragments de charbon de bois, dans ce ciment, permet de penser que de la cendre a été mélangée aux autres composantes du mortier. Les pilastres des angles et l’appareil du parement intérieur des murs sont moins soignés et semblent avoir été expressément faits pour être couverts. On peut, par ailleurs, constater, un peu partout dans la chapelle, la présence de grands espaces couverts d’enduit. Le même ciment à base de chaux, de gravier et de cendre, a servi pour lier les blocs irréguliers des assises. Les pilastres médians sont, à moitié, engagés dans les murs et présentent des façades plates alors que ceux des angles se présentent sous une forme anguleuse pour recevoir la retombée de l’arête de l’arc croisé. Ceux des angles sud-ouest, nord-ouest et nord-est se conservent jusqu’au point de départ du tétracorne, celui-ci est conservé jusqu’à la hauteur d’un mètre environ. Outre les arcs de la voûte d’arête, les pilastres reçoivent les retombées des arcades latérales ce qui donne une sensation de robustesse aux appuis et une stabilité évidente à la toiture aujourd’hui effondrée. L’arc triomphal, reliant l’abside évidée en arc surhaussé, retombe en berceau légèrement brisé sur les entablements des pilastres d’angle et dessine une double voussure avec la demi-sphère de la calotte. Celle-ci n’existe plus, ainsi que les arcs de support.

 

Nous pouvons, cependant, supposer que la toiture reposait directement sur le ressaut du doubleau supérieur puisque les impostes, toujours en place, impliquent une arcature semblable à celle du mur occidental,

 

Ø  4- Le décor:

Le décor de la chapelle se réduit, actuellement, à la disposition des portes et des baies. Une mouluration du type commun aux autres chapelles se développe le long de l’abside, à la hauteur du point de départ de l’imposte. Une ébauche de mouluration se répète aussi sur l’entablement des pilastres du centre. Le dallage originel n’est pas visible puisque l’effondrement a remblayé l’intérieur. Une fouille clandestine faite à côté du pilastre médian sud à mis à jour le lit de pose de ce dernier. D’après cette fouille, la moulure du support, placée au même niveau que celle de l’abside, accuse, 1,70 mètres d’élévation. Les assises des pilastres et des arcatures sont encastrées dans le parement intérieur des murs ce qui donne à penser que ce parement fut monté après coup ou tout au moins, piliers et arcades furent construits en même temps que la partie interne des murs.

 

La porte, mieux appareillée que le reste de la construction semble avoir eu droit à un soin pour le moins semblable à celui accordé à l’appareil des piliers. De forme rectangulaire (0,90 de largeur) elle n’a ni voussure, ni colonnade, aucun décor particulier ne la distingue. Le linteau monolithe, relativement moins soigné paraît de réemploi. Outre la nature de la taille, plus ou moins grossière et la qualité de la pierre différente du reste, le linteau porte en creux une croix antique à peine visible. Le seuil est enfoui sous le remblai mais les pieds-droits conservent intacts les mortaises et les plis des charnières. La porte est surmontée d’un tympan en arc légèrement brisé et évidé. Les assises de l’arc, trois par trois, reliées par une clef, reposent directement et d’une façon lâche sur les extrémités du linteau. La partie intérieure de l’entrée trace, à son sommet, un arc surbaissé, d’une très belle facture, sans linteau. La poussée de l’arc retombe sur des consoles biseautées. Le contraste entre les deux arcs dans une même oeuvre est déconcertant surtout quand on constate que ce dernier type d’arc est unique dans tout l’ensemble cultuel où seul l’arc brisé est employé. L’éclairage du sanctuaire devait être assez pauvre puisque, outre la porte, il n’était assuré que par une baie assez petite rectangulaire au-dedans comme au-dehors. La chapelle possède, en outre, plusieurs baies d’aération dont l’une, sise au-dessus du portail, est surmontée d’un linteau échancré (arcuated lintel). Les archères de Castel Rouge, entre Safitha et Tortose, sont arcuées de la même façon. D’autres baies, aveugles et placées haut ont dû, certainement, servir à recevoir les poutres de la charpente utilisée lors de la construction de la toiture. Il reste à signaler la présence de deux grandes niches, situées à hauteur d’homme dans les murs de rive, non loin de l’abside et qui, sans doute, ont dû servir à quelque besoin du culte. Celle qui est évidée dans le mur nord devait, probablement, recevoir les livres, une fois la prière finie, tandis que celle du mur sud servait peut-être à garder l’huile sainte, souvenir lointain de l’huile sanctifiée par les os des martyrs. La pratique est toujours en usage en Orient. On peut, par ailleurs, relever des traces de cet emploi malgré le délavement causé par les intempéries. La niche est présentement noircie par la fumée des cierges allumés en l’honneur des saints patrons. Disons, enfin, que la porte qui fait communiquer les deux chapelles, située dans la travée ouest presque symétrique au portail d’entrée, est une percée de 0,70 mètres de largeur. L’état de délabrement dans lequel se trouve cette partie de l’église ne nous laisse deviner ni ses mesures, ni sa facture.

 

Ø  5- La Chapelle sud:

Plus délabrée et encombrée que la précédente, elle offre, elle aussi, un plan tout à fait original soit par rapport à sa voisine, soit relativement aux autres chapelles du pays. Une nef unique, elle se présente sous la forme d’un vaisseau voûté en arc rampant avec arcades sur pilastre au centre de la salle. Elle a une largeur presque égale à sa soeur (4,30m) avec une longueur sensiblement inférieure à 8,50 mètres. La chapelle semble, en effet, écourtée vers l’abside dont l’arc du cul-de-four dépasse à peine le niveau de l’arc triomphal de la chapelle voisine. Le mur de la façade ouest, raccordé à celui de la salle longue annexe, continue, du sud au nord, la façade de la chapelle contiguë, alors que le mur de rive sud englobe dans un ensemble uni l’église et la salle longue. Un mur mitoyen se dresse entre les chapelles: étroit vers l’ouest (0,90 m) il s’élargit au niveau des absides (1,50m).

 

Une arcade en plein-cintre reposant sur piliers d’angle soutient, à l’ouest, la terrasse de l’édifice. Un pilier cruciforme, plat et engagé, reçoit, lui aussi, la retombée d’une double arcature qui se développe le long du mur sud. Ces arcs en plein-cintre reposent sur des piliers d’angle parfaitement semblables à ceux de la chapelle voisine. L’arc triomphal se dégage, lui aussi, à partir des piliers d’angle. Le pilastre médian du mur sud ainsi que le mur mitoyen n’offrent aucun élément qui puisse faire penser à une croisée d’ogive.

 

Ceci nous induit à supposer que la chapelle était probablement voûtée en demi- berceau ou tout au plus en demi-arête élevée dont le poids retombant au sud sur les arcatures soutenues par le mur de rive, était contenu, au nord, par la poussée de l’autre chapelle. Disons, tout de suite, que toutes les données recueillies à propos du système de construction ne font aucun doute que l’édifice, conçu comme un tout uni, laisse prévoir une église à deux nefs plutôt que deux chapelles juxtaposées.

 

L’abside très évasée est raccordée à la nef par un arc surbaissé. Une moulure, actuellement très bouleversée, devait se dérouler le long de l’imposte. Des baies multiples sont encore visibles mais elles sont, toutes, bouchées. Les unes devaient servir à l’aération, les autres à contenir les lampes à huile. L’une de ces baies, aujourd’hui aveugle, est placée dans ce qui reste du mur est de l’abside au dessus de la mouluration.

Il reste à étudier les structures et la fonction de deux grandes baies qui perforent le mur de la façade ouest de cette chapelle.

 

La première semble une porte qui établit la communication entre la chapelle et l’intérieur de la salle longue annexe. Ce passage n’a que 0,60 mètres de largeur. La hauteur est actuellement impossible à réaliser vu l’amas de débris qui jonchent le sol. Tout laisse, cependant, supposer qu’il devait être assez bas. De forme rectangulaire, les côtés ne conservent aucune trace de charnière ou de mortaise ce qui fait supposer qu’il n’était pas destiné à être fermé. A quoi ce passage pouvait- il servir? Etait-il destiné à tenir la fonction de ”regard” donnant sur les Saintes-Espèces, fait dont les anachorètes syriaques en avaient l’habitude dans leur retraite?

 

La seconde porte, aussi haute et large que la première est placée presque au centre de la façade. Elle livre actuellement passage sur la terrasse de la salle longue. La terre accumulée et les buissons qui encombrent cette partie de l’édifice nous ont empêché de nous assurer de l’existence d’un escalier en pierre. Ceci n’interdit point de supposer une fonction de passage à cette baie, passage qui, le cas échéant, pouvait être desservi par une échelle mobile, chose habituelle dans les églises maronites. La terrasse de la salle longue est couverte, aujourd’hui, d’arbres et de buissons, comme par ailleurs les autres parties des terrasses conservées, ceci risque fort d’abattre le monument.

 

Ø  6- Les annexes :

Le sanctuaire est implanté dans un ensemble dont la majeure partie des bâtiments n’existe plus. Il reste, cependant quelques vestiges que nous allons essayer de passer en revue, vu l’importance qu’ils pourraient avoir pour la compréhension du site et de sa fonction.

 

Ø  7- La Salle longue :

Le long de la façade ouest du sanctuaire se développe, du sud au nord, une salle dont le côté sud continue d’une façon unie le mur sud de l’église, mais elle dépasse, au nord, la largeur des chapelles. Elle est formée d’un vaisseau unique voûté en berceau légèrement brisé. La façade nord et une partie de la salle sont effondrées. Mais, comme structure, ce qui en reste est suffisant pour en restituer la forme première. Sa terrasse est beaucoup plus basse que celle de l’église comme son sol l’est aussi par rapport à celui du sanctuaire qui communique avec elle par un passage bas et étroit.

Un gros rocher-maître occupe l’angle sud-est, son sommet semble avoir été aménagé pour la pose de quelque objet. La salle a une longueur de onze mètres pour une largeur de trois sur trois mètres de hauteur. Ce qui reste des murs est complètement aveugle. Comment était-elle éclairée? Outre le portail, elle devait avoir quelque baie dans la façade nord. Un linteau encore intact jonche le sol à quelques mètres au nord-ouest de l’édifice. Sur ce linteau sont gravées en creux trois croix pattées du type syriaque commun[51]. Situées à distance égale l’une de l’autre, les croix occupent le centre et les extrémités du monolithe qui, vraisemblablement, servait à couronner le portail de la salle. Peut-on alors penser à une construction plus ancienne, dans le cas, syriaque de la première période chrétienne?

L’appareil de la salle, moins régulier, moins soigné et plus grand que celui du sanctuaire, la position de l’édifice par rapport à l’église, l’orientation, en plus du linteau, font croire de prime abord à une chapelle antique, une sorte de crypte par exemple.

 

D’autres données peuvent faire penser, par ailleurs, à une construction postérieure. En effet, une niche évidée au milieu du mur est de la salle et presque à ras de sol, montre les assises du parement extérieur de la façade ouest des chapelles. Ceci implique que l’imposte de la voûte de la salle longue, construite plus tard que la façade, ait été adossée directement sur cette dernière. Le soin, par ailleurs, apporté à l’appareil de la façade, peut être, lui aussi, une preuve évidente que l’église a été élevée avant la salle longue.

 

Entre les deux possibilités, nous optons pour une troisième lecture: l’ensemble cultuel de Mar Sarkis a été élevé d’emblée avec ses annexes pour les raisons que nous allons exposer.

Le mur de rive sud des chapelles se développe horizontalement et verticalement de façon à contenir l’église et la salle dans une même oeuvre qui rend impossible toute distinction, séparation ou ajout dans la texture égale de la construction. Le même soin dans l’appareil et la même taille s’observent dans l’appareil du mur ouest de la salle.

Dans le passage de communication entre la chapelle sud et la salle, le mur de l’ouverture est unifié  les murs de la chapelle et de la salle, réunis constituent les parements d’un seul mur,  même qu’une seule pierre traverse parfois le mur de bout en bout. Le décalage dans le soin apporté à l’appareil est explicable par la fonction des divers bâtiments et l’on comprend sans grande difficulté, que l’on ait mieux soigné l’appareil de l’église que celui des annexes. A quoi pouvait alors être destinée cette salle longue?

 

Nous pensons tout simplement à une salle d’hospice ou d’hôpital pour pèlerins de passage du genre déjà mentionné par C. Enlart à Nephin. Nous appuyons notre opinion sur deux faits importants: d’abord l’emplacement du sanctuaire au sommet d’une montagne, passage obligatoire entre Arqa et le Crac des Chevaliers à travers le haut Akkar. D’autre part, des auges sont évidées dans le rocher ainsi que des citernes. L’eau, puisée aux citernes, coule à travers des canalisations aménagées dans la paroi rocheuse avant de verser dans les auges préparées à l’intention des passagers et de leurs montures.

Les habitants du centre devaient avoir leur demeure à l’est du sanctuaire. Des vestiges de construction sont, en effet, toujours visibles dans le sol de cette partie du site. Ils doivent, vraisemblablement, correspondre aux infrastructures des salles dont parle le témoin oculaire du XIXs cité plus haut. Deux entailles rondes et profondes sont repérables dans un rocher plat, quelques mètres derrière l’abside de la chapelle nord. Ce sont des trous faits pour recevoir des supports en bois.

 

Une muraille devait ceinturer l’ensemble. On en voit des vestiges sur la plate bande qui précède le versant oriental de l’éperon: vingt mètres au sud-ouest du sanctuaire, on voit toujours les restes d’un four à chaux dont on s’est servi, probablement, pour les besoins de la construction. Disons, enfin pour clôturer ce chapitre que l’édifice a dû subir des réfections postérieures. On en voit des traces apparentes sur le mur ouest du sanctuaire.


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LE CHAMBOUQ

  

A- Notre-Dame de Qammaa :

 

A travers une longue vallée verdoyante, quatre kilomètres vous mènent du centre-ville Cobiathin jusqu’au site de Notre-Dame de Qammaa. Le long du torrent qui arrose de belles terres cultivables, plusieurs petites sources jaillissent de la montagne et rafraîchissent l’ambiance étouffante de la saison chaude. Le sanctuaire se dresse sur la plate bande d’un éperon, saillant entre deux vallonnements. Une fois parvenu sur les lieux, le spectacle compense la pénible escalade. Au fond de la vallée, le regard embrasse la ville de Cobiath. Au sud-ouest et à moins d’un kilomètre s’éparpillent les maisons coquettes du moderne quartier de Qatlabé. Seule l’épaisseur d’une chaîne montagneuse orientée est- ouest sépare la vallée de Hilsban de celle de Qammaa dont un embranchement porte le nom de Halboucé.

 

1- Le site:

C’est un éperon aplani, flanqué de deux ouèds, au nord-est l’éperon semble avoir été séparé de l’une de ses pointes par une profonde et large entaille. La partie amputée forme un tertre petit et étroit qui garde encore des vestiges d’anciennes constructions à gros appareil à peine dégrossi. Etait-ce un avant-poste de garde qui contrôlait le ouèd à quelques dizaines de mètres plus bas? Au sud-ouest, un autre ouèd, moins profond que le premier, trace une ligne de démarcation naturelle entre le site et le terrain avoisinant. Toujours dans le sens du sud-ouest, à 500 mètres environ des ruines, s’élève une petite colline qui porte le nom évocateur de Tallet Ejjabbané (Tell du cimetière). Connu sous ce nom depuis toujours, le tell renferme une série de tombes du type hypogéal très commun dans le pays. Ces tombes reviennent tout naturellement au site de Qammaa puisque aucune trace d’habitation ancienne n’a été répérée sur le tell lui-même. Un petit bosquet de gros et vieux chênes verts ombrage, comme d’habitude, l’ancien emplacement. L’eau potable est assurée par une petite source qui coule, toute fraîche, à quelques deux cents mètres au sud des ruines.

 

En fait de ruines, on n’en voyait, jusqu’à quelque temps, que la calotte d’une voûte hémisphérique surchargée de tout le poids d’un gros chêne séculaire. Une ferveur enthousiaste avait poussé les paysans à faire une petite fouille. Celle-ci avait mis à jour l’abside encore intacte d’une antique chapelle. On aménagea un escalier de fortune, on badigeonna le cul-de-four et les pèlerins affluèrent de plus en plus nombreux. La guerre populaire, qui affecta le Liban, créa un souffle de renouveau spirituel. Les gens du pays, tout simplement croyants, comme leurs ancêtres maronites, firent appel aux secours de Notre-Dame dans l’espoir d’une délivrance surnaturelle. Si “un grain de foi est capable de transférer les montagnes”, la foi simple de ces braves paysans réussit, en un tour de main, à déblayer des centaines de tonnes de remblai. Pieusement, religieusement, sans grands moyens, la terre fut vidée et les restes d’une église à deux nefs reprirent le chemin de la vie.

 

2- Le Plan:

Le plan est fort simple. Apparemment, l’église est constituée de deux chapelles juxtaposées. Chaque chapelle est formée d’un vaisseau unique de forme rectangulaire raccordée à son abside par le ressaut de l’arc triomphal. La chapelle sud, orientée comme sa voisine d’est en ouest, est légèrement plus longue et plus large que celle du nord. Le rectangle de la nef mesure à l’intérieur (9,50 x 3,45) alors que l’abside en cul-de-four, parfaitement conservée, accuse un arc légèrement surhaussé. Cette abside devait être empâtée dans un ouvrage carré qui constituait la façade est du rectangle formé par la nef et l’abside. Il y a longtemps que cet ouvrage s’est écroulé laissant à nu le parement intérieur de l’abside. Les restes de la maçonnerie sont toujours repérables. La chapelle nord, formée, elle aussi, d’un seul vaisseau offre un rectangle presque égal à celui de la chapelle sud pour une abside moins développée. C’est, justement, ce décalage dans l’extension des absides qui crée un écart apparent entre les deux chapelles. La nef est aussi raccordée à l’abside par un seul ressaut. L’abside, formant au sol un cul-de-four à arc surbaissé a perdu sa calotte mais le pied-droit sud de l’arc triomphal se conserve jusqu’au point de départ de l’imposte révélant un tronçon de mouluration romane assez grossière qui devait courir à la base de la calotte ainsi qu’elle se présente dans l’abside de la chapelle sud. Un ouvrage carré devait aussi fermer à l’est cette chapelle nord car on peut en distinguer les vestiges parmi les débris qui encombrent encore le terrain. Aucun élément de décor original ne caractérise cette petite église. L’éclairage devait être réalisé par la porte unique de la chapelle sud qui s’ouvre dans la façade ouest et par quelques petites baies aujourd’hui bouchées par la terre de remblai. La construction des murs conservés, au sud, jusqu’à la hauteur approximative de deux mètres, et, au nord et à l’ouest, jusqu’à un mètre environ, n’a pas dû donner du fil à retordre aux constructeurs qui se sont contentés d’appuyer les parois des nouveaux murs de rive nord et ouest aux structures épaisses d’une construction plus ancienne. Ainsi le parement intérieur des chapelles a été adossé, sans autre moyen, au parement intérieur de l’ancien édifice. De la sorte, l’église semble parfaitement encastrée dans l’antique monument dont les murs épaissis et rendus solides par l’emploi d’un appareil assez grand (0,95 x 0,75 en moyenne) ont procuré la stabilité nécessaire pour contenir la poussée des voûtes. Les chapelles devaient être voûtées en berceau. Le mur de rive sud de la chapelle méridionale conserve encore les premières assises de l’imposte effondrée. Les angles des chapelles ainsi que leurs murs latéraux ne présentent aucune trace de piliers ou pilastres qui fassent supposer une toiture en voûte d’arête. La voûte devait, à son tour, être surmontée d’une terrasse en terre battue pareille à celle des autres monuments du pays. Plusieurs niches et baies de grandeur différente et qui pouvait servir soit aux besoins du culte soit à l’aération, sont percées à travers les murs et les parements des absides.

Il nous reste à étudier deux faits qui, certainement, peuvent être révélateurs. La première traite du problème de l’antique construction, quand au second, il concerne la destination des chapelles.

 

3- Problématique de l’église:

S’agit-il d’une église à deux nefs ou bien de deux chapelles juxtaposées? A chaque nouvelle étape de notre étude, devant chaque monument étudié nous nous sommes posé la question, la réponse surgissait spontanée: il faut, avant tout, faire la connaissance du peuple propriétaire de ces édifices et étudier ses programmes cultuels, avant de répondre à toutes ces questions.

Faute d’être au courant de leur passé nous essayerons de les déchiffrer à la lumière des données que nous possédons. Ailleurs, certains centres cultuels donnaient, selon toute probabilité, la réalité de deux chapelles juxtaposées, comme à Saint Georges et à Notre-Dame de Ghozrata. Mais la découverte de Mar Sarkis et l’encastrement de ses chapelles dans un même édifice commencèrent par mettre dans notre esprit un doute qui va s’accroître au fur et à mesure que nous étudierons les autres monuments du pays.

 

Nous avons déjà signalé que les deux chapelles de Notre-Dame de Qammaa se trouvaient incluses dans une même enceinte, trois de leurs façades, ouest, nord et est sont raccordées aux murs de l’enceinte antique par un simple parement. Nous ne saurions nous prononcer sur la quatrième façade, celle du sud, puisqu’elle est couverte par le terrain adjacent jusqu’au niveau de l’imposte. Il nous reste, pourtant, à analyser les structures du mur mitoyen qui semble fort problématique. En effet un même mur, fait de deux parements garnis de bourre composée de pierres sèches noyées dans un mortier uniment préparé raccorde les deux chapelles de façon que les impostes des voûtes relatives prolongent verticalement les parements du mur dont les dernières assises constituent une sorte de lit de pose pour les berceaux des voûtes qui semblent monter en s’appuyant l’une sur l’autre. Ce mur mitoyen ne sépare qu’en partie les deux chapelles. L’autre partie était faite d’un grand arc emmuré qui paraissait un simple arc de décharge en berceau élargi. Un passage de 0,90 mètres de largeur percé au centre de l’arcature établissait la communication entre les deux vaisseaux. Ce passage ne montrant, cependant, aucune trace de charnière ou de mortaise, ne semblait pas avoir été fermé et paraissait par conséquent d’une facture plus récente. L’arc, lui-même, enfonçant ses extrémités dans le sol et placé trop bas pour être un arc de décharge, fut dépouillé de tout ce qui semblait un ajout postérieur et une arcade de belle contenance s’ensuivit étendant jusqu’à plus de deux mètres de largeur la communication entre les chapelles. Avait-on raison d’évider l’arcature? Les paysans ont agi poussés simplement par leur bon sens naturel. Ils ont, peut-être, raison, puisque le muret de clôture, une fois abattu, n’a pas laissé de traces de fondation. Le cas échéant, il serait impossible de concevoir deux chapelles juxtaposées et le plan d’une église à deux nefs, serait beaucoup plus logique.

 

4- Le passé de Qammaa:

A partir des données recueillies sur le site, peut-on rêver loin sur le passé de Qammaa?

Essayons de présenter une lecture plausible. D’abord le nom: d’origine araméenne, Qmaà signifie -  lieu de la magie d’où Qmao = magicien.

Le nom, ainsi interprété, sent, de loin, le paganisme du peuple qui habitait la région, et ceci ferait remonter les origines du site, pour le moins, à la période pré-chrétienne de la région. Déjà le type hypogéal de la nécropole placée sur le tell voisin et communément appelé “qoubour El-Yahoud” pourrait constituer un témoin indéniable en faveur de l’ancienneté du site étant donné que ce genre de sépulture doit être placé avant le quatrième siècle au dire de P. Testini.

D’autre part, l’appareil et la texture du mur d’enceinte, outre les bâtiments annexes situés au sud de l’église et dont on voit de temps en temps quelques assises saillantes du sol remblayé, font remonter l’ensemble dont ils dépendent, au cinquième, ou tout au plus, au sixième siècle. Ceci ouvre largement le chemin au souvenir d’un ancien couvent syriaque de la première période maronite dans le pays, du type déjà vu à saint Georges de Chouita. Disons, enfin, que si les vestiges en maçonnerie ne remontent pas plus loin que le cinquième siècle ceci n’interdit pas de penser sérieusement à un temple de la période greco-romaine, vu le type hypogeal déjà mentionne et les tessons de poterie qui emplissent littéralement le terrain environnant.[52]

 

 

 

B- Deir’ Nein:

 

De Notre-Dame de Qammaa jusqu’à Chambouq, trois kilomètres de montée harassante, relaxée à peine par la fraîcheur de l’air montagnard et les belles cultures échelonnées le long des côteaux: Chambouq, communément appelé El Jord (la montagne) est aux environs de mille mètres d’altitude, il constitue la dernière rampe sur le versant oriental de la chaîne du Liban. Il forme, à travers le Liban, le passage le plus facile entre la Syrie intérieure et la côte libanaise. Rappelons, à ce propos que c’est par là que passèrent les armées babylonniènnes, dans leur marche sur Jérusalem. Plus haut, la montagne se dresse à pic, rendant impossible toute velléité de traverser Qammouaa, surtout durant les six mois d’hiver où la neige, à deux mille mètres, aplanit tout relief. Chambouq n’est pas un haut plateau comme Chouita et la montagne s’élargit à peine pour livrer passage à une route nationale. Ses versants descendent abrupts vers des vallées profondes. Du sud au nord, il est contourné par un étroit vallonnement qui va rejoindre à la lisière du Akroum le ouadi Oudîn, tandis que, au nord-ouest, sa longue pente se déroule jusqu’à Cobiath, à travers Qammaa et Morghane. Arrivé au bout de l’escalade, on s’arrête sur la rampe d’une église moderne, c’est Notre-Dame de Chambouq. Brûlée durant les événements de 1975, l’église vient d’être remise à neuf. Elle n’a pas été construite sur le site de l’ancien Deir dont nous allons retrouver les ruines, quelques centaines de mètres plus loin. Dans un angle de l’esplanade qui précède l’église une pierre attire notre attention: une belle tête d’ange aux traits arrondis et aux cheveux bouclés, taillée en relief, s’apparente selon toute probabilité à l’art syrien du cinquième sixième siècle communément appelé ”art byzantin”. Un paysan nous a dit que sa charrue avait buté contre la pierre dans le terrain adjacent au vieux sanctuaire.

 

1- Le nom:

Dans le papier précité, le savant Monseigneur Zraïbi traduit à partir du syriaque le mot ”’nein” par istijabât dans le sens de réponse à un appel, un ”donner suite à un appel”, grosso modo: ”N.D. des dons”. Ce vocable de la Ste. Vierge est déjà connu. Dans la même perspective de répondre à l’appel des fidèles, nous avons pensé à un autre vocable usuel à la Ste. Vierge = “N.D. du secours”, tous deux, nous avons traduit à partir du verbe, alors qu’en syriaque il y a le substantif, ’Nino qui signifie AI’ Inan, AI Ghaïm: le nuage . Serait- ce le cas d’avoir une Saïdet el Ghaïm ou bien El Ghaïs (nuage pluie)[53]. Ce titre de la Ste Vierge, ne serait pas déplacé dans une société paysanne, un monde agricole où la pluie est primordiale. Tout le monde se rappelle les pélérinages faits en masse par les Cobiathins jusqu’à Mar Gerges Chouita alors que les pluies d’avril se faisaient rares et que les jeunes plants de blé risquaient la sécheresse.

 

2- Le site:

Placé à mi-côté sur le versant sud de Chambouq, à deux cents mètres environ, de la nouvelle église, le monument, presque enterré dans le sol, gît, abandonné, sous la pierraille informe.

Nous ne pûmes le retrouver que grâce à la bienveillance d’un jeune pâtre musulman, à qui nous devons une belle légende mais combien significative, relative à Deir ” Nein”.[54]

 

Un peu plus bas, il y a un ouèd sur lequel se dressent des falaises rocheuses énormes. A moins de cinq cents mètres dans le sens du sud-ouest se trouvent les ruines du ”Qassre”. Non loin de ces ruines, une grande source ”Ain el Borghol” surgit du flanc de la montagne qui l’ombrage de sa belle couronne de Chouhs (Abes Libanotica) et de Cèdres séculaires.

 

3- Plan de l’église:

L’église est parfaitement orientée. On y pénètre par une seule porte percée dans la façade ouest, l’ancien bénitier y est toujours mais déraciné et jeté dans les décombres. Les murs sont conservés jusqu’au cintre des voûtes, mais l’ensemble est totalement enfoncé dans le sol comme si l’église voulait absolument se dérober aux regards indiscrets. Le plan, bien dessiné, ressemble, point par point, à celui de N.D.de Qamma’a avec beaucoup de ressemblance avec Mar Sarkis. La porte d’entrée, entrée unique, perce la façade ouest et donne directement sur la chapelle sud alors qu’à Mar Sarkis, placée dans le mur nord, elle donne sur la chapelle relative. Disons enfin que le plan est celui d’une église à deux nefs~ extérieurement, il forme un rectangle légèrement écourté à l’angle sud-est par le demi-cercle de l’abside. A l’intérieur, le rectangle est divisé en deux moitiés presque égales par un mur mitoyen évidé, en partie, vers son extrémité ouest en une arcade qui ouvre un large passage entre les deux chapelles.

 

4- La nef nord:

Le plan de cette nef est semblable à celui de la chapelle nord de Mar Sarkis. Orientée d’ouest en est, la nef est formée d’un vaisseau unique à deux travées terminé par une abside hémisphérique encastrée dans un chevet droit. Le mur nord se prolonge horizontalement de façon à englober, dans un rectangle uni, nef et abside. Cette nef semble avoir eu droit à un soin tout à fait particulier de la part des constructeurs.

 

A l’intérieur, les axes directeurs mesurent (9,60 m) de longueur abside comprise et (3,10 m) de largeur. Vaisseau rectangulaire divisé en deux travées de plan carré, le dessin de la nef permettrait de restituer, sans doute, une toiture en voûte d’arête soutenue par des piliers engagés. Ceux-ci ont reçu un soin particulier. Faits en pierres du type dit ”Malaké”, ils ont une taille soignée et un galbe assez délicat malgré leur puissante carrure. Les pierres, comme celles de Mar Sarkis, présentent, des stries parallèles disposées obliquement par rapport au lit de pose, ce qui indique qu’elles ont été faites au moyen du taillant droit à dents. Un étroit listel légèrement saillant couronne l’entablement des pilastres, mettant en retrait l’imposte de la voûte. Les murs devaient être couverts d’un enduit de mortier fait de sable local, de poterie finement triturée, de chaux et de cendre dont on peut remarquer les résidus nombreux du charbon.

 

Aux angles, les piliers sont moins bien soignés. Leur disposition est aussi différente: ils sont à saillant triangulaire alors que les pilastres médians sont cruciformes et plats.

Alors que l’arcade médiane de Notre-Dame de Qammaa enfonçait ses bouts dans les murs de fondation, à Deir « ’Nein » l’arcature repose sur des piliers. L’un est adossé au parement intérieur de la façade ouest, alors que l’autre ferme le mur mitoyen à l’angle du carré de la première travée.  L’entablement de ces piliers est préparé de façon à recevoir la retombée de l’arcade, les arceaux de la voûte et l’arc qui décharge le mur ouest. Le carré de la seconde travée est moins régulier que celui de la première. Le côté sud étant, en effet, plus court que celui du nord, le vaisseau semble s’infléchir vers la droite.

L’abside dessine un arc outre-passé. Elle est raccordée à la nef par un double ressaut et l’arc triomphal, reposant directement sur l’entablement des pilastres des angles devait former une sorte d’arc doubleau entre la calotte de l’abside et les arêtes de la nef.

 

5- La nef sud:

On y entre directement par la porte de la façade ouest. Cette chapelle est légèrement plus large(3,28) mais aussi longue que la première (9,60) abside comprise. L’effondrement du toit a tellement remblayé le sol qu’il est presque impossible d’analyser les éléments de l’architecture. D’après les données présentes, cette nef, formée d’un vaisseau unique devait être couverte d’une voûte en berceau brisé dont la partie sud de l’imposte reposait directement sur le mur méridional doté d’une épaisseur de (1,50 mètres), fait unique parmi les murs de l’église qui ne dépassent pas le mètre en général, épaisseur donc sensée contenir la poussée de la voûte alors que celle-ci s’appuyait doucement sur l’entablement du mur mitoyen, soutenue par le cintre de la voûte adjacente. Le demi-cercle de l’abside continue le rectangle de la nef sans aucun trait de raccord aussi se révèle-t-elle plus longue que sa voisine du nord.

 

6- Le décor:

Aucun élément de décor ne semble caractériser l’église. Plusieurs niches aussi bien que des baies, visibles surtout dans la nef nord, sont ouvertes dans les murs. Les baies sont en majorité aveugles et devaient plutôt servir à recevoir les objets de culte.   

 

Dans l’état actuel des ruines, nous ne saurions pas expliquer les moyens d’éclairage si ce n’est par la porte qui, à elle seule, rendrait l’église trop obscure. En d’autres circonstances, nous pourrions, peut-être, envisager deux solutions” soit que la façade ouest fut dotée de baies d’éclairage, soit que les murs de rive, aujourd’hui ensevelis sous les débris accumulés par l’effondrement de la terrasse et le glissement du terrain environnant, fussent jadis dégagés, au moins en partie. Le cas échéant, quelques-unes des baies, actuellement oblitérées, auraient projeté une lumière, même tamisée, à l’intérieur du sanctuaire.

 

Des ouvertures étroites sont visibles sur les parois intérieures des murs latéraux, ce sont les entraits laissés par la charpente employée à l’exécution des voûtes. Ces entailles de 0,30 mètres de côté, aujourd’hui presque remblayées par l’écroulement de l’église, percent les murs à la naissance des voûtes, tous les deux mètres, environ. Ce genre d’appui encastré se remarque aussi fréquemment dans les autres ouvrages de l’époque franque, surtout dans les constructions militaires, où ils sont restés apparents et sans aucune utilité. La mouluration qui court à la hauteur de la naissance de la voûte de l’abside est du type courant dans les autres monuments du pays.

Notons, au passage, la découverte d’un petit bénitier en pierre à grain rougeâtre, un genre de granit local d’une facture assez propre, perdu dans l’amas de pierraille, à l’intérieur de l’église. Il a été arraché de sa place vide dans le pilier adjacent à la porte d’entrée.

 

Signalons, enfin, la présence de structures anciennes éparpillées dans les champs aux environs du sanctuaire, sont-ce les maisons d’un hameau perdu ou bien les annexes traditionnelles de L’église?

 

 

 

Le Qassre :

 

Au sud-ouest et à moins de cinq cents mètres du sanctuaire de Deir Nein, il y a une ruine fort antique mais d’apparence insignifiante, cette ruine porte le nom pompeux de El Qassre. Or le mot arabe peut avoir le sens de palais ou de château et nous doutons fort qu’il en fût ainsi , il peut avoir aussi la valeur du mot latin ”Castrum” ou lieu fortifié, chose beaucoup plus raisonnable dans le cas de cette ruine. Nous pensons qu’il s’agit d’une simple tour de garde, une sorte de poste -vigie avancé sur ce passage discret des invasions. Les Byzantins, et, à leur suite les Croisés, en établirent plusieurs dans les points névralgiques sur les frontières de leurs territoires face aux musulmans toujours aux aguets.

 

Le Qassre est un ouvrage presque carré doublé d’un mur d’enceinte, toujours visible à ses côtés sud et est. A l’ouest, ce qui reste du mur, mesure (7,20 mètres) de longueur pour (1,50 mètre) d’épaisseur. Les côtés nord et sud ont une longueur de (7,60 mètres) pour (1,10 mètre) d’épaisseur, alors que le mur est, pour une longueur de (7,20 mètres) accuse une épaisseur de (0,90 mètre). A l’angle sud-ouest, le mur septentrional se prolonge vers le sud, puis contournant le carré se dirige vers l’est pour y rejoindre le mur d’enceinte. L’espace ainsi créé entre les deux murs méridionaux est de (3,30 mètres) de largeur. La partie orientale de l’enceinte épaisse de (0,90 mètre) se dresse à (2,70 mètres) du carré. On pénètre à l’intérieur de l’enceinte par une porte placée à l’angle sud-est. De là, on peut se diriger, soit vers le nord, soit vers l’ouest. Deux larges portes donnent accès à l’intérieur de la salle. La porte sud, presque remblayée, se laisse à peine deviner sur le sol encombré. Celle de l’est, cependant, mieux conservée, s’élève encore de (1,50 mètre) du sol pour une largeur de deux mètres. Elle devait être normalement fermée puisque les charnières, de gros monolithes, gardent encore le souvenir des gonds et des mortaises.

 

La tour ainsi dessinée devait avoir un aspect assez solide car ses murs ont employé un appareil bien gros. Les pierres mesurent en moyenne (1,30 x 0,50 x 0,35). Ils comprennent dans leur épaisseur deux parements reliés par un bourrage épais. L’intérieur du carré pouvait-il avoir une séparation quelconque? Tout le laisse penser, mais le remblai qui encombre le sol ne nous permit point de nous en assurer.


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LE OUADI OUDIN

 

De Andqit, grosse bourgade au nord-est de la ville de Cobiath, on remonte vers le sud-est, à travers la vallée de Oudîn. Il faut aller, doucement on risque de troubler le silence du temple: Annat est en train de se relaxer dans ses quartiers d’été, après les durs labeurs qu’elle vient de se donner pour sauver son beau Dammouz. Vallée sainte, plus on y avance, plus on se sent pénétré d’un calme impressionnant, le calme mystérieux du sacré qui vous enveloppe de toute part. Le sol que l’on foule est sanctifié, il est pétri de sueur et de sang: les premiers saints du Liban y ont laissé leurs traces indélébiles. La forêt pleure encore l’encens qui, jadis, jour et nuit, inondait la vallée. Les lieux conservent encore les noms des saints, leurs patrons. Que signifie, au juste, Oudîn? Est-ce un nom d’emprunt apporté par les émigrés d’el Aouassem comme le laisse entendre le P. Lammens? Ou bien le pluriel syriaque de oudo dans le sens de ”bois sacré”. Le p. Lammens parle du vocable comme un nom de monastère, ici, Il s’agit d’une region boisée, d’une forêt à laquelle sied mieux l’application du terme. Les cimes et les côteaux aux arbres de sapin ombragent les journées chaudes, et, les sources, nombreuses dans la vallée, rafraîchissent le passant et bercent, de leur cantilène, ses rêveries sur les routes du passé. L’odeur du muguet, qui imprègne l’atmosphère d’aujourd’hui, serait-elle une heureuse effluve de la cueillette qu’en faisaient jadis “les druides araméens” dans le bois sacré de Oudîn? Plaçant le romantisme de côté, le fait peut être vrai vu que le phénomène des champs des ”pierres dressées” est toujours constatable dans les environs immédiats de Andqit. Une route, récemment asphaltée, dessert la vallée de Oudîn. A un kilomètre, environ, des dernières maisons du village, un bosquet de chênes verts séculaires attire l’attention, à droite de la route. Une enceinte, en béton, enserre, derrière ses murs, la propriété de Mar Saba. Pourquoi cette tache obscure parmi les terrains cultivés? En menant votre enquête, vous verrez des bosquets pareils un peu partout. Sans vous informer auprès des indigènes, sachez que ces futaies épaisses et vétustes ombragent une ruine sacrée: c’est le wéli. C’est aussi le waqf (propriété sacrée), interdiction absolue d’y toucher.

 

 

A- Mar Saba

Situé sur une rampe à flanc de montagne l’emplacement regarde, en face, Andqit, et, à l’horizon, le Crac des Chevaliers. A gauche s’étale la ville de Cobiath tandis que, à droite, le Ouadi Oudîn se dirige en s’élargissant vers la Boqeiaa. Derrière, juste à quelques pas, se dresse la montagne où des rochers blanchâtres pointent sauvages parmi les buissons et les jeunes plants de sapin, cachant aux regards indiscrets beaucoup d’éléments appartenant au domaine sacré.

 

- L’église :

Les ruines étant parsemées de vieux troncs de chênes verts, le terrain fut déblayé, l’été dernier, par les gens du pays. Qu’en reste-t-il au juste? La station devait être assez vaste et les vestiges indiquent l’existence d’un ensemble cultuel. Les fondations qui affleurent sont très difficiles à reconstituer. Une seule constatation est possible: il devait s’agir de la présence de deux chapelles contigües ou bien d’une église à deux nefs. Les chapelles, allongées, d’est en ouest, donc parfaitement orientée, étaient engagées, à l’est, dans un seul mur qui donnait à l’ensemble une façade unique et les faisait apparaître, de loin, comme une bâtisse compacte. Le mur est d’une épaisseur variable. Il comprend parfois un triple parement. Le parement extérieur est fait de gros blocs taillés régulièrement. La face de la pierre est tellement rongée par les facteurs naturels qu’il s’avère impossible d’en tirer des conclusions satisfaisantes. Doit-on penser à un vestige de temple romain ou bien à l’appareil d’un ancien lieu de culte de la période paléochrétienne? Nous penchons pour la seconde proposition vu la similitude de la taille et de la grandeur de la pierre avec d’autres murs constatés dans d’autres centres, notamment à Qammaa et à Kfarnoun. Les absides des chapelles ayant été adossées au côté est de l’ancien édifice, le parement intérieur de l’ancien mur constitue le fond de l’hémicycle des absides alors que les recoins, formés par le mur mitoyen et les flancs nord-est et sud-est des chapelles, ont été rembourrés.

 

L’ancien mur, se dirigeant du sud au nord, son angle sud-est, est toujours visible, alors que les fondations de l’antique édifice dépassent de beaucoup la largeur des chapelles avant de disparaître dans le sol sans laisser de traces visibles. De là on peut conclure que les chapelles ont été littéralement encastrées dans l’antique monument.

 

Dans l’abside de la chapelle sud, on voit encore, dressée sur un tronc, à la place de l’ancien autel, une énorme table de pierre. Une entaille fort légère y forme un cercle englobant la presque totalité de l’espace plat avec un déversoir latéral et un petit trou creusé au centre du cercle. Est-ce une antique table de sacrifice? Ou bien la couverture d’une tombe mégalithique quelconque? Ou mieux, comme nous le pensons, la maie d’un pressoir à olives? Nous en avons vu une, semblable, échouée au sein de l’une des tombes mégalithiques de Menjez; une autre réemployée comme pied-droit de porte, dans une vieille maison, au village de Ozeir, face au Felicium, sur l’autre rive de Nahr-el Kébir, comme nous avons eu la chance d’en photographier une au village de Fsaqine. Les premières assises du mur sud de la chapelle méridionale sont encore visibles. Le reste des structures inférieures est complètement enterré. Il est impossible de dresser un plan exact du monument puisque, comme nous le disions plus haut, une bonne partie des fondements n’est plus visible. Les deux chapelles ne devaient pas être en retrait l’une par rapport à l’autre, comme à Saint Georges et Daniel à Chouita ou bien Notre-Dame de Ghozrata, mais toutes deux encastrées dans une même enceinte comme à Notre- Dame de Qammaa.

 

Aux alentours de l’église, on peut remarquer des vestiges de fondations trop bouleversées et l’on ne saurait deviner leur destination première dans l’état actuel du site. La pierre de la construction a été, sans doute, extraite sur les lieux-mêmes, car on voit toujours les vestiges d’une vieille carrière à quelques mètres au sud du monument. Rappelons que Mar Saba devait être un ”Deir”, lui-aussi. Preuve en sont les vestiges de la tour de garde qu’on peut toujours observer à l’angle sud du terrain.

 

 

B- Mar Elias

Nous marchons vers le sud-est, la route longe le flanc droit de Oudîn. Plus nous avançons, plus la vallée, étroite au début, s’élargit d’une façon sensible de manière à prendre la forme d’une ovale. Deux kilomètres, à peine, séparent Mar Saba de Mar Elias. Un gros platane ombrage ”Ain el Qabou”. Deux cents mètres à l’est de la source se dresse une chapelle assez coquette avec son clocher au pur style maronite. La construction est récente et elle ne garde aucune parenté avec le monument antique dont elle conserve le nom.

 

La nouvelle chapelle vient d’être bâtie sur l’emplacement d’un monastère maronite tombé en ruines.

 

Les moines maronites avaient, à leur tour, élevé leur résidence sur le site de l’ancienne bicoque datant de la période franque. C’était vers le milieu du XIX siècle, période qui connut une floraison monacale dans le pays. Les Carmes déchaux exhumaient Mar Doumith de ses cendres à Cobiath, les Jésuites relevaient les murs de Notre-Dame du fort au Felicium, et plus tard la maison st. Joseph à Andqit alors que les moines maronites libanais installaient deux communautés dans la région, l’une toujours active à Deir-Jannine et l’autre, éteinte il y a quelques décades, à Mar Elias Oudîn. Qu’est-ce qu’il reste de l’institution médiévale? Apparemment, plus rien. Des fouilles révéleraient, peut-être, quelques restes de fondation. Nous croyons, pourtant, avoir retrouvé des pierres de l’ancienne époque remployées dans la construction moderne. Le site surplombe une falaise rocheuse assez élevée. La falaise est percée de plusieurs hypogées comme il en existe d’autres, au pied de la montagne, sur la rive orientale du torrent qui coule au bas de l’éperon. Nous traversons le Ouadi pour rebrousser chemin sur la rive gauche du Ouèd. Un kilomètre et demi plus bas, le flanc de la montagne, celle du Akroum, s’infléchit et l’espace prend de la largeur: Les champs sont vastes, à leur extrémité nord, presque au niveau de Mar Saba, apparaît une autre tache obscure. De gros vieux chênes verts ombragent les vestiges de Mar Elian.

 

 

C- Mar Elian

La vue du site à partir du haut-plateau de Mar Saba n’est pas impressionnante. Le sanctuaire semble enfoui au creux de la vallée et l’on se demande pourquoi a-t- on choisi cet emplacement relativement désavantageux. Les vieux sanctuaires qui ont remplacé les anciens lieux de culte phéniciens ou cananéens dominent généralement les croupes des collines et les crêtes des montagnes. Il ne s’agit pas d’une coïncidence de hasard mais plutôt d’un choix réglé par les croyances et la tradition. Dans le Cobiath, les anciennes chapelles ne font pas exception à cette règle. Quand l’une d’elles se trouve dans une vallée, c’est qu’au sein de cette même vallée, elle s’élève sur un mamelon ou bien, un éperon quelconque.

A Mar Elian, la vallée est large et le monument domine au pied du versant ouest du Jabal Akroum, la croupe d’un éperon.

 

Cent mètres environ, au sud du sanctuaire, on remarque des vestiges parsemant le sol aux alentours d’un vieux chêne solitaire. La lecture de ces vestiges n’est pas tellement aisée, vu leur état de bouleversement : ce sont les ruines d’une chapelle antique dédiée à la Sainte Vierge. Au sud des ruines, nous pensons avoir discerné les restes d’une ancienne installation agricole, en particulier les fondations d’une huilerie antique. Un énorme fût d’ancrage se dresse, solitaire, dans le champ voisin. Un moulin à main, une sorte de grosse ”jarouchée” à olives, gît encore à l’ombre du chêne.

 

- Le Sanctuaire:

Formé de deux chapelles ou mieux de deux nefs, le sanctuaire est totalement encastré dans un ensemble cultuel plus ancien. Les chapelles ont, à peu près, les mêmes mesures: celle du sud est légèrement plus courte, elle paraît même dans son état de ruine actuel comme étant la chapelle principale. Celle du nord, un peu plus longue, est moins large que sa soeur. Une porte médiane faisait la jonction entre les deux vaisseaux.

 

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[1] Père  Etienne Tohmé O.C.D.

[2] Deschamps, P. le Crac, p.116.

[3] Yacout, Mojam, 4, p. 273.

[4] Dans la cour du temple de Menjez, appelé Maqam - er Rabb, il y avait deux socles: l’un aujourd’hui disparu, devait porter la statue d’Athena, l’autre y est toujours présent. Il porte, gravés, sur une face une roue à huit rais, et, le nom de Némésis, en caractères grecs. Sur l’autre face, on lit le nom de Kairos Kalos (Bonne Epoque). Le socle associait, sans doute, la vénération des deux divinités. Peut-on, alors, conjecturer sur l’association de Némésis avec la Tyché-Fortuna de Saïdé et Kairos Kalos, et de là aboutir à Némésis - Menjez et Felicitas Temporum-Felicium? Dans ce cas le nom Felicium serait plus près d’être la réminiscence de ces divinités grecques plutôt qu’un apport arabe. (CFR. Le cite ...)

[5] CORNER, Herman. Cité par Rey, E G  dans Colonies Franques p. 54.

[6] Rey, E.G.o.c.L.c.

[7] L’église mise, récemment, en chantier est entrain d’être restaurée à la Libanaise: la façade a perdu sa belle bigarrure, et les jolies fresques de l’intérieur, datant de la fin du 19e siècle, viennent d’être gommées au badigeon.

[8] “Tycheros”, déesse du bon destin, de la félicité.

[9] TCHALENKO G., Villages Antiques de la Syrie du Nord, p. 30,ss.

[10] DESCHAMPS, P. Le Crac des Chevaliers p.87.

[11] DUSSAUD, R. Topographie historique, p. 86

[12] DESCHAMPS, P. Le Crac des Chevaliers p. 95.

[13] A rapprocher des deux sacristies de la chapelle-donjon de Castel-Blanc à Safitha. Cfr. à ce propos, ENLART, C. Architecture religieuse des Croisées v. H.p. 110.

[14] IBN Djobair, Historiens Arabes des Croisades tome lll p.453.

[15] De VOGUE, cité par le père GOUDARD, dans la Ste. Vierge au Liban, p. 276.

[16] les coteaux de Nahr-el Kébir, surtout la région du Dreib, du Felicium et de Tell-Kalakh, sont faits de bancs rocheux de la plus pure roche basaltique et les tailleurs locaux de cette pierre, au témoignage des indigènes, sont les meilleurs maîtres de Syrie (Cf. P. DESCHAMPS, le Crac).

[17] Voir atlas

[18] Nephin ou Enfé, petite ville du littoral libanais situé à 15 km au sud de Tripoli.

[19] La nef est actuellement formée d’une voûte d’arêtes avec une abside plate ajoutée. Le tout a été fait, Il y a à peine quinze ans (témoignage Local).

[20] Les choses ont beaucoup évolué depuis notre première visite. Les pistes d’alors, élargies et asphaltées forment aujourd’hui un beau ruban touristique. L’eau, l’électricité, les communications: les signes de la civilisation y pointent déjà...

[21] Dernièrement, je suis allé visiter les lieux - la source, la vasque, le platane, le terrain, tout a été aplani par bulldozer et une villa moderne y a poussé _ Seul le weli, solitaire, y veille...

[22] Gérondif de la racine, laisser une place vide, diviser, écarteler couper, le nom signifierait, les séparés les isolés ceux de l’autre côté (Fraïha, les noms p. 132) dans ce cas le village, face à Arwat (Aintinta) serait parfaitement à sa place: ses habitants sont ceux de l’autre côté

[23] L’église Mar Mama à Eddé-Batroun (fin XIIe siècle), possède une série de salles tout à fait semblables à celles de Fsaqine: ces salles servaient de classes et de logement au clergé.

[24] TCHALENKO G. Villages antiques de la Syrie du nord, chap. VI.

[25] Cfr. à ce propos, le manuscrit précité: la partie la plus soignée du sérail de Biré et qui, jusqu’à présent, suscite l’admiration, accuse nettement son antique origine . Mgr Zraiby prétend que les Carmes ont remployé les pierres du Qassre dans la construction de leur couvent à Cobiath. Le fait paraît fort contestable et ceci pour deux raisons: d’abord, la personne mentionnée dans le manuscrit précité -  P. Isus, ou Jesus Maria n’existe pas dans la nomenclature des Missionaires Carmes au Liban, et, l’autre raison c’est que le “Iibro maestro” de la station de Cobiath ne mentionne nullement des travaux exécutés en 1870.  Aucun ouvrage d’importance n’a été fait durant les décades 1860 - 1890.

[26] TESTINI P. Archeologia Christina, édipuglia, 2da édizione, Bari 1978, p. 83.

[27] TESTINI P. Archeologia, p. 135.

[28] origine, p.134.

[29] Butler, Early churches, p. 210 sg. : Daou B. v. 1. 410, VIII, 194 - 196

[30] Assemani; Biblioteca. Vl, p.507 texte latin.

[31] Cfr. Lammens, vestiges, v.II p. 44: Daou B. V i. P. 330

[32] D. Salloum a savemment développé le sujet, il serait utile de le lire O.C. p. 77

[33] M. Kerd Ali, v. III, p  97

[34] Salibi K. Tarikh, 18

[35] Aboulfaradj cité par Rey, colonies, p.358

[36] Lammens. les Nosaïris...

[37] SARKIS Hassan - Contribution p. 170.

[38] SARKIS Hassan - Contribution p. 178

[39] Le raisin a son propre pressoir... Ce pressoir se fait, le plus souvent, dans les vignobles pour faciliter aux viticulteurs le transport de leurs vendanges. Il y en à de ceux qui le font dans les villages si les vignobles sont à proximité...

   Les éléments constitutifs, les plus importants, d’un pressoir sont: la place, le rouleau et la citerne. La place est formée de trois aires contiguës séparées par des murets de 70 - 80 cm de hauteur. Leur sol est, soit formé par la roche naturelle, soit couvert de dalles ou bien d’une couche de chaux. On y étend le raisin, on répand dessus un peu d’argile blanche, puis on le piétine jusqu’à répandre son jus par un déversoir pratiqué sur le côté antérieur lequel s’abaisse jusqu’à une citerne creusée devant...

On amasse le raisin concassé au centre de l’aire et... on le presse au moyen d’un arbre enfoncé dans une entaille du mur postérieur. A l’autre bout de l’arbre on suspend un grand rouleau de forme cylindrique” KHATER Lahd - Attaq. vol I. p, 138 - 139.

[40] Nous doutons fort de l’existence de cette Crypte: la nature actuelle du sol n’en donne aucune idée.

Tout ce que nous décrivons du site appartient déjà au passé. De grands travaux viennent d’être exécutés et le terrain, mises à part les chapelles, a perdu son aspect premier.

[41] TESTINI P. Archéologia Cristiana, p. 187.

[42] SARKIS Hassan - Contribution p. 120

[43] ADDOUAIHI Est. Manarat Et Aqdas, p.103.

[44] Ce baldaquin en coupole, assez grand, réduit plus tard à sa plus petite expression et sans aucune forme précise, fut placé à partir du XVIlls. au dessus du tabernacle qui surmonte le deuxième degré de l’escalier posté à l’est de la table d’autel.

[45] Les chapelles ont été refaites avec amour et presque sans défaut selon un plan de restauration aussi parfait que possible par Tannous Cessine cobiathin originaire de Mrahat.

[46] Les travaux de restauration en cours ont mis à découvert le goulot d’une citerne antique en parfaite conservation, Elle occupe juste l’espace laissé libre par le décalage extérieur des absides.

[47] Se reporter au manuscrit de Mgr Zraiby précité.

Note= Mr Lockroy, l’un des collaborateurs d’Ernest Renan, (c.f. Mission, p. 117) visite les lieux vers le milieu du 19ème. siècle et rapporte ses impressions: ”Cobbaïet est une espèce de centre pour ces cantons perdus. Près de Cobbaïet, à Ellesbey, il reste deux murs d’une vaste construction antique. Les blocs sont d’une grande dimension et ne portent pas de trace de ciment... je ne vis pas de restes de colonnes: mais je remarquai une niche carrée. enclavée dans le mur, comme celle de Kalaat Sarba et entourée d’une bordure dans le style grec

[48] Cfr. Sallourn. F.O.C.  p. 72

[49] Le baptême du temple doit remonter à une période très ancienne. D’abord le culte de Mar Challita n’est ni récent, ni insolite chez le peuple maronite preuve en sont les multiples sites dédiés à ce saint à travers le Liban. Ces dernières années, une pieuse dame s’est donné pour objectif de relever le sanctuaire de Hilsban de ses cendres. Les deux pans de mur observés par l’adjoint de Renan lors d’une course rapide” et”la niche carrée enclavée dans le mur (Est) et entourée d’une bordure dans le style grec” sont encore ou ont été refaits bravement quoique avec quelque petit changement par la dame précitée. Il semble que Lockroy n’a pas eu l’occasion ou le loisir de fouiner un tout petit peu dans les parages. Les circonstances ou la compagnie, ne lui ont pas montré la grosse pierre. partie de la frise supérieure du temple. Cette frise ressemble, avec ses rinceaux fleuris et ses oves, aux frises de Baalbec. Mais le véritable mérite de la vénérable dame, à son insu-malgré les dégâts causés au temple, - c’est non seulement d’avoir monté intelligemment au sein et à côté du célèbre temple, un superbe ensemble socio-religieux, mais et surtout d’avoir mis en lumière les fondations de l’église paléochrétienne. Le linteau a été réemployé dans la nouvelle façade alors que le seuil conserve sa place dans le nouvel édifice. Il y a à remarquer la nécropole, des tombes du type dit sub divo” (voir Atlas).

[50] Monseigneur ZRAIBY Mikhaïl, Manuscrit.

[51] Les croix sont à peine visibles: elles ont été volontairement martelées, le linteau intacte jonche toujours le sol devant la salle longue.

[52] L’église vient d’être refaite. Dérogeant à toute norme scientifique de restauration la reconstruction a eu le mérite de mettre en lumière une pierre réemployée dans le mur méridional de la chapelle sud . cette pierre porte en creux une inscription grecque (à déchiffrer)

[53] N.D. de la pluie? Cette remarque est du R.P. Etienne Tohmé (O.C.D.). Se rappeler, à ce propos, le nuage apparu à Saint Elie, sur le Mont Carmel. La Tradition chrétienne à toujours vu dans ce nuage une préfiguration de la Sainte Vierge. ”Elia prega... e la pioggia. ”Nubecula parva quasi vestigium hominis” (111 Reg. XVIII)

[54] Le Weli est ancien, fort ancien, raconta le jeune pâtre. Dans le temps, bien loin dans les temps, il y avait sur les lieux un petit hameau dont il ne reste pas grand chose. A côté du weli vivait un curé, bien sage, avec sa famille nombreuse, alors que ses cousins avaient construit leurs maisons sur le mamelon d’en face, là où il y a le Qassre. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas neigé et la vie devenait assez dure à cause de la sécheresse. Un soir, les nuages s’amoncelèrent et le vent souffla annonçant une pluie imminente. Le sage curé, devinant l’approche d’une tempête sans précédent, se porta chez ses cousins et les pria de quitter les lieux. Ces derniers se refusèrent, prétextant qu’il n’y avait pas à craindre d’une neige tant attendue. Le curé, de retour chez lui, annonça son intention de s’en aller et demanda à ceux qui voulaient partir de se préparer. Il se mit enfin à la tête de la petite troupe et descendit la vallée vers Cobiath: Le brave curé avait deux pigeons, il plaça l’un d’eux sous le boisseau alors que l’autre resta libre. Vers minuit la tempête fit rage et continua de la sorte plusieurs jours de suite. En un moment d’accalmie, l’un des paysans eut l’idée d’aller s’informer de son curé. Il eut beaucoup de peine pour arriver à la maison dont il trouva les issues bloquées par l’épaisseur de la neige, réunissant ses forces déjà, affaiblies, il parvint à dégager la fenêtre, et se glissa à l’intérieur. La maison était vide mais son attention fut attirée par le boisseau qu’il se hâta de relever. Un pigeon y était, mais mort. Lui, qui connaissait bien les deux pigeons du curé comprit que l’autre pigeon, resté libre, s’était envolé à temps. Il comprit alors la sage leçon du curé mais c’était trop tard. La tempête ayant repris de plus belle coupa les routes. Les paysans périrent ensevelis sous la neige alors que le curé et sa suite, partis, se transférèrent à Dahr Safra, dans le voisinage de Tartous où leurs petits fils vivent jusqu’à présent”.

 

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