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Père Nivard KHOURY
(Louis Khoury)

1929 – 2015

C’est dans la nuit du 14 au 15 avril que notre cher frère a quitté ce monde, à un âge relativement avancé, au terme d’une vie monastique longue de quelque 76 ans, ce qui, sans être rare, n’est pas commun. Cela est loin de laisser indifférents ceux qui ont vécu de longues décennies en sa compagnie. Évoquer les principales étapes de sa vie pourrait être un très modeste hommage à sa mémoire.

P. Nivard en 2005


Louis Ibrahim Khoury, benjamin de dix frères et sœurs, est né le 5 juin 1929, dans une famille maronite traditionnelle, dans le petit village de Menjez à l’extrême nord du Liban. Milieu religieux pratiquant, comme l’ensemble des maronites de ce temps. C’était l’époque où Dom Paul Couvreur créait le Juvénat, école monastique en vue de favoriser de futures vocations pour Latroun, expérience qui dura de 1931 à 1963. Ainsi le monastère amenait des adolescents libanais avec l’accord de leurs parents, leur assurait une éducation et des études dans un climat typiquement monastique, toutes dépenses étant à la charge du monastère. Dom Paul comptait sur frère Joseph Dakkik, unique religieux libanais de Latroun pour recruter les jeunes candidats. F. Joseph étant originaire du nord du Liban, c’est là qu’il se rendait surtout pour sa mission. C’est ainsi que dans le village de Menjez (Akkar) il fit connaissance avec Ibrahim Khoury, père de famille maronite lequel se montra enthousiaste pour le projet et se dit prêt à consacrer ses enfants à Dieu si eux y consentaient. Dans le premier groupe d’enfants partis du Liban pour inaugurer le Juvénat le 4 novembre 1931 figuraient deux enfants d’Ibrahim : Joseph (14 ans) qui deviendra plus tard Père Bernard († 15.05.1976), et Choukri (12 ans) qui deviendra Frère Raphaël mais quittera le 06.09.1934 († 17.1.2013). Quelques années plus tard ce fut le tour d’un 3ème frère, Michel, qui entra au juvénat à l’âge de dix ans le 16.01.1936 et devint frère Guy († 22.08.2005). Enfin trois ans plus tard ce fut le tour du benjamin Louis à rejoindre l’école monastique de Latroun, lui aussi âgé de dix ans. Ce fut le 21.05.1939. Entre temps Monsieur Ibrahim Khoury envoya en Terre Sainte ses filles Mariana et Julia pour embrasser la vie religieuse. Mariana finit par entrer à la trappe d’Ubexy (Vosges), devint Sœur Hélène et y vécut jusqu’à sa mort qui survint le 14.09.1999. Julia s’orienta vers le mariage et se fixa en Terre Sainte avec sa famille, et décéda début février 1996. En imitation, ou en souvenir, de la famille de saint Bernard, Dom Paul Couvreur donna à ces frères de sang comme noms de religion ceux de Bernard, Guy et Nivard pour le benjamin, noms qu’ils reçurent le jour de leur prise d’habit d’oblat au juvénat.


Frère Nivard passa six ans et demi dans cette école monastique durant lesquels il reçut une éducation religieuse dans une atmosphère très monastique, et fit des études primaires puis secondaires. Les juvénistes, une fois arrivés à un certain stade d'études, et ayant atteint l'âge convenable, pouvaient choisir soit de passer en communauté avec les moines en vue du noviciat, soit de rentrer chez eux. Ceux qui optaient pour entrer en communauté avaient la faculté d'aller d’abord en vacances en famille, et à cette époque cela était considéré comme la dernière visite en famille, après quoi la séparation devenait définitive. Pour Frère Nivard cela devait avoir lieu en 1946, à l'âge de 17 ans. Prévoyant qu'après les vacances prévues la séparation d'avec les parents serait très dure, Frère Nivard, ayant demandé conseil, décida de renoncer à aller en famille et il entra directement en communauté le 6 novembre 1946. Après un an d'essai il commença le noviciat canonique le 21 novembre 1947 âgé de 18 ans. Parmi ses compagnons de noviciat il y avait F. Basile Ramy son aîné de sept ans. Ils feront ensemble tout le parcours monastique et les études de théologie, seront ordonnés prêtres le même jour et fêteront plus tard ensemble leur jubilé d'or. Ainsi c'est le 8 décembre 1949, en la fête de l'Immaculée qu’ils prononcèrent les vœux temporaires.


La guerre judéo-arabe de 1849 fut très éprouvante pour les nerfs fragiles de frère Nivard. Les bombardements violents provoquèrent chez le jeune novice de 19 ans une crise de nerfs qui l’empêchait de dormir et fragilisa davantage son tempérament sensible. Il ne sortit pas indemne de cette épreuve.


Normalement il aurait dû faire profession solennelle avec F. Basile le 8 décembre 1952, mais une autre crise très violente lui était réservée au cours de cette année. Son frère aîné, le Père Bernard quittait le monastère le 05.05.1952 pour entrer dans le clergé séculier. Le jeune profès de 23 ans fut extrêmement ébranlé par cette défection et vécut des tourments intérieurs qui le rendirent indécis devant l’échéance de ses vœux temporaires. Ici qu’il soit permis de révéler qu’en cette circonstance il fut donné à un tout jeune juvéniste de 14 ans de prendre en charge spirituellement la situation de F. Nivard… Enfin le 31 mai 1953, dimanche de la Trinité, Frère Nivard émettait ses vœux solennels.

 

P. Basile et P. Nivard : jubilé d’or d’ordination


Il poursuivit ses études de théologie avec son condisciple F. Basile, ayant comme professeurs P. Marcel Destailleur et P. Martin Godart, et en partie P. Augustin Roch. De sorte que tous les deux furent ordonnés prêtres à Jérusalem le 17 décembre 1955 par Mgr Gelad, auxiliaire patriarcal.


Doué pour le chant et jouissant d’une belle voix, P. Nivard fut chantre de la communauté du 03.10.1959 au 18.07.1966.


Le 2 avril 1958 il devint directeur du juvénat, poste qu’il devait occuper avec intermittence jusqu’à la fermeture définitive de cette école monastique le 22 juin 1963. Cette fermeture fut une grosse épreuve pour P. Nivard, et assombrit ses relations avec les supérieurs. Très fatigué il dut aller se reposer au Liban en juillet 1964.


Dans la suite P. Nivard devait rendre de multiples services à la communauté. Il s’occupa du jardin potager du 2.9.1964 au 18.11.1965 ; puis de l’hôtellerie du 18.11.1965 au 2.10.1967 ; de nouveau au jardin du 2.10.1967 au 10.4.1968.


Pour mieux récupérer ses forces il fit un séjour en France à l’abbaye de Sept-Fons du 10.4.1968 au 29.3.1969.
Il devint cellérier du 19.7.1971 jusqu’à 1982 ; puis il reprit l’hôtellerie de 1982 jusqu’en octobre 1993.
Pendant une trentaine d’années il rendit des services très appréciés comme confesseur à la paroisse latine de Ramallah, surtout pour les grandes fêtes.


En 1993 Père Abbé cherchait un frère volontaire pour l’envoyer comme aide à notre annexe puis fondation de Saint-Sauveur au Liban. Ce n’était pas facile. Finalement sollicité à son tour pour ce service, Père Nivard accepta de se dévouer non sans quelque appréhension. Et ainsi le 18 octobre 1993 P. Nivard partait pour le Liban. En franchissant la clôture (il le dira plus tard) il eut un fort sentiment qu’une page se tournait pour lui après 54 ans de présence à Latroun.


Ainsi Père Nivard, depuis cette date, devait lier son sort à Saint-Sauveur qui en 1998 devait passer du statut d’annexe à celui de Fondation officielle. Il eut l’occasion de faire encore de brèves visites à Latroun, mais c’est à Saint-Sauveur qu’il s’est donné ; y refaisant ses racines tant bien que mal. Mais son attachement à Latroun, affectif et spirituel, restait intact ; et même, me semble-t-il, ces derniers temps un je ne sais quoi de nostalgique pour Latroun alimentait son émotion.


L’évolution et la tournure que prirent les événements à Saint-Sauveur, avec l’épilogue que l’on sait, furent extrêmement douloureux pour la sensibilité de P. Nivard, déjà explosive par nature. Par suite de la décision de l’Ordre en 2011, il s’est senti victime et exprimait son indignation avec violence.


Depuis que sa santé déclinait à cause de ses nombreuses infirmités, il se centrait de plus en plus sur la prière et l’abandon, donnant l’exemple d’une âme très donnée et fidèle à son engagement monastique qui a duré 76 ans.


Sentant ses forces l’abandonner il a désiré revoir son ancien Père Abbé Dom Paul Saouma. Ce dernier s’est rendu auprès de lui du 13 au 18 mars 2015.

Père Nivard, benjamin de ses frères et sœurs moines, est aussi le dernier à clore la lignée monastique de sa famille, après 76 ans de vie cloîtrée dont 54 à Latroun et 22 à Saint-Sauveur.

f. Louis o.c.s.o.

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