La Passion du Christ - Film de Mel Gibson
Père Louis Wehbe
Je suis allé l'autre jour au cinéma. Je voulais voir le film sur La Passion du Christ et me faire une opinion personnelle, loin de toute influence. (Entre parenthèses: il y a de très longues années que je ne suis pas entré dans un cinéma). J'ai vu le film en entier. Après l'avoir vu j'ai eu envie de faire silence. Ce que j'ai vu me rejoint, m'interpelle, me questionne. Pour peu que je sois sérieux, il m'est impossible d'être indifférent. Je me trouve devant ce qui me concerne au plus profond de mon être. Je ne suis plus spectateur; je me vois acteur. C'est lui (Lui) qui me regarde : "Et toi, que dis-tu de toi-même ?"
Je sais, pour avoir fait du Christ le centre de ma vie, que sa Passion révèle l'homme à lui-même. Le Christ se propose à l'homme, il ne s'impose point. Même au cours de sa vie terrestre, il ne s'est jamais imposé aux autres. Ses miracles rapportés par l'Evangile n'étaient que des signes qui interpellent mais ne forcent jamais l'adhésion. C'est pareil encore aujourd'hui. Les souffrances extrêmes, l'abondance de sang versé, la violence acharnée, la flagellation interminable que l'on voit dans le film ne sont pas de trop pour secouer la léthargie de nous tous qui cherchons ce qui va dans le sens du bien-être. Il est bon pour nous d'être dérangés. Le péché que l'on voit à l'oeuvre dans la Passion, est toujours actuel, nous le côtoyons, il n'a cesse de nous solliciter, de chercher notre complicité. J'ai vécu le film La Passion du Christ comme un message qui m'est adressé.
Je me demande : Quel est le sens réel de la mort de Jésus ? Ce sens dépendait de ce qu’il pensait Lui, et non de ce pensaient les autres. Or il a dit au cours de la Cène : « Ceci est mon corps livré pour vous ». Les textes du Nouveau Testament disent que Jésus est mort « à cause de nos péchés », c’est-à-dire du péché qui est en nous.
Juridiquement chaque personne est responsable de ses propres actes personnels, et non de ceux d’autrui, chacun a à rendre compte de ses propres actes, que l’on soit juif, romain ou n’importe qui. Cela veut dire que les Juifs d’aujourd’hui, comme les Romains d’aujourd’hui, ne sont ni plus ni moins responsables que chacun de nous. Nous sommes tous pécheurs et tous nous avons besoin du salut par Jésus Christ.
« Ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à
tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps », enseigne l’Eglise
catholique dans le texte conciliaire Nostra Aetate.
Si nous voulons être fidèle à Jésus jusqu’au bout, nous avons à adopter son
attitude : or Jésus a aimé et a commandé d’aimer tous les hommes sans exception,
y compris les Juifs. Et si moi chrétien, je me permets de haïr, de faire du mal,
ou de souhaiter le mal à n’importe qui, y compris à des juifs, je deviens un
traître de Jésus, pire que Judas. Si je fais du mal à un être humain, pour qui
Jésus a donné sa vie par amour, c’est à Jésus même que je fais ce mal. En voyant
le film de la Passion, il est très possible que je sois pris d’émotion, jusqu’à
verser des larmes. Et c’est compréhensible. Ces émotions devraient me pousser à
transformer ma propre vie pour la rendre plus évangélique. Mais si ces émotions
venaient à alimenter en moi une haine envers d’autres hommes, je cesserais
d’être chrétien; le Christ ne me reconnaîtrait plus comme sien.
Haïr des hommes, haïr des Juifs, c’est la pire trahison qui se puisse commettre
envers le Christ, car ce serait précisément trahir la mission de Jésus, lequel
est venu par pur amour pour sauver tous les hommes, car pour Jésus tout homme
est ce qu’il y a de plus précieux.
Père Louis Wehbe