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Sr Tidola, Communauté des Béatitudes

Généalogie - Première partie

 

Matthieu 1, 1-17

Première partie

 

Nous avons souvent du mal avec le récit de la généalogie parce que nous n'y voyons qu'une succession de noms inconnus, un peu barbares. Cette méditation cherche à nous ouvrir à l'intelligence du texte biblique et au message que l'auteur de l'Evangile de Matthieu voulait nous donner. Elle nourrira ainsi notre prière.

Une lecture priante du texte de St Matthieu 1, 1-17 est bien nécessaire

 

La généalogie, nous le savons en Orient, est d'une importance capitale pour l'identité de la personne. Nous sommes fils d'untel, fils d'untel… Matthieu commence son Evangile par le récit de la naissance et l'enfance de Jésus. Il s'attellera tout au long de son livre à montrer que ce Jésus, fils de David, fils d'Abraham, fils des hommes, est bien le Christ qui vient accomplir les Ecritures.

Par le terme "genèse" de Jésus Christ, Matthieu fait allusion au commencement du monde, à la création. Jésus, né de la chair, était avant le temps, il était avec Dieu. Il est également début de la nouvelle création. Il est le nouvel Adam

(Gn 5, 1)

 

Vient ensuite la série des générations. Trois séries comportant chacune quatorze générations.

Arrêtons-nous un moment au chiffre 14 : 14= 7 fois 2. Or, 7 est un chiffre complet. Il est multiplié par deux pour lui donner plus de valeur. Jésus vient dans une généalogie de 14 générations fois 3 pour accomplir cette création c'est-à-dire l'amener à son sommet et à son achèvement. Cet achèvement est en Dieu et par lui. Notons que le chiffre 3 a également une valeur symbolique[1].

 

Dans le cours de ces générations, Dieu se révélait et faisait alliance avec son peuple. Dieu éduquait son peuple pour le faire entrer toujours plus dans l'économie du Salut.

D'Abraham à David ce sont les générations où Dieu se révèle Dieu unique parmi les dieux. Israël est appelé à le connaître et à le servir. De David à la déportation de Babylone, ce sont les générations où Dieu se révèle Roi unique qui doit régner sur son peuple tantôt chercheur de Dieu mais souvent idolâtre,. Dieu finit par corriger ce peuple en l'exilant, en l'envoyant au désert là où il va séduire son cœur. De la déportation au Christ ce sont les générations où le salut se fait plus proche encore. Les prophètes préparent le chemin et annoncent le Messie. Dieu dépassera toutes les attentes de son peuple, depuis Samuel jusqu'à Isaïe qui s’exclamait : "Ah ! Si tu déchirais les cieux et descendais. Devant ta face les montagnes seraient ébranlées… (Is 63,19).

 

Jésus le Messie vient bien de la race de David mais c'est Dieu qui descend.

Dieu se fait petit, tout petit qu'il prend la chair d'une génération pécheresse. Il se fait l'un de nous. Nous, les Abraham, Jacob, Isaac d'aujourd'hui. Nous, les Booz, David, Salomon d'aujourd'hui. Nous aussi, les Thamar, Rahab et Ruth d'aujourd'hui.

 

Matthieu citera au côté d'hommes aussi grands que pécheurs le nom de femmes-types, qui sont de notre pâte. Elles ont connu le péché. Elles ont crié vers Dieu. Elles attendaient le Salut.

 

Juda a commis l'inceste avec Thamar sa belle-fille. Thamar s'est prostituée en s'unissant à son beau-père Juda. Mais c'est par l'astuce de Thamar et le péché de Juda que la descendance de ce dernier a eu de la continuité.

 

Salmon, descendant de Juda, s'unit à Rahab (la prostituée)[2], elle lui donna Booz. Ce dernier s'unit à Ruth la Moabite, celle qui d'étrangère qu'elle était, est entrée dans l'Alliance. Elle est l'aïeul du grand Roi David.

 

Matthieu ne prend pas la peine de nommer Bethsabée. Pour lui, elle reste "la femme d'Urie", portant ainsi dans son nom la marque du péché. Elle est la femme d'Urie que le grand roi David a tué. Elle est celle qui a commis l'adultère avec David. Elle est aussi la "Guévara", la mère du grand roi Salomon.

 

Tant d'hommes et de femmes qui ont connu le Dieu Vivant. Tant d'hommes et de femmes qui ont connu le mal, le péché et la mort. Tant d'hommes et de femmes qui ont crié vers Dieu. Ils ont appelé à l'aide et leur supplication "monta vers Dieu du fond de leur servitude" (Ex 2, 23)

 

"Quand Dieu entendit leur gémissement, il se souvint de son Alliance avec Abraham, Isaac et Jacob…" (Ex 2, 24)

Ils l'ont espéré et Dieu a dépassé leurs attentes.

"Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme …, afin de nous conférer l'adoption filiale" (Ga 4, 4-5)

 

Jésus, nous dit Matthieu, est né de Marie dont l'époux est Joseph. Nous voyons par là autant une allusion à la conception virginale de Marie, qu'une indication de la génération humaine de Jésus. Matthieu le signalera lors de la visite de Jésus à Nazareth : "Celui-là n'est-il pas le fils du charpentier? N'a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ?  56 Et ses soeurs ne sont-elles pas toutes chez nous ? (Mt 13, 55).

Inutile de dire que Matthieu nous enseigne aussi que Marie est la nouvelle Eve qui a porté "le Salut" du monde. Marie clôt la généalogie. Elle est de la même pâte que toutes les femmes déjà citées mais elle les dépasse toutes parce que Dieu s'est plu à naître de son sein virginal. Marie est le type de la femme selon le cœur de Dieu.

 

D'Abraham à Marie, Dieu n'a cessé de parler à son peuple. A la plénitude des temps, il a envoyé sa Parole éternelle.

Le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous. Le mot grec que St Jean l'Evangéliste emploie pour dire "demeuré" c'est "sékèn", ce qui veut dire a dressé sa tente parmi nous. Autrement dit, il a établi sa Présence (shékina) parmi nous.

 

Aujourd'hui encore, Jésus est bien l'un de nous, il est présent parmi nous. Le croyons-nous encore ?

Croyons-nous vraiment à ce que nous professons dans le Credo : il est Dieu, né de Dieu… engendré, non pas crée… il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme…"

Que ce temps de Noël nous aide à plus d'intimité avec Le Seigneur Jésus. Il ne tardera pas à se révéler davantage à nos cœurs et à nos intelligences.

 

Sr Tidola, Communauté des Béatitudes


 

[1] Abraham vit le lieu le troisième jour (Gn 22, 4); Jésus est ressuscité le troisième jour; Jonas est resté dans le monstre marin trois jours et trois nuits; dans la parabole du levain il est question de trois mesures de farine; à la transfiguration Pierre veut dresser trois tentes; Il est question de deux ou trois témoins… etc…

[2] Notons que Mt cherche à montrer à son public comment Jésus accomplit les écritures. Pour lui, le fait en tant que tel est sans valeur, ce qui compte c'est l'idée qu'il contient et la preuve qu'il apporte. Ce point de vue exerce une influence sur la manière dont Matthieu traite les faits : il les détache volontiers de leur contexte historique, ils sont introduits par des formules vagues, les faits se trouvent réduits à leurs éléments essentiels. Mt n'attache aucune importance à la précision. C'est ainsi que Rahab la prostituée de Jéricho figure chez lui mais pas dans sa juste génération. Nous pensons que Mt le fait d'une manière symbolique.

 

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